Voilà c'est fini. A Gueter s'achève après 10 ans de rencontres mémorables, au gré des tours de roues du vélo vert d'André Muller. Cela méritait bien une émission spéciale pour célébrer l'homme à la casquette qui part à la retraite. Séquences rires et émotions garanties.
André part à la retraite. A' Gueter, c'est fini (mais vous pouvez revoir les derniers épisodes sur notre site). Rendez-vous pour une ultime émission spéciale pleine de surprises, à voir ci-dessous et diffusée dimanche 13 septembre. Depuis qu'il a annoncé la fin de son émission A' Gueter, les Alsaciens qui le croisent dans la rue l'arrêtent : "Mais qu'est-ce qu'on va faire maintenant le dimanche matin?" André Muller va laisser un grand vide après dix ans de rendez-vous hebdomadaires, au gré de ses balades à vélo et de ses rencontres culinaires et gastronomiques. Rendez-vous compte : 210 émissions durant lesquelles il n'a cessé de montrer son amour pour sa région, ses terroirs et surtout ses habitants. Une carrière qui ne s'est pas faite par hasard.
42 ans de télévision
Quarante-deux ans, c'est le nombre d'années qu'il a passées à travailler à la télévision régionale de France 3 Alsace. Entré d'abord en tant journaliste caméraman - on dit aujourd'hui journaliste reporter d'images (JRI) - il a fait de son métier une passion ou plus exactement de sa passion un métier. Petit, assis sur les genoux de son papa, il l'observait travailler. "Je viens d'une lignée de regardeurs" déclare-t-il avec fierté. Son papa était artiste peintre; il concevait des affiches de films dans les années 60, des affiches géantes de 6 mètres par 10 qu'on collait aux frontons des cinémas. Il reproduisait alors de gigantesques shérifs nommés John Wayne, d'énormes Robert Mitchum en cow-boy et des monumentales Marylin Monroe en sensuelles ingénues. Le petit André regardait les couleurs, les ombres et les dégradés. Ainsi lui est venu l'amour de la photo. Pourtant, c'est à la télévision régionale qu'il a atterri après ses études.Aller à la rencontre des gens, s'intéresser à leurs passions, se réveiller parfois au son du téléphone au milieu de la nuit pour aller filmer l'événement. Un métier où l'on ne s'ennuie jamais. "Ce n'était pas du travail, c'était presque des vacances toute l'année, tellement j'aimais mon métier". Et puis en 1993, c'est le tournant de sa carrière. Il réalise avec son équipière Claude Lafuma un tournage dans le quartier des Ecrivains à Schiltigheim. Il tourne le portrait d'un jeune homme qui rêve de devenir Michael Jordan, et qui s'est bricolé un panier de basket pour s'entraîner. Le reportage est remarqué; il gagne le prestigieux titre du Micro d'or du reportage sportif, à Monaco. Une pincée de sport, un regard affuté, un soupçon poésie et une stimulante humanité se dégagent du reportage.Ce n'était pas du travail, c'était presque des vacances toute l'année, tellement j'aimais mon métier
Ses talents sont repérés par Gérard Holtz. Sur son impulsion, André va effectuer, ce qu'on appelle dans le métier, des détachements pour Stade 2 : sept Paris-Dakar, autant de Tour de France, des tournois de Roland Garros et même la Coupe du monde de football 1998. Un palmarès qui peut faire des envieux. Gérard Holtz, qui a su apprécier son regard d'artiste, sa naïveté - toute relative - lui confie les "à cotés", les séquences de vie que "le casque à pointe", comme il l'appelle, excelle à mettre en images. Passionné de tennis, le caméraman s'émerveille encore d'avoir pu rencontrer Agassi, Edberg, Noah et Federer, son Bâlois préféré avec qui il a pu échanger en suisse-alsacien.
Du sport à la cuisine
De retour en Alsace, André n'aura de cesse de harceler ses supérieurs pour concrétiser sous forme d'émission culinaire son amour pour sa région, ses richesses culinaires et viticoles et ses habitants. En 2010, naît donc à la faveur d'un café pris avec Jean-Pierre Stucki, son chef de l'époque, l'idée de A' Gueter". Le voilà parti pour dix années de promenades en vélo couleur vert laitue, accompagnés par ses mêmes fidèles compagnons de tournage : Boucle d'Or, alias Emmanuelle Gambette, derrière la "caméra", à qui André s'adresse tout le temps. "Une immense personne avec un cœur énorme; mon métronome", Thierry Sitter, journaliste reporter d'images aguerri aux émissions de cuisine, et la même monteuse durant toutes ces années, Sophie Bock.Pour dénicher des chefs, il se rendait sur place même les weekends et il se faisait engueuler par sa femme
Dix ans de complicité professionnelle qui se ressent à chaque tournage. "A force, on n'avait même plus besoin de se parler". A la clé quelques beaux succès d'audience, qui lui permettent de préserver ses conditions de travail avec ses partenaires de jeu. L'un d'eux, Thierry Sitter, qui avait déjà réalisé de nombreux tournages pour d'autres émissions culinaires (avec Jean-Luc Petitrenaud et Joël Robuchon) est intarissable sur la complicité de l'équipe fédérée par André. Il rend hommage à la capacité de travail de l'infatigable André Muller "Pour dénicher des chefs, il se rendait sur place même les weekends et il se faisait engueuler par sa femme!"
Et quand il s'agit d'évoquer une anecdote sur l'émission, ce n'est pas une mais six ou sept qui s'enchainent. Comme par exemple, leur idée de créer des enchainements de séquences avec des petits bonds faits par André et ses invités. "Ce trucage, assez simple, on l'avait appelé le Méliès pour évoquer le maître des tout premiers effets spéciaux. A la fin de la première séquence, on fait sauter en l'air André et son invité et on recommence pour le début de la séquence suivante. Ensuite, au montage, on prend le bond en l'air de la première séquence et on prend la redescente de la seconde séquence. Mais il arrivait qu'on ne tourne pas les séquences le même jour, donc les habits d'André et de son invité n'étaient plus les mêmes. Pour bien faire, il aurait fallu recommencer avec les mêmes habits pour être raccord. Mais on a gardé l'effet comme ça, ça donnait un petit côté fantaisiste qui collait bien au concept de l'émission."
Car la fantaisie, c'est la signature d'André. Thierry se remémore encore cette fois où il avait, lors des repérages, eut vent d'une info poétique et intéressante à la fois sur la vie amoureuse des escargots. Il s'empresse de la raconter à André pour que celui-ci la place lors de le l'interview de son invité. Ses autres secrets, à André Muller, c'est le partage et la confiance. Rien ne l'énerve plus que l'égoïsme de certains journalistes rédacteurs parisiens : "à Paris, on entendait des appels au micro général : «la caméra 18 est demandée au départ», alors moi, je déposais la caméra 18 dans l'ascenseur, je l'envoyais au quai de départ et je descendais ensuite la rejoindre. On n'est pas qu'une caméra !" L'humain n'est pas un vain mot.
Pour épiloguer sur ses dix années de A' Gueter, André ne peut s'empêcher de citer une réplique de son film fétiche Sur la route de Madison de Clint Eastwood : quand le photojournaliste s'adresse à la femme qu'il aime et détaille tout son parcours professionnel :"J'ai fait tout ça pour te rencontrer". Une belle déclaration d'amour pour son métier passion.
Et après ?
Après pour André, c'est déjà maintenant. Depuis le confinement, il s'est attaqué à la rédaction de son second ouvrage. Son premier opus, A' Gueter, 70 recettes d'Alsace paru chez la Note Bleue s'est vendu comme des petits pains. Alors avec un autre éditeur, les éditions du signe, il s'est lancé dans une deuxième aventure. L'ouvrage devrait sortir le 5 novembre dans toutes les bonnes librairies alsaciennes. Et après la nécessaire campagne de publicité qui s'annonce, André Muller se réjouit de pouvoir enfin consacrer un peu de temps à son autre passion, acquise au gré de ses rencontres avec Marcel Roncari, la pêche à la mouche. Si vous le rencontrez alors, n'oubliez pas de lui demander si ça mord.Laissons le mot de la fin à Thierry Sitter : "Aux tout débuts de l'émission, André était reconnu dans la rue grâce à son vélo couleur laitue. C'était l'accessoire qui le rendait visible. Puis les choses se sont inversées, les gens se sont mis à le reconnaître lui, sans son vélo. Après son départ de la télé, il en a encore pour une bonne dizaine d'années avant qu'on ne le reconnaisse plus." D'ici là, André, gageons que tu auras trouvé ton bonheur dans une autre passion !