C'était la belle histoire de chevaux dans un élevage de Moselle fin 2019 : la naissance inattendue de pouliches jumelles. Lors de la gestation, une seule des deux pouliches avait été repérée et la seconde est née chétive. Alors qu'elles vont fêter leur un an et demi, voici de leurs nouvelles.
C'est un récit que nous avons relaté en janvier 2020. Deux mois auparavant, dans un élevage de chevaux de Moselle, une naissance inattendue et rare s'était produite : "Au sabot espagnol" de Macheren, près de Saint-Avold, une jument a mis bas par deux fois, alors qu'une seule pouliche était prévue. Seulement voilà, si la seconde pouliche n'était pas prévue, c'est qu'elle s'était bien moins développée que sa sœur dans l'utérus de sa maman jument et sa présence était restée inaperçue. Les éleveurs s'étaient alors lancés dans un sauvetage exceptionnel.
Aujourd'hui, 7 mai 2021, les jeunes pouliches fêtent leur un an et demi. L'occasion d'aller reprendre, auprès de leur éleveuse Sandra, de leurs nouvelles.
Le moment n'est pas bien choisi pour recontacter Sandra Flavenot, éleveuse de chevaux en Moselle.
C'est la pleine période des saillies dans l'élevage : elle consacre beaucoup de temps à ses juments. Il faut aussi séparer les groupes de chevaux et les répartir dans des parcs différents. Avant cela, il faut bien sûr vérifier et réparer les clôtures, réparer le matériel qui a dormi durant l'hiver, et faire le tour des parcs, pour s'assurer que tout est en ordre pour accueillir les chevaux.
L'éleveuse a tout de même trouvé du temps à nous consacrer, depuis sa voiture, alors que son mari conduit; elle est disponible pour discuter. Entre deux zones blanches, qui interrompent la conversation, et après quelques effets voix de robots, elle réussit, avec toujours autant de vitalité, à nous parler de ses juments jumelles.
Côté santé, les deux poulines vont très bien, merci.
Elles ont conservé leur différence de taille. Elles ne seront adultes que vers l'âge de quatre ans, donc il est un peu tôt pour se prononcer, mais Sandra pense que cet écart perdurera.
Pour l'instant Joyera mesure 95 cm au garrot, tandis que sa sœur la dépasse de 45 cm. Adulte, Joyera devrait ressembler plus à un poney qu'à un fier cheval Pure race esapgnole (PRE). Mais ce qui compte, avant tout, c'est qu'elle soit en bonne santé, fi des caractéristiques de la race !
Depuis que les moments cruciaux dans la vie des deux poulines se sont écoulés, Sandra a pris l'habitude de moins parler d'elles sur les réseaux sociaux, de moins les exposer et par là même d'accorder plus de visibilité à ses autres chevaux. Elle a ainsi pu mettre un peu de distance entre elle et ses chouchoutes.
"On a beaucoup communiqué sur elles dans les moments difficiles et surtout au moment de la séparation.(...). Mais le grand projet de cette année avec Joyera, c'était qu'elle se sépare de moi et par la même occasion que je me sépare d'elle".
A travers cette phrase on sent tout l'engagement de l'éleveuse pour sauver la toute petite pouliche et l'attachement profond qui est né de ce sauvetage exceptionnel. On comprend comme il a dû être rude de se séparer d'un animal dont on s'est tant occupé, qu'on a tant choyé, caressé, accompagné, mais qu'il faut rendre à sa nature animale et à ses congénères. Un syndrome de Mowgli inversé.
Sandra est pudique et ne s'étend pas sur ces périodes touchantes pour elle, autant que pour sa famille.
"C'est un projet gagnant. Elle n'est plus attachée à moi, maintenant, sa priorité c'est devenu sa sœur. Il fallait qu'elle puisse m'oublier, oublier les sensations de mes mains, de ma peau, de ma chaleur et qu'elle ait sa vraie vie de cheval." La présence de la jumelle Judi a dû être décisive pour atténuer les effets de la séparation.
Aujourd'hui tout est dans l'ordre des choses, les jumelles sont intégrées à un groupe et y vivent en harmonie. Il leur reste leur très grand attachement l'une à l'autre : "Elles font tout ensemble : elles mangent ensemble, elles marchent ensemble dans le parc, elles ont les mêmes mimiques, les mêmes réactions. Elles sont inséparables". Elles ont aussi le même caractère et s'approchent toujours facilement de l'homme. " Elles sont gentilles" résume l'éleveuse. Et même si Joyera vient facilement toujours vers Sandra, son univers est là, parmi les siens.
"Leur chance désormais, c'est de vivre en troupeau".
L'autre étape a consisté à séparer les jumelles de leur mère. Elle a été beaucoup sollicitée par ses poulines et a mérité un peu de repos, dans un parc un peu plus loin. Elle attend à nouveau un heureux évènement et va devoir consacrer son énergie à ce nouveau futur poulain.
La séparation entre les jumelles et leur maman s'est effectuée il y a environ deux mois sans le moindre problème. Elles sont en sécurité dans leur groupe, et comme elles sont ensemble, elles n'ont pas mal vécu cette étape.
Chaque nouveau post sur la petite pouliche suscite les réactions amicales de la communauté de l'élevage.
Et une question revient souvent "Allez-vous les vendre ?". Sandra explique cela parce que les gens se sont attachées aux jumelles. Ils ont envie qu'elles restent dans leur contexte familial. "Ce sont des gens sensibles" explique-t-elle. C'est un peu leur histoire miraculeuse, leur conte de fée et ils aiment savoir les jumelles en sécurité et surtout ensemble. Ils ne voudraient pour rien au monde les voir partir ou pire encore les voir séparées.
Sandra, plus émue qu'elle ne le laisse paraître conclut : "Ce que je dis à mes enfants, c'est qu'il faut toujours rester positif, et ne rien lâcher. C'est important l'aide de toute la famille. Et puis aussi, il faut travailler dans l'émotion, aimer les choses, aimer la vie. Aimer les animaux. Tout cela donne de l'entrain et du dynamisme".
Une clé dont on a tous besoin.