C'est un directeur artistique qui se livre à son art. Simon Delétang, directeur du Théâtre du Peuple de Bussang a parcouru seul les sentiers vosgiens pour aller porter une pièce de villages en vallées. Voici 3 raisons de regarder "Lenz, à la croisée des chemins".
Que diable allait-il faire dans cette galère? C'est ainsi qu'on aurait pu voir, en surface, le projet de Simon Delétang, directeur artistique du Théâtre du Peuple de Bussang (Vosges) depuis octobre 2017. En surface seulement. Car dans les faits, sa traversée des Vosges, au printemps 2019, pour donner des représentations théâtrales de l'oeuvre de Georg Büchner, Lenz a une toute autre dimension.
Voici trois raisons de regarder le documentaire de Jérémie Cuvillier Lenz, à la croisée des chemins en replay ici:
1- Pour parcourir les sentiers des Vosges
Ce n'est pas une mince affaire que de se lancer, seul sur les sentiers vosgiens. De bonnes chaussures, un peu de matériel, une carte très précise et une bonne santé physique, c'est le minimum. Tout cela, Simon Delétang, directeur du Théâtre du Peuple de Bussang l'a. Mais il ne manque pas non plus de courage, d'envie ni de motivation. Car le dénivelé et les sentiers parfois chaotiques du massif Vosgien n'attirent pas le promeneur désinvolte.C'est un véritable défi qu'il s'est lancé, lui l'homme de théâtre, pour sa passion, pour la vallée qui l'a accueilli et pour lui-même. Il repétéra son texte lors de son parcours solitaire tout en s'imprégnant de l'esprit du décor.
La pluie et la petite neige de printemps ne l'ont pas épargné. Les sentiers, où parfois l'outrage du temps a effacé le balisage, l'ont mis à l'épreuve. La forêt l'a protégé pendant tout le parcours mais l'a isolé aussi. Paradoxe du marcheur solitaire.
Six étapes ont constitué sa boucle initiatique, allant de Bussang à Ramonchamp, puis Ecromagny, Chateau-Lambert, Belfahy, Fresse, Auxelles-haut avec un retour à Bussang.
2- Pour aller à la rencontre des Vosgiens
Mais sa démarche est loin d'être solitaire. Il s'agit bien, pour ce passionné de théâtre d'aller à la rencontre du public. Plus encore, d'aller à la rencontre du public tout à fait différent qu'est celui du Théâtre du Peuple. Constitué à la fois d'amateurs de l'art, mais aussi des habitants des vallées environnantes. "Par l'art et pour l'humanité", comme le veut la devise humaniste de son fondateur Maurice Pottecher.
Il en sont fiers de leur théâtre, qu'ils distinguent au détour d'un promontoire ou au bout d'une route. Cet édifice en bois qui ressemble à s'y méprendre aux granges de leurs fermes et leur sert de sémaphore. Il n'impressionne pas, comme les théâtres en ville. Il est là au coeur de leur vallée et ils s'y rendent souvent depuis l'enfance, où assis sur les bancs rudes, ils ont découvert le théâtre. Il représente la culture abordable, celle voulue par son fondateur, qui s'oppose à la culture élitiste urbaine. Celle qui dure depuis plus de 120 ans et qui donne un caractère réel à cette belle utopie.
3- Pour apprécier le théâtre autrement
Parce que le théâtre peut faire peur et le théâtre dramatique particulièrement. Aussi parce que le public, tout autant que les comédiens y est aussi en représentation. Mais pas à Bussang. Et moins encore quand Bussang se déplace au plus près de ses spectateurs, comme Simon Delétang le fait lors de ce périple. Et même si l'oeuvre qu'il a choisi de présenter n'est pas la plus facile, il sait qu'elle va faire écho à leurs vies, car elle se déroule au coeur même de leur vallée : Lenz de Georg Büchner est le récit du parcours d'un homme qui rejoint à pied cette vallée vosgienne depuis la Suisse en 1778. Il va y rencontrer le pasteur Oberlin et y affronter ses peurs intimes au milieu d'une nature presque hostile.On a le récit d'un homme au coeur d'une nature qui est la vôtre.
- Simon Delétang, directeur artistique du Théâtre du Peuple de Bussang.
Une sorte de mise en abyme pour Simon Delétang qui suit les traces du narrateur. Où même une oeuvre compliquée parle à chacun au plus profond de la vallée, comme une épopée artistique et utopique.