Réservée à quelques initiés il y a plusieurs années, l'urbex, une pratique consistant à se mettre en scène en explorant des lieux abandonnés, connaît un engouement croissant en Alsace. Avec les réseaux sociaux et Youtube, les communautés d’amateurs se développent.
Avez-vous déjà fait de l'urbex, contraction d’exploration urbaine ? Cette pratique ne vous dit peut-être rien et pourtant : elle fait de plus en plus d’adeptes en France, notamment en Alsace. Comme Mike Verdier, 24 ans, et Laura Lavallée, 19 ans, qui pratique ce sport d’un drôle de genre depuis un an et demi maintenant.
Ici, exit les visites touristiques traditionnelles. Avec l’urbex, on explore les lieux laissés à l’abandon, cachés, souvent interdits. En tout cas, difficiles d’accès. En Alsace, il y aurait plus de 1 000 spots différents : des anciens bunkers, des hôpitaux laissés en friche, des châteaux en ruine, des usines désaffectées, de vieux manoirs… Et même le toit de la cathédrale de Strasbourg.
La pratique reste cependant illégale. Le code pénal prévoit un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende si l'on pénétre, avec ou sans effraction, dans le bien d'autrui. En pratique, les condamnations sont rares : d'un simple rappel à l'ordre à la constatation d'une infraction pour non-respect d'un arrêté municipal. Dans 99% des cas, la violation des domiciles privés n'entraine pas de poursuite pénale.Moi j’aime particulièrement la visite d’anciens crématoriums. Il y en a beaucoup dans les Vosges et le Haut-Rhin.
Mike Verdier
6,6 millions de photos sur Instagram
Autrefois marginalisée, l’exploration urbaine - pratique américaine arrivée en France à la fin des Trente Glorieuses, lorsque de nombreuses usines fermaient leurs portes - s’est aujourd’hui popularisée avec l’essor de Youtube et des réseaux sociaux. Rien que sur Instagram, le hashtag #Urbex regroupent 6,6 millions de photos et vidéos. Et ses dérivés régionaux - #UrbexGrandEst, #UrbexAlsace, #UrbexStrasbourg... - recensent plusieurs milliers de publications.
L'Alsace n'échappe pas à la tendance. Les communautés d'amateurs se multiplient sur Facebook autour de cette passion. Parmi les groupes les plus influents dans la région, il y a Urbex Photo Strasbourg Alsace, 620 membres au compteur. Le petit dernier, Urbex alsace 67 et environ, créé en février 2019, regroupe déjà plus de 400 internautes. « Les groupes nous servent à échanger des conseils, trouver des idées de nouveaux spots et partager nos plus belles photos », explique Mike Verdier.
Les exploits des « urbexeurs » - comme on les appelle - font des émules et intéressent au-delà du cercle des pratiquants. Sur les pages Facebook consacrées à la pratique en Alsace, les fans se comptent par milliers. La plus importante, Urbex Alsace, créée il y a trois ans, comptabilise 4 200 j'aime. Celle de Mike et Laura, Enquêtes Urbex Alsace, a vue le jour en janvier 2018 mais culmine déjà à 1 400 like.
Preuve de l’essor grandissant de l’exploration urbaine, des expositions sont consacrées à la pratique. La dernière, « Pef ou quand l'urbex s'expose », était organisée en mars à Truchtersheim (Bas-Rhin).
Le revers du succès
Sur Youtube, un nom monte dans le domaine : Mamytwink. Origine de Metz, le youtuber au plus d’un million d’abonnés arpente les sites abandonnés du Grand Est depuis sept ans. « Il nous inspire beaucoup et contribue à populariser la pratique », raconte Laura Lavallée. Certaines de ses vidéos dépassent les 1,6 million de vues.Revers de la médaille, la démocratisation de l’urbex entraîne aussi les dérives. De nombreux youtubers n’hésitent plus à faire la course aux clics, en multipliant les titres aguicheurs, au détriment de la démarche première de l’urbex, celle de faire découvrir un lieu. « Urbex qui tourne mal dans une mine de potasse », « Un fou dans un hôpital psychiatrique abandonné », « On a frôlé la mort en urbex » peut-on lire sur Youtube. « Ça porte préjudice aux ubexeurs honnêtes, comme nous. On perd en crédibilité », abondent ensemble Mike Verdier et Laura Lavallée.