Vendredi 30 décembre 2022, 122 anciens salariés d'ArcelorMittal ont été déboutés de leur demande de reconnaissance du préjudice d'anxiété liée à l'exposition à l'amiante. François Dosso a mené avec la CDFT un combat victorieux pour les mineurs de charbon. Il explique pourquoi il est devenu difficile d'obtenir réparation
C'est un cadeau de fin d'année amer pour les anciens sidérurgistes de Gandrange et Rombas . Vendredi 30 décembre 2022, le tribunal des prud'hommes de Thionville (Moselle) a débouté 122 retraités. Ils voulaient faire reconnaitre le préjudice d'anxiété lié à leur exposition à l'amiante et réclamaient 15 000 € d'indemnités à ArcelorMittal pour solde de tous comptes.
Les prud'hommes de Thionville ont fondé leur décision sur la base de la prescription des faits. Un délai de prescription qui se réduit comme peau de chagrin. Jusqu'en mai 2013, ce délai pour faire reconnaitre son exposition professionnelle à la fibre tueuse était de 30 ans. En juin 2013 sous la présidence Sarkozy, il passe à 5 ans puis à 2 ans. La date prise en compte est celle où le salarié a quitté l'entreprise et non celle où il a connaissance du risque.
François Dosso a mené une bataille victorieuse pour 732 salariés des Houillières du Bassin de Lorraine. Le 29 janvier 2021, la cour d'appel de Douai reconnaissait le préjudice d'anxiété pour ces anciens mineurs après huit ans de marathon judiciaire. L'Etat a été condamné à verser 10.000 euros à chacun d'eux.
François Dosso reconnait que le combat a été gagné de justesse car les 732 mineurs relevaient encore du délai de prescription de 30 ans et non de 5 ans.
" Le patronat avait tout intérêt à réduire au maximum le délai de prescription. 732 mineurs de charbon ont été reconnus mais 60 000 d'entre-eux à l'échelle de la France ne peuvent plus l'être"
François Dosso, CFDT mineurs à Freyming-Merlebach
Le militant dénonce les critères trop restrictifs qui empêchent les salariés victimes du préjudice d'anxiété d'obtenir reconnaissance et réparation:" Le patronat avait tout intérêt à réduire au maximum le délai de prescription. 732 mineurs de charbon ont été reconnus mais 60 000 à l'échelle de la France ne peuvent plus l'être" . Les critères retenus par la justice sont très stricts, Il faut pour le salarié prouver:
- son exposition à l'amiante
- que cette exposition constituait un risque grave pour l'ensemble des salariés de son service
- qu'il souffre bien de troubles liés à l'anxiété de développer une pathologie liée à l'amiante
- qu'il n'est pas hors délai de prescription ( deux ans à la date de sortie de l'entreprise )
En 2016, la justice avait déjà débouté en appel dix anciens mineurs de fer dont le préjudice d'anxiété avait pourtant été reconnu par les prud'hommes. La chambre sociale de la cour d'appel de Nancy avait infirmé la décision prise par le conseil de prud'hommes de Longwy le 6 février 2015 et refusé les demandes d'indemnisation, les anciens mineurs de fer ayant déposé une demande en juin 2013. La réduction de la prescription passée de 30 à 5 ans les plaçaient de fait hors délai.
Le fait que seulement dix mineurs de fer sur les 20 000 employés dans les années 60 aient entamé une action pour la reconnaissance du préjudice d'anxiété, contredisait le critère de risque grave pour l'ensemble des salariés tel que retenu par la justice.
Déçus mais pas désespérés
François Dosso dénonce une iniquité de fond entre l'obligation pour le salarié de répondre individuellement à ces critères et l'entreprise qui peut se contenter de déclarations générales: avoir bien informé les salariés exposés à l'amiante et fourni les équipements de protection.
Marcel Koch prend acte de la décision du tribunal des prudhommes de Thionville: "on a perdu une bataille mais pas la guerre". Défendus par leur avocat maitre Bouvret, les 122 sidérurgistes retraités ont décidé de faire appel. Dans la perspective de ce nouvel épisode judicaire, leur temps est rythmé par les obsèques des copains d'usine victimes de la fibre tueuse.