En pleine période de sécheresse, les restrictions d'usage de l'eau gagnent peu à peu l'ensemble du territoire. Les golfs, qui peuvent continuer d’arroser leurs greens, font figure d'exception. En Moselle, plusieurs élus et militants de la NUPES s’insurgent. Mais s’agit-il d’un régime de faveur ou du minimum de survie ?
Alors que la sécheresse sévit partout en France et que les préfectures multiplient les mesures de restriction en eau, les golfs sont toujours autorisés à arroser une petite partie de leurs terrains. En Moselle, plusieurs élus et militants de la NUPES s’insurgent. Les professionnels du secteur quant à eux soutiennent qu’un minimum d'arrosage est nécessaire pour sauvegarder l'emploi.
Un traitement de faveur ?
La quasi-totalité des départements français est au régime sec et fait l'objet d'arrêtés limitant notamment le remplissage des piscines chez les particuliers, l'irrigation agricole, le nettoyage des voiries ou encore l’arrosage des espaces verts. Pourtant les golfeurs peuvent continuer à pousser leurs balles sur des greens verdoyants.
La dérogation pour les golfs peut paraître anodine mais c’est une mesure forte en symboles quand on demande à la population des efforts pour limiter sa consommation d’eau
Charlotte Leduc, députée NUPES-LFI de la 3ème circonscription de la Moselle
Une exception injuste? C’est en tout cas l’avis Charlotte Leduc, députée NUPES-LFI de la 3ème circonscription de la Moselle, qui dénonce l'arrosage d’une partie des terrains de golf, en pleine période de sécheresse: “Plus de 90 départements sont en situation de sécheresse en France dont les deux-tiers au niveau d’alerte maximal. La dérogation pour les golfs peut paraître anodine mais c’est une mesure forte en symboles quand on demande à la population des efforts pour limiter sa consommation d’eau. On autorise l’arrosage des greens alors qu’on interdit les arrosages des cultures qui nourrissent les gens et les animaux puis on demande aux Français d’arrêter d’arroser leurs jardins et de couper l’eau quand ils se lavent les dents”.
Il faut privilégier les usages les plus essentiels comme l’alimentation, l’eau de boisson, l’usage domestique d’hygiène et après seulement les usages industriels et de loisirs
Frédéric Vitoux, militant EELV à Metz
Même constat du côté d'Europe Écologie Les Verts. “C’est une autorisation qui nous interroge et nous choque, considérant que l’eau est un bien précieux et qu’il ne faut pas en faire n’importe quoi. Il faut privilégier les usages les plus essentiels comme l’alimentation, l’eau de boisson, l’usage domestique d’hygiène et après seulement les usages industriels et de loisirs”, estime Frédéric Vitoux, militant EELV à Metz. “Va-t-on vers une justice sociale qui garantit l’eau à ceux qui en ont le plus besoin ou vers une politique qui privilégie les loisirs associés à un certain niveau de richesse et qui consomment beaucoup d’eau?”, questionne le militant écologiste.
"Un golf sans green, c’est synonyme de fermeture"
Face à des paysages complètement jaunis par le soleil, des pelouses d'un vert étincelant. Dans le golf de la Grange aux Ormes, à Marly, en Moselle, les greens sont arrosés durant la nuit. Mais il ne s’agit en réalité d'une toute petite partie du terrain, qui représente seulement 2% de la surface du golf.
“Depuis mi-juillet on a réduit l’arrosage et depuis le renforcement des mesures, on a arrêté d’arroser les fairways, on n’arrose que les greens et la zone de départ. Hormis les greens, tout le golf est jaune et desséché. On doit faire preuve de pédagogie pour expliquer la baisse de qualité aux clients mais c’est normal, on joue le jeu et on respecte la loi”, affirme le directeur du golf, Pierre Bogenez.
Il y a un tas d’industries qui utilisent bien plus d’eau que nous et on ne se pose pas la question, les golfs c’est 15.000 emplois en France
Pierre Bogenez, directeur du golf de la Grange aux Ormes à Marly (Moselle)
L’arrêt total de l’arrosage représenterait la “fermeture de l’entreprise” pour le directeur de ce golf, qui assure qu'un arrosage minimal est nécessaire. “Si on n'arrose plus les greens, on ne peut plus jouer et on ferme. Il faut au moins trois mois pour reconstruire un green. Il y a un tas d’industries qui utilisent bien plus d’eau que nous et on ne se pose pas la question, les golfs c’est 15.000 emplois en France”, soutient Pierre Bogenez.
On fait très attention à l’environnement donc c’est une fausse polémique, il ne faut pas non plus détruire l’économie
Pierre Bogenez, directeur du golf de la Grange aux Ormes à Marly (Moselle)
“On fait très attention à l’environnement donc c’est une fausse polémique, il ne faut pas non plus détruire l’économie. Je suis prêt à en discuter avec nos détracteurs, chez nous on joue au golf pour 60 euros par mois et non ça n’est pas un sport réservé aux riches comme on peut l’entendre”, ajoute le directeur du golf de la Grange aux Ormes.
L'arrosage des golfs est-il vraiment autorisé ?
Les golfs, eux aussi soumis à des restrictions en période de sécheresse, bénéficient néanmoins d’une autorisation partielle d’arrosage. Ces mesures, énoncées dans le “Guide de mise en œuvre des mesures de restriction des usages de l’eau en période de sécheresse” du Ministère de la Transition écologique, s’appliquent en fonction du niveau de gravité de sécheresse.
- En "seuil d'alerte", il est interdit d’arroser les terrains de golf de 8 heures à 20 heures, de manière à diminuer la consommation d’eau hebdomadaire de 15 à 30%.
- En cas "d'alerte renforcée", ce chiffre passe à 60% avec une interdiction d’arroser les terrains. Les zones de départ et les greens, c'est-à-dire la zone d'herbe la plus rase du parcours situé autour des trous, peuvent toujours être arrosés.
- Enfin, en "seuil de crise", s’il est interdit d'arroser les terrains et seuls les greens peuvent toujours être arrosés à moins d'une pénurie d’eau potable. S'applique alors un arrosage “réduit au strict nécessaire" entre 20 heures et 8 heures, qui représente moins de 30% des volumes habituels.
En moyenne, un terrain de golf nécessite 25.000m3 d’eau par an, selon la Fédération française de golf.