Pénurie de conducteurs dans les transports en commun, vers un service dégradé partout en France ?

Victime d'une pénurie de conducteurs, le réseau de bus de Metz tourne au ralenti depuis lundi 20 juin 2022. C'est loin d'être un cas isolé. Et la tendance n'est guère encourageante. Le ramassage scolaire risque de ne pas fonctionner à la rentrée prochaine, faute de chauffeurs.

Depuis lundi 20 juin, le réseau de transports en commun de l'Eurométropole de Metz (Met') connaît une réduction de son service, avec des cadencements espacés. Le Met est confronté à une pénurie de conducteurs. "Cela s'est imposé à nous, on ne peut plus demander à nos conducteurs de faire des heures supplémentaires", explique à l'AFP, Florence Vivien, la directrice des ressources humaines de la SAEML TAMM (Transports Agglomération Metz Métropole) qui exploite le réseau.

Sur sa page Facebook, le Met' a annoncé un service comparable à celui des petites vacances scolaires pour plusieurs lignes de bus "en raison de difficultés d'organisation en lien avec un manque de personnel".
"On n'aime pas faire ça à nos clients, mais on n'a pas eu le choix. C'est pour conserver une bonne qualité de service que nous l'avons fait, sinon nous ne pourrions pas assurer toutes les lignes", explique encore Mme Vivien qui parle d'une baisse de service "allégée et non drastique".

Aujourd'hui, je ne suis pas en capacité de vous dire que la rentrée se fera correctement

Patrick Hatzig, vice-président en charge des mobilités à la métropole du Grand Nancy

La situation ne concerne pas seulement la capitale de la Moselle. Dans l'autre métropole lorraine, Nancy, on a déjà vécu pareille situation. Sur le réseau Stan, la rentrée 2021 avait été fortement perturbée en raison du manque de conducteurs. Pour palier à ce constat critique, le cadencement avait été modifié et sur certaines lignes, certains bus passaient toutes les huit minutes au lieu de six. "Aujourd'hui, je ne suis pas en capacité de vous dire que la rentrée se fera correctement" déclare Patrick Hatzig, vice-président en charge des mobilités à la métropole du Grand Nancy "mais j'ai bon espoir. En tout cas, nous avons avec Keolis anticipé le départ en retraite de 130 personnes sur trois-quatre ans. Nous avons mis en place avec la Région et Pôle emploi des sessions de formation qui nous permettrons de quasiment combler ces départs. La gestion prévisionnelle de l'emploi, c'est une réponse. L'autre problème, c'est l'absentéisme. Beaucoup de conducteurs sont en arrêt et remplacés par des CDD qui ne restent pas." 

La rémunération n'est pas le problème

La technique de la modification du cadencement est bien connue. Elle s'applique également aujourd'hui à Metz : en pratique, certains arrêts sont moins desservis qu'auparavant, la ligne Liane 1 voyant un bus toutes les quinze minutes au lieu de toutes les dix jusqu'à cette semaine. Les horaires d'été seront ensuite mis en place à compter du 4 juillet, comme prévu initialement. Au mois de février dernier, l'entreprise avait dû recourir à la même mesure en raison d'un fort taux d'absentéisme lié au Covid.

Quinze postes de conducteurs sur 350 ne sont pas pourvus de manière structurelle sur le réseau Met, et l'absentéisme peut monter à 15% certains jours. "Il peut manquer jusqu'à 65 conducteurs par jour", indique Mme Vivien, qui a renoncé à réclamer davantage d'heures supplémentaires aux agents ou à leur demander de rogner sur leurs vacances. "C'est un problème sociétal, chez tous les opérateurs de transports, comme dans beaucoup de métiers de service".

Je ne pense pas que la rémunération soit le problème

Florence Vivien, DRH des Transports Agglomération Metz Métropole

Après trois ans, le salaire est de 2.480 euros bruts sur 13 mois, avec 31 jours de congés annuels et des primes pour les services matinaux ou tardifs indique l'entreprise. "Je ne pense pas que la rémunération soit le problème", estime Mme Vivien. "Les salaires, ils sont plutôt bons pour tout ce qui concerne les transports urbains. Ce n'est plus le sujet" ajoute Patrick Hatzig, "le problème, ce sont les conditions de travail, les roulements, le travail le dimanche mais pas l'argent. Aujourd'hui, les gens choisissent ce métier par défaut, pas par conviction ou vocation. Il faut avoir beaucoup d'attention, de régularité, être sympa avec les usagers... Mais souvent, j'entends des conducteurs qui me disent qu'ils sont considérés comme de la merde par certains usagers. C'est parfois très difficile". "Il y a une vraie pénibilité avec les horaires tôt le matin, tard le soir, qui n'est pas rémunérée correctement", estime pour sa part Thierry Douine, président national de la CFTC Transport.

Un recrutement de dingue

Après plusieurs campagnes de communication, le Met va ouvrir une nouvelle formation au titre de conducteur à la rentrée pour tenter d'attirer de potentiels candidats. "La difficulté est nationale, tous les réseaux se posent la question d'un service dégradé au vu du manque de personnel", ajoute Thierry Douine, évaluant la pénurie de conducteurs de bus en agglomération à "une dizaine de milliers" en France.

"Il manque 8.000 conducteurs pour faire du scolaire, 50.000 chauffeurs routiers, et une dizaine de milliers pour du transport interurbain voyageur", estime encore le représentant syndical. La Fédération nationale des transports de voyageurs (FNTV),avance le chiffre de 15.000 conducteurs pour assurer ce service de transport scolaire en France.

Les prévisions de Pôle emploi ne sont guère encourageantes dans le Grand Est. L'organisme estime dans que sur les 1.400 postes de conducteurs recherchés sur le second semestre 2022 dans le domaine, seulement 10% trouveront preneurs (Enquête BMO, Besoins en main d'oeuvre 2022).

Et le TER ?

De son côté, la direction de la SNCF Grand Est fait savoir que "les projections actuelles ne nous laissent pas penser que nous aurons des difficultés pour assurer la circulation des TER en raison d’un manque de conducteurs à la rentrée. Il en est de même pour les chauffeurs de cars. Bien entendu nous tiendrons ces projections si aucun élément extérieur ne vient bousculer nos programmations." Ce qui ne l'empêche pas de rechercher de nouveaux collaborateurs sur le Grand Est pour renforcer ses effectifs.

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