Quel que soit le parti d'où ils viennent, les jeunes engagés en politique tentent d'innover en Champagne-Ardenne. À moins d'une semaine du premier tour des élections municipales, ils continuent de creuser leur sillon dans cette campagne.
Devant les grilles rouillées du Lycée Jean Jaurès à Reims ce lundi 9 mars, on guette avec attention la sortie des élèves. Face aux portes ce ne sont pas des parents mais des militants d'une vingtaine d'années, les bras chargés de tracts, qui font le pied de grue. Une question se répète en boucle : "Est-ce que tu peux voter ?". Pour les quelques militants venus de Génération.s ou du Mouvement Jeunes Socialistes, l'objectif est d'essayer de glaner des voix à leur candidat aux municipales, Éric Quénard.
Mais les refus s'enchaînent : souvent trop jeunes, parfois déjà décidés. "On le savait en venant qu'on ne toucherait qu'une minorité des élèves, ceux en prépas ou les redoublants", assure Paul Bondot, coordinateur des Jeunes Génération.s, en faisant la grimace. Si à 21 ans il s'agit de ses premières élections municipales, il n'en est pas à son premier tractage.
De ses débuts de militant, comme soutien de Benoît Hamon lors des présidentielles 2017, il retrouve les mêmes types d'actions. Le tractage devant les lycées, mais aussi sur les marchés, les places passantes ou les grandes surfaces. "Aujourd'hui ça va, mais quand j'ai commencé à tracter à 18 ans je manquais encore d'assurance. C'était pas simple", se souvient Paul. "Lorsqu'on tombe sur quelqu'un de l'autre bord politique, on a droit très vite à un ton paternaliste, on me demande si je devrais pas être à l'école ou en train de bosser...".
Sans rejeter les méthodes traditionnelles, comme le tractage ou le porte-à-porte, Paul déclare que la démarche de l'équipe est en accord avec les enjeux environnementaux actuels. Moins de programmes imprimés, moins de boîtes aux lettres "inondées de tracts", et surtout pas de collage d'affiche pour le candidat. Un déficit de visibilité qu'il estime compensé par une présence accrue sur les réseaux sociaux.
Pour se démarquer, occuper les réseaux
Être partout sur le web, se faire voir et se faire entendre directement par un maximum d'électeurs : c'est la tactique que favorise Jordan Guitton, candidat du Rassemblement national à Troyes. Après plusieurs années de militantismes, il veut croire en ses chances de ravir la mairie à François Baroin. "Il est élu depuis 1995. C'est mon année de naissance !", persifle le candidat âgé de 25 ans. Si lors des précédentes municipales en 2014, le Rassemblement national – alors "Front national" – avait presque ignoré le champ du numérique à Troyes, le parti a selon lui rattrapé son retard. "À l'époque on avait presque rien. Depuis on est beaucoup plus présent sur les réseaux, principalement sur Facebook : c'est là que ça se joue à l'échelle municipale, plutôt qu'Instagram ou Twitter."
Son modèle en la matière : Jordan Bardella, tête de liste RN aux dernières élections européennes. "Je m'inspire beaucoup de son travail, on est de la même génération et lorsqu'il est venu me soutenir, je me suis rendu compte qu'on avait les mêmes tics." Avec des moyens plus modestes – son smartphone, quelques colistiers, une touche de montage – Jordan Guitton met en scène ses indignations avec tous les outils dont il dispose. "Dès qu'il y a un truc qui ne me plaît pas à Troyes, j'y vais et je fais une courte vidéo, ça ne prend pas beaucoup de temps et c'est efficace."
"J'ai pris contact avec le maire d'Hayange [Fabien Engelmann, RN], pour prendre conseil. Je prends les bonnes idées là où elles sont."
– Jordan Guitton, candidat RN à la mairie de Troyes
Innover sans renier le terrain
Pour Ahmed Brahim à Reims, les réseaux sociaux restent d'abord une affaire privée. Pour les amis et la famille, moins pour les électeurs. "C'est laborieux, mais je pense que le tractage, le boitage et les réunions ont toujours plus de poids", affirme le jeune colistier. À 18 ans, l'étudiant en droit est le benjamin de la liste Osons Reims, soutenue par LREM. Il figure en 11e position.
S'il ne renie pas les possibilités qu'offre le web, Ahmed défend les classiques : "Comme le disait un autre militant, les panneaux d'affichages sont les Facebook et Twitter des plus de 60 ans. Il y a toujours un vrai enjeu là-dessus."
Il l'assure, les jeunes de sa liste sont écoutés avec "bienveillance" et leurs propositions entendues. Pour preuve, la tenue d'un "webmeeting" où sa tête de liste, Gérard Chemla, se livrera aux questions d'internautes. "C'est une idée de deux jeunes militantes, Lucile Armbruster de Wilde, en 10ème position et Charazad Chentoufi, en 16ème position." La mise en avant des jeunes semble bien comprise : sur la liste "Osons Reims" figurent 7 autres colistiers de moins de 30 ans.