Nouvelle parution de la "Psychanalyse de l'Alsace" : les Alsaciens sur le divan

Vendu à 20 000 exemplaires à sa sortie en 1951, la « Psychanalyse de l'Alsace » a toujours été en rupture de stock. Il est fort à parier que la 5ème parution, orchestrée par le fils de l'auteur, le pasteur Jean-Louis Hoffet, connaisse le même succès ! Décryptage. 

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Le livre de Frédéric Hoffet a été écrit en 1951, 6 ans seulement après la Deuxième Guerre mondiale. En ce temps-là, l'alsacien était encore parlé par plus de 80% de la population et au moins 70% des Alsaciens lisaient leur journal en allemand. Tout, de ce point de vue-là, a changé. Mort en 1969, l'avocat et écrivain Frédéric Hoffet n'a pas pu, de son vivant, mesurer le recul de la langue alsacienne, interdite longtemps dans les cours de récré. Hoffet parle, dans son livre, de la vivacité de la langue, comme si rien ne pourrait la mettre à mal. Il fait confiance en la France et en son respect de la spécificité linguistique de la région. Après tout, Louis XIV, après l'annexion de l'Alsace au royaume de France en 1648, n'avait-il pas toléré la pratique de l'allemand dans sa nouvelle province. Au moment de la rédaction du livre de Frédéric Hoffet, la constitution de la Vème République et son article 2 - "La langue de la République est le français" - n'avaient pas encore été rédigés. Les espoirs de Frédéric Hoffet, dans ce domaine, ont été trahis.
 

Une double personnalité

 


Pour le reste par contre, son analyse n'a pas vieilli. Elle présente même, quelques jours après la création de la Collectivité européenne d'Alsace, une vraie modernité. Dans les premiers chapitres de son livre, Frédéric Hoffet retrace l'histoire de l'Alsace. Intégrée au Saint Empire germanique pendant des siècles, elle devient française en 1648. Elle redevient allemande en 1870, française en 1918, allemande en 1940 et française à nouveau après la Deuxième Guerre mondiale en 1945. Un Alsacien né en 1911, comme mon grand-père Willhelm, a donc changé 4 fois de nationalité au cours de sa vie. Agriculteur, il ne parlait bien que l'alsacien.

L'Alsacien présente donc pour Hoffet une psychologie « double » : les Alsaciens sont « tous germaniques par certains côtés de leur nature et français par d'autres », « les éléments français de la psychologie alsacienne se sont en quelque sorte greffés sur les éléments primitifs d'origine germanique ». S'en suit une analyse aux termes surannés : l'Alsacien est resté un Germain par son tempérament : « il est lent et manque de réflexes », « ses joies sont plus profondes que manifestes », « ses colères sont terribles, mais à retardement » bref, « il ne comprend pas vite » ! Par contre, il possède cette « Gründlichkeit », cette méticulosité, propre à l'intelligence allemande. Il en découle un respect de la hiérarchie sociale et un amour pour l'ordre. L'influence française par contre, trois siècles durant, a arrondi le caractère des Alsaciens et leur a apporté...le goût. L'Alsacien est donc double, à la fois allemand et français.
 

Complexe d'infériorité ?



Mais au cours de son histoire, l'Alsacien a toujours dû cacher sa nature double. S'il était Allemand il devait cacher sa nature française et s'il était Français, il devait gommer ses caractéristiques allemandes. De ce refoulement permanent est né, un complexe d'infériorité alsacien, attisé par la moindre réflexion sur son accent, son manque de patriotisme supposé. Frédéric Hoffet compare la situation des Alsaciens à celle des étrangers vivants en France ou encore, à celle d'enfants adoptés en quête d'identité. Ils présentent des « troubles de l'appartenance ».


La particularisme alsacien

 


Dans sa « Psychanalyse de l'Alsace », Frédéric Hoffet propose également une analyse politique de la région et en particulier de l'autonomisme, courant très populaire dans la région avant la Deuxième Guerre mondiale. L'Alsace comptait des députés autonomistes dans les assemblées françaises ou allemandes, la ville de Colmar a même eu un maire autonomiste. Si ce courant politique a pour ainsi dire disparu après-guerre, il n'en demeure pas moins qu'un fort courant régionaliste subsiste au début des années 50. Hoffet le qualifie de « particulariste ». Il explique que l'autonomisme est un courant qui remonte à 1648 quand l'Alsace est rattachée pour la première fois à la France, à un royaume très centralisé. Jusqu'alors, de même qu'après 1870, en épousant le découpage administratif et politique germanique, l'Alsace avait au contraire toujours bénéficié d'une grande indépendance, à l'image de ce qui se pratique toujours aujourd'hui dans les Länder allemands.


 

Le peuple alsacien 

 


Pour Hoffet, l'autonomisme est « une manifestation des tendances pathologiques de l'âme alsacienne ». Mais il n'entend pas l'autonomisme comme une volonté de trahison ou de sécession vis à vis de la France, l'Alsacien est trop patriote pour cela. Et le psychanaliste de mettre en garde : « l'homme ne peut nier son passé : il ne peut que le refouler : un jour ou l'autre, celui-ci prendra sa revanche. L'homme peut s'accoutumer à une langue nouvelle, il peut changer ses habitudes. Il ne peut transformer sa substance ». L'Alsace, d'après lui, ne peut se résoudre à être banalisée, assimilée voire même « asexuée ». Et de parler des habitants de la région comme du « peuple alsacien », une qualification niée en 2014 par le Premier Ministre socialiste Manuel Valls, lors du débat sur le redécoupage des régions. Encore un homme politique français qui aurait peut-être dû lire « La Psychanalyse de l'Alsace ».

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