À l’approche des fêtes de fin d'année, le producteur de foie gras mosellan Charles Keff tire la sonnette d’alarme : les stocks sont au plus bas et ne suffiront pas pour satisfaire la demande. C'est une conséquence de l’épidémie de grippe aviaire qui a décimé la population de canes des accouveurs français.
"Voilà ça, c’est notre dernière réserve, et si ça s’est vendu il n’y a plus rien" s’exclame Charles Keff. Ce producteur, installé à Montenach en Moselle, fait face à une situation inédite. Il ne lui reste que quelques dizaines de foie gras mi-cuit en stock. De loin pas suffisant pour satisfaire les nombreuses commandes à l’approche des fêtes.
Depuis 15 jours, le foie gras poêlé a disparu de la carte de son restaurant, au désespoir des clients, pour tenter de faire durer son stock, mais ce ne sera pas suffisant. "On conseille à nos clients d’acheter maintenant s'ils le peuvent. Il faut anticiper, car il n’y en aura pas pour tout le monde" affirme-t-il. "On va vite être en rupture de stock, c’est inévitable. On aura très peu de foie gras".
Anticiper ses achats pour les fêtes de fin d’année
Une pénurie due à l’épidémie d’influenza aviaire qui, pour la troisième année consécutive a durement touché les producteurs de foie gras dans le sud-ouest et dans les pays de la Loire, mais aussi pour la première fois cette année, les accouveurs. Ces professionnels, peu connus du grand public jouent en rôle essentiel dans la toute la chaîne de production du foie gras. Ces spécialistes transforment des milliers d’œufs d’oies et de canes en poussins, qu’ils livrent ensuite dès leur premier jour de vie à leurs clients éleveurs et producteurs.
90% des accouveurs décimés par l’influenza aviaire
Près de 90% des reproducteurs ont été "décimés" par l’influenza aviaire, estime le Comité interprofessionnel des palmipèdes à foie gras (Le Cifog). De quoi créer des effets en cascade sur toute la filière, car même les zones indemnes, comme l’Alsace ou la Lorraine, n’ont pas été livrés à la hauteur de leurs commandes.
Et c’est justement ce qui est arrivé à Charkes Keff. "Actuellement, il me manque 1.500 bêtes. Il y a 5 mois, j’ai pris 2.400 poussins, le maximum que je pouvais pour tenir le plus longtemps possible. Mais en temps normal, il y a des arrivages de 800 bêtes toutes les trois semaines ici." Résultat : une perte de 700 kg de foie gras par rapport à 2021.
Des femelles intégrées à l’élevage
Pour pallier le manque, le producteur a intégré pour la première fois de jeunes femelles dans son élevage. Avec un foie qui se développe beaucoup moins que les mâles, les poussins femelles sont normalement abattus. "En temps normal, je ne reçois que des mâles. Un mâle donne entre 500 et 800 g de foie, tandis qu’une femelle, c’est 200 à 300 g maximum et encore. Il n’y a pas de rentabilité. Mais comme ils ont très peu de canards c’est à prendre ou à laisser" explique-t-il.
Charles Keff réfléchit aujourd’hui à garder quelques femelles pour faire lui-même de la reproduction. "C’est du bricolage, ce n’est pas mon métier" tempère le producteur qui craint que la pénurie se prolonge encore de nombreuses semaines. "En janvier et même jusqu’à Pâques, ce sera très dur on aura très peu de foie gras" assure-t-il. Sur toute l’année, le Cifog estime que la production de foie gras devrait être en baisse de 30 à 35% par rapport à 2021.
Un foie gras plus rare et plus cher
Un foie gras plus rare, mais aussi plus cher, qui atteint les 200 euros le kilo au domaine de la Klauss. Une hausse due en grande partie à la hausse des coûts de production. Selon le Cifog, le coût de production des canards a augmenté de 28,2% par rapport à 2020 à cause du prix de l’alimentation des canards ou des charges.