La dernière publication de l’Institut national de la statistique et des études économiques du Grand-Duché (STATEC) établit la population du pays à 672 050 personnes au 1er janvier 2024, soit une augmentation de 1,7%. Si ce taux d’accroissement est le plus bas de la décennie, il s’inscrit dans un mouvement massif d’augmentation du nombre de résidents. Depuis 1981, la population du Luxembourg a augmenté de 84,3% ! Et les projections affichent un million à l'horizon 2050
"Bientôt on sera en minorité" soupire cette retraitée luxembourgeoise à son balcon. Après avoir travaillé toute sa vie dans une banque, elle a investi dans un 3 pièces à Dudelange, pour 630000 euros. Elle ne reconnaît plus les environs : "ça construit de partout… Et c’est pas fini ! Mes grands-parents étaient italiens et sont venus dans les années 20, ceux de mon mari aussi".
Plus qu’aucun autre pays en Europe, le Grand-Duché est une terre d’immigration massive. En 1981 selon le STATEC, le pays comptait 268 813 Luxembourgeois, pour 95 789 étrangers qui représentaient un quart des résidents au total.
En 2024, les étrangers sont 317 678, soit 47% de la population. Plus de 90% des résidents étrangers viennent de l’Union Européenne. Le phénomène ne devrait pas s’enrayer selon le STATEC qui écrit que "cette part est néanmoins, globalement, en légère diminution depuis 2018 (47.9%) suite aux impacts des acquisitions de la nationalité luxembourgeoise depuis la Loi de 2009 sur la double nationalité".
Explications : pour faire face à la fois à une baisse de la natalité, et du nombre de Luxembourgeois, le gouvernement grand-ducal a ouvert largement les possibilités de naturalisation au début des années 2020, et cette politique porte ses fruits aujourd’hui, même si ces néo-Luxembourgeois vivent parfois à l’étranger, et pour certains, n’ont jamais mis les pieds au pays !
En 2023 selon le STATEC, 4 932 personnes ont obtenu la nationalité luxembourgeoise par recouvrement : il suffit d’apporter la preuve d’un aïeul qui la possédait en 1900 pour obtenir un passeport. C’est ainsi qu’en 2023, 4 264 Brésiliens sont devenus Luxembourgeois ! Et pas mal de Lorrains aussi, avec des motivations diverses : "ça peut toujours servir" explique ce jeune actif nancéien qui a effectué une partie de ses études au Luxembourg, "si je dois y bosser, ça m’aidera sans doute". D’autres l’ont obtenue pour faire comme le reste de la famille : "notre grand-père était d’origine luxembourgeoise, quand il est décédé, on a pris la nationalité, pour lui rendre hommage en quelque sorte" explique cette enseignante de Moselle. Ces Lorrains grossissent donc le nombre de Luxembourgeois qui résident à l’étranger : 137 000 en 2024, dont 32 925 en France.
La population a doublé en quarante ans
Le Grand-Duché peut se targuer d’être le pays le plus attractif d’Europe, et peut-être du monde. Son économie basée sur la finance, la R&D et les services absorbe chaque année de plus en plus de travailleurs. Dans son étude le STATEC écrit que : "en comparaison avec l’UE-27 et les pays voisins, le Luxembourg se démarque essentiellement par son dynamisme démographique. Entre 1970 et 2024, la progression démographique dans l’UE-27 n’est que de l’ordre de 16.9%, passant de 384 326 562 personnes en 1970 à 449 206 579 en 2024. Pendant la même période, la population au Grand-Duché a presque doublé (+98.5%), en passant de 338 507 à 672 050 habitants". Le phénomène, même s’il marque un ralentissement depuis deux ans, ne devrait pas s’enrayer.
Certains politiques prévoient déjà un million d’habitants en 2050, ce qui pousse le pays à relever des défis colossaux, notamment en matière de logement. Mais le bâtiment ne suit pas selon l'Agence d'urbanisme et de développement durable Lorraine Nord (AGAPE). Elle écrit dans une étude de juin 2022 qu’il manquerait plus de 30000 logements au Luxembourg : "le secteur de la construction n’a jamais été en capacité de produire plus de 4 500 logements par an au cours des 15 dernières années (…) Sur la période 2005-2020, à partir des données du STATEC et d’une estimation de l’AGAPE pour 2023, 49 460 logements ont été achevés au Grand-Duché, soit 3 300 par an. On observe donc un déficit de 32% par rapport aux besoins estimés, (-23 110 logements)".
Ce déficit pousse ainsi des Luxembourgeois à devenir des frontaliers dans leur propre pays : 2000 familles vivraient en Lorraine tout en continuant à travailler au Grand-Duché, faute d’y avoir trouvé un logement.
