Régionales 2021 Grand Est : "la culture en danger" avec le Rassemblement national selon les adversaires de Jacobelli

La culture est loin d'être une préoccupation primordiale dans les sondages. Difficile pour elle de faire de l'ombre à la sécurité. Pourtant, les candidats dans le Grand Est ont tous des propositions. Celles du Rassemblement national et de Laurent Jacobelli font craindre le pire à ses adversaires.

La culture : un thème avec lequel le Front national a souvent mis le feu aux poudres dans les campagnes électorales. Un des épisodes les plus marquants, c’est sans doute celui de Vitrolles dans les Bouches-du-Rhône. En 1997, Bruno Mégret, fraîchement élu maire sous l’étiquette frontiste, décide de murer le Sous-marin, un des lieux culturels emblématiques de la ville. L’action suscite un tollé non seulement en France mais aussi dans le monde entier. La mairie se justifie en affirmant dans un communiqué de presse que "le Sous-Marin entraînait de graves nuisances pour les habitants, qu'il y régnait une ambiance néfaste pour les jeunes puisque la drogue y circulait sous le manteau, et que des groupes se produisaient appelant à l'incivisme, la violence, voire à la délinquance."

La culture dédiabolisée

25 ans plus tard, le Front national est devenu Rassemblement national. Et la culture, même si l’art contemporain reste encore dans le viseur de Marine Le Pen, doit être un élément discret mais fort du processus de normalisation et de dédiabolisation du parti. Pas de polémique et une habile approche entre culture et patrimoine, histoire de gagner des voix à droite. "Nous voulons une culture accessible au plus grand nombre et populaire. Elle ne doit pas être réservée aux grandes villes, mais présente sur l’ensemble du territoire y compris dans les zones rurales. Je propose que la Région organise, durant le prochain mandat, trois grands festivals régionaux pour mettre en avant nos talents, nos cultures et nos traditions régionales en Alsace, en Champagne-Ardenne et en Lorraine" avance Laurent Jacobelli, le candidat du Rassemblement national.

Nous aiderons les compagnies dès lors qu’elles voudront travailler avec la Région... ou qu'elles ne se servent pas des scènes de théâtres pour faire de la propagande

Laurent Jacobelli, candidat du Rassemblement national

"Que certaines compagnies représentent nos trois régions lors de grands festivals comme Avignon est une bonne chose" admet Laurent Jacobelli, l'ex-directeur des programmes de TV5 Monde. Il pose cependant quelques conditions : "nous aiderons les compagnies dès lors qu’elles voudront travailler avec la Région, qu’elles ne mettront pas en scène des animaux sauvages dans des spectacles ou qu'elles ne se servent pas des scènes de théâtre pour faire de la propagande. En revanche, le déplacement "touristique" de toute une troupe de conseillers régionaux aux festivals, d'Avignon ou de Cannes, aux frais des contribuables, comme cela se fait aujourd'hui, sera suspendu."

 

 

Directement visé par les propos de Laurent Jacobelli : Jean Rottner. "Nous nous sommes engagés dans une politique publique construite et cohérente à l’échelle régionale" explique le candidat LR, qui défend son bilan, "très concrètement, nous pouvons nous targuer de belles réalisations telles que le lancement de la plate-forme numérique de SVOD "Noozy", le soutien à la création cinématographique qui a permis la réalisation de très beaux films ayant recueilli une audience considérable : "Les crevettes pailletées", "Petit Paysan", "Josep" ou encore "La bonne épouse". A cela s’ajoutent les mesures de soutien que nous avons su développer au profit des acteurs culturels pendant la crise sanitaire : création d’une foncière des cinémas indépendants pour éviter leur fermeture, don d’un chèque livre de 50 euros aux jeunes bénéficiaires de la carte Jeun’Est afin de soutenir les librairies indépendantes du territoire et de permettre l’accès à la lecture en période difficile, cette dernière étant souvent d’un précieux secours en pareilles circonstances."

"L’agenciarisation de la culture", c’est ce que reproche à Jean Rottner, Aurélie Filippetti (LFI, Génération.s, Place publique), ex-députée PS de la Moselle mais surtout ex-ministre de la Culture, "cela a entraîné des difficultés pour de nombreux artistes ou pour des entreprises culturelles. Nous dénonçons la politique culturelle du président Jean Rottner, qui a mis en place cette politique d’agence et de commerce culturel. La région Grand Est doit retrouver une véritable vice-présidence et des moyens. Cette politique d’agence a abandonné de nombreux artistes et des projets qui ne se retrouvaient pas dans les "cases" prédéfinies. Notre région s’est donc privée de nombreuses créations inédites."

Brigitte Klinkert (Divers centre) n’est pas en reste : "la politique culturelle menée par Jean Rottner et son équipe n’a rien de singulier. Le soutien aux grands équipements culturels a pris le dessus sur l’écoute des territoires et il n’y a pas eu de soutien significatif à la culture populaire."

Eliane Romani (EELV, Génération écologie, PCF, PS) fait elle aussi un constat négatif sur la politique du président sortant : "La majorité régionale actuelle finance les événements de grande envergure et les infrastructures, mais ne s’intéresse pas vraiment au soutien de la vie associative de proximité, pourtant essentielle. Les efforts doivent se concentrer sur les “zones blanches” dans lesquelles il faut parfois parcourir plusieurs dizaines de kilomètres avant d’avoir accès à une offre culturelle."

Avec le RN, la culture est en danger

Brigitte Klinkert (Divers centre)

Le seul point qui finalement rassemble tout le monde, c'est la crainte d'un Rassemblement national arrivant au pouvoir et se retrouvant à gérer la politique culturelle du Grand Est. "Avec le RN, la culture est en danger" explique Brigitte Klinkert, "on connaît la défiance du Rassemblement national à l’égard de la culture. Alors que la culture favorise l’échange et la compréhension, joue des différences pour en faire une richesse créative, le Rassemblement national prône le divertissement stéréotypé, en gommant toute forme de diversité." Même constat pour Aurélie Filippetti : "partout où le RN gère des exécutifs c’est la liberté de création et de programmation qui est remise en cause. Non-respect des œuvres, censure dans les bibliothèques, fermeture des lieux jugés subversifs alors que toute culture est subversive, voilà ce qui nous menace."

Si le Rassemblement national devait venir à prendre la tête d’une région ou d’un département, il me semble que ce serait particulièrement dangereux pour la liberté d’expression

Jean Rottner (Union de la droite et du centre)

"J’ai eu beau chercher, je n’ai pas trouvé la moindre trace d’une mesure en faveur de la culture dans le programme du Rassemblement national" déclare Jean Rottner, "la musique, le cinéma, les arts visuels, les livres sont autant de vecteurs d’ouverture au monde et aux autres, autant d’occasions de renoncer au repli sur soi, à la défiance et à la peur qui constituent le fonds de commerce de ce parti. Si le Rassemblement national devait venir à prendre la tête d’une région ou d’un département, il me semble que ce serait particulièrement dangereux pour la liberté d’expression, le pluralisme, la création, la subversion, le droit à la contestation et à la dérision. Nos adversaires n’ont pas de convictions, ils sont férus d’une idéologie fondée sur la haine et la détestation de tout ce qui ne leur ressemble pas. Pourtant, c’est bien la vocation de la culture et de ceux qui la font que de remettre en cause les acquis et d’interroger les certitudes. Les porte-voix du RN dénoncent sans cesse la pensée unique mais c’est qu’ils ne supportent pas que leur discours ne domine pas l’espace public. Si nous voulons préserver les acquis sur lesquels est fondée notre société : l’humanisme, la tolérance, le respect, le goût de l’altérité, il faut impérativement freiner l’ascension de cet annihilateur de critiques et de questionnement."

Les propositions sur la culture des candidats

Tout en précisant que "la culture n’est pas une compétence régalienne de la Région", Brigitte Klinkert souhaite agir sur l’accès à la culture, notamment pour les jeunes. "La Région doit renforcer le dispositif de pass culture de l’Etat pour que le plus grand nombre de jeunes du Grand Est l’utilisent, et d’autre part, que cette facilité d’accès à la culture concerne prioritairement le spectacle vivant, les concerts, la lecture et les expositions." Elle propose ainsi de doubler la dotation de l’Etat pour les nouveaux pass des collégiens et des lycéens. "Soit 25 euros supplémentaires pour chaque élève de collège, et 50 euros supplémentaires pour chaque élève de lycée."

Nous encouragerons le développement culturel en consacrant 3% du budget de la région Grand Est pour la culture

Aurélie Filippetti (LFI, Génération.s, Place publique)

"Les entreprises culturelles de l’audiovisuel, du spectacle vivant, des arts plastiques et les musées ont souffert de la crise sanitaire" poursuit Aurélie Filippetti, "nous les avons rencontrés durant cette campagne, que ce soit les intermittents mobilisés à Reims et Nancy, ou les jeunes du Théâtre National de Strasbourg soucieux de leur avenir, ou encore les associations culturelles dont Castel-Coucou à Forbach. Nous avons visité des musées, des galeries d’art, nous avons échangé avec des artistes, des responsables de festivals : tous nous ont exprimé leur inquiétude sur l’avenir de la culture dans la région Grand Est. Nous encouragerons le développement culturel en consacrant 3% du budget de la région Grand Est pour la culture. Notre région est aujourd’hui fracturée, la culture doit permettre aux habitants de se rassembler et de se retrouver. Des accords de territoire sur la diffusion culturelle permettront de jouer les spectacles dans tout le territoire régional. Nous créerons des résidences artistiques dans des maisons de soins ou de retraite. Un fonds régional pour le développement de l’économie de la culture sera organisé, permettant d’accompagner notamment les librairies indépendantes et les petites structures en zones rurales. Également, l’éveil des enfants à la culture sera encouragé par la multiplication de contrats d’éducation artistique et culturelle et l’implication des associations d’éducation populaire et artistique."

"Plus que des propositions fortes, c’est un véritable état d’esprit qui nous anime" insiste Laurent Jacobelli (Rassemblement national), "nous n'avons pas l'intention de défaire ce qui a pu être fait. En revanche, nous ferons le bilan de chaque subvention versée pour en analyser l'impact sur le public et pour garantir une bonne utilisation de l'argent public. A budget constant, nous serons aussi vigilants à ce que tous les types de festivals soient soutenus, et que l'argent public investi serve au plus grand nombre."

 

 

"A mes yeux la Culture n’est ni un luxe, ni une option, c’est une nécessité absolue en ce qu’elle est gage d’équilibre, de bien-être, de réflexion, de beauté et de cohésion sociale" explique Jean Rottner, qui annonce avoir pris des "mesures fortes" pour le prochain mandat : "en tout premier lieu, nous accroîtrons de 20% l’effort d’investissement alloué à la culture au cours des trois prochaines années pour favoriser la création d’œuvres, leur diffusion et la valorisation du patrimoine. Parallèlement, nous poursuivrons les dynamiques préalablement engagées, en particulier celle qui consiste à constituer en réseaux Grand Est les différentes filières pour les structurer et rendre possible un travail en commun de Strasbourg à Troyes. Afin de faciliter l’accès de nos concitoyens à la culture, nous mettrons également en place des mesures sectorielles en créant une Cinémathèque du Grand Est ou encore en rendant disponible, pour chaque habitant, un outil de coaching culturel."

Eliane Romani souhaite "repenser totalement les politiques publiques de la culture, en décuplant les soutiens sur deux axes : soutenir le monde de la culture pour lui permettre de vivre dans de bonnes conditions matérielles et financières, ainsi que faire en sorte que tout le monde puisse avoir accès à une offre culturelle riche... valoriser la diversité des pratiques culturelles et linguistiques, et reconnaître et développer la pratique des langues régionales là où elles sont pratiquées"

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