Environnement : l'éco-anxiété meurtrit les jeunes : "je suis incapable de me projeter au-delà de 2030"

L’éco-anxiété, un syndrome qui touche de plus en plus de personnes, en particulier les jeunes. En pleine COP26, ce mal être qui découle de l'urgence écologique fait de plus en plus parler de lui.

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"Je suis incapable de me projeter au-delà de 2030" raconte Lila-Brune, 18 ans avant d’ajouter, "je devrais pourtant avoir des projets, réfléchir à si je veux une famille, où je veux travailler mais je n’y arrive pas".

Engagée à Youth for Climate à Metz (Moselle) depuis ses seize ans, la jeune étudiante indique souffrir d’éco-anxiété, un stress psychologique engendré par le dérèglement climatique. Cette sensation de détresse peut s’exprimer à travers un panel d’émotions comme la colère ou la tristesse, ou bien des symptômes physiques tels que l’anxiété, l’insomnie ou la dépression. 

Une source d'inquiétude récurrente

L'éco-anxiété, ou solastalgie dans le jargon médical ne ferait pas souffrir uniquement Lila-Brune. Selon une étude publiée mi-septembre par la revue The Lancet, plus de 50% des 16-25 ans interrogés se sentiraient tristes, anxieux, en colère, impuissants et coupable face au réchauffement climatique.

Plus de 50% des 16-25 ans interrogés se sentiraient tristes, anxieux, en colère, impuissants et coupables face au réchauffement climatique.

Revue The Lancet

Chez Lila-Brune, cette forme d’angoisse liée au déréglement climatique est présente depuis les premières marches pour le climat initiées par Greta Thunberg en 2018 : "je me suis pris une claque quand j’ai compris que le changement climatique allait nous impacter de manière grave".

Au quotidien, la jeune femme souligne le sentiment de culpabilité et de frustration généré selon elle par l'inaction climatique des dirigeants politiques. Un stress toujours omniprésent, mais plus ou moins intense selon l’actualité du moment : "lorsque le rapport du GIEC est sorti, j’étais au fond du trou, ça m’a rendu folle de voir qu’on en a pas parlé beaucoup".

Lorsque le rapport du GIEC est sorti, j'étais au fond du trou

Lila-Brune, 18 ans

C'est auprès d'autres militants écolos que Lila-Brune trouve la force suffisante pour surmonter ses angoisses "voir que je ne suis pas seule à souffrir d’éco-anxiété me rassure". Elle ne souhaite pas consulter un professionnel de la santé mentale, manifester et agir au quotidien lui suffit. Seulement, lorsque des tremblements et états de tensions surviennent, la jeune femme instaure des pauses, pour ne pas frôler le burn-out activiste "Aussi bien dans ma prise d’information, ou bien dans le militantisme, j'essaye de me couper de tout ce qui concerne l’environnement".

Chez son camarade Pablo, souvent à l'initiative de marches pour le climat à Metz, l’éco-anxiété se manifeste de manière un peu plus violente : "ce qui se passe avec la Cop26 en ce moment m'a empêché de dormir plusieurs nuits". Pour ce jeune militant, la solastalgie n'est pas nouvelle : "petit, je pleurais très facilement quand je voyais des feux de forêt ou le mal qu'on pouvait faire aux animaux". Pour Pablo, sensible dès son plus jeune âge à l'écologie, l'éco-anxiété n'est pas nouvelle chez les jeunes, "le terme est nouveau, mais nous sommes plusieurs a être touchés par cette charge mentale depuis quelques années". 

Ces angoisses permanentes liées au changement de notre environnement ne toucheraient pas seulement les jeunes. Claire, 51 ans, est maman de trois enfants, et l'écologie l'intéresse autant qu'elle est une source d'inquiétude. Elle raconte être très affectée par le réchauffement climatique depuis une dizaine d'année, et ne plus prendre l'avion depuis huit ans, alors que les manifestations pour le climat n'étaient pas aussi fréquentes "Au quotidien, je pense très souvent au climat, tout simplement car cela pourrait compromettre le bonheur de mes enfants, voire le futur de mes enfants.".

"J'y pense très souvent car cela pourrait compromettre le bonheur de mes enfants"

Claire

Aujourd'hui bénévole à plein temps dans des associations écologiques à Metz, elle essaye tous les jours de combattre un sentiment d'impuissance permanent. "Le fait d'agir collectivement pour la planète m'enthousiasme. Je ne ressens pas le besoin d'en parler, j'ai accepté cette éco-anxiété, sans me résigner." 

Dans les cabinets des psychologues : une maladie reconnue

Face à cette détresse psychologique, certains ont choisi de s’orienter vers des professionnels de la santé mentale. Si le terme éco-anxiété est devenu courant depuis quelques semaines seulement, cette forme de tourment dû au dérèglement climatique était bien présente avant l’ère Covid.

Psychologue auprès des étudiants, Laurentine Veron se souvient avoir observé des premiers malaises liés au dérèglement climatiques quelques années avant la crise sanitaire, "ces angoisses ont pris de plus en plus de poids avec la Covid-19, mais elles existaient déjà avant."

Selon la psychologue, les symptômes de l’éco-anxiété sont plus ou moins intenses selon les personnalités des patients. "L’intensité du stress peut varier selon l’engagement du patient pour la cause environnementale. Pour certains c’est du stress sur du court ou du long terme, pour d’autres on emploie parfois le terme de "urn out activiste". Certains sombrent même dans la collapsologie, cela peut aller très loin".

Pour le moment, l’éco-anxiété n’est pas reconnue comme une maladie à part entière par l’OMS. "Il y a sûrement un manque de recul sur cette pathologie, et d'autres facteurs personnels qui peuvent jouer sur les émotions de ceux qui se sentent concernés par l'éco-anxiété", explique Laurentine Veron.

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