Chaque année, environ 200 cas de bébés secoués sont recensés en France. Un acte de maltraitance encore tabou. Ce lundi 13 mai, le procès d’une assistante maternelle s’ouvre devant les assises du Haut-Rhin, à Colmar. Elle est soupçonnée d’être responsable du handicap d’Axel, 3 ans.
Le procès de l’assistante maternelle soupçonnée d’avoir secoué violemment le petit Axel Puviland, âgé de 4 mois au moment des faits, s’ouvre ce lundi 13 mai à Colmar, devant la cour d’assises du Haut-Rhin. Une étape judiciaire attendue, mais aussi redoutée par les parents de l’enfant, aujourd’hui lourdement handicapé. "Je suis très stressée et quelque part, j’ai hâte que ce soit terminé" confie Sophie, la maman d’Axel, d’une voix tremblante.
Hâte de tourner la page, sans pour autant pouvoir passer à autre chose. "Ce n’est pas le bout du chemin parce que ce drame, on le portera toute notre vie. Ce procès ne va pas améliorer la vie d’Axel non plus. Mais c’est important pour nous d’être reconnus en tant que victimes et que la vérité éclate."
Savoir, comprendre. Que s’est-il passé le 7 octobre 2015 ? Ce jour-là, Sophie est en plein travail lorsque son téléphone sonne. Il est 17 heures. "J’ai immédiatement décroché, voyant qu’il s’agissait de l’assistante maternelle agréée (ASMAT) en charge de la garde de mes deux enfants. Au bout du fil, elle prononça les mots suivants: "il faut venir immédiatement, Axel ne se réveille pas", relate-t-elle.
Après une arrivée en trombe à Dambach-la-Ville (Bas-Rhin), chez la nounou, où l’enfant gît "tout blanc, allongé sur le plan de travail de la cuisine, entouré de l’équipe du Samu", et après des heures d’attente, d’examens, d’angoisse, à l’hôpital du Parc de Colmar, le verdict tombe. L’enfant présente un hématome sous-dural aigu, c'est-à-dire une collection de sang dans le crâne entre les tissus des méninges qui entourent le cerveau, résultant généralement d'un traumatisme crânien grave. Un élément carractéristique du syndrome du bébé secoué.
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Un diagnostic confirmé par une expertise médico-légale qui conclura que les lésions observées sont "la conséquence d’une mise en accélération violente de l’extrémité cervico-céphalique du nourrisson". Des lésions qui sont "forcément la conséquence de l’action d’un tiers". Analyse contestée par un expert "privé", sollicité par l'avocat de l'assistante maternelle, pour qui l'état du bébé pourrait provenir d'une autre cause telle qu'une maladie, mais confortée par une seconde contre-expertise concluant "sans hésitation que l'enfant a été victime du syndrome du bébé secoué".
Placée en garde à vue, la nounou, présumée innocente, a d’emblée nié être à l'origine des troubles présentés par le garçonnet avant d’être renvoyée aux assises. "Un déni total de responsabilité" évoque François Bleykasten, l’avocat de la partie civile, pour qui "il y a deux aspects dans ce procès". L’aspect psychologique et l’aspect médico-légal, car toute la question est de savoir si et quand l’enfant a été secoué. "Je crois qu’il est important de démontrer que toutes les hypothèses ont été étudiées et démontées et qu’il n’y a plus d’autres options possibles, d’autres explications médicales valables que celle du SBS (syndrome du bébé secoué)", précise le conseil.
Si elle est reconnue coupable, la mise en cause âgée de 56 ans, poursuivie pour violence volontaire ayant entraîné une infirmité permanente sur mineur de moins de 15 ans, encourt au maximum 20 ans de réclusion criminelle. "Je ne me fait pas d’illusion. Dans ce genre d’affaires, les peines sont généralement faibles" commente avec amertume la mère d’Axel. Elle en veut pour preuve la condamnation à sept ans de prison d’une assistante maternelle jugée par la cour d’assises du Doubs, en octobre 2018, après le décès d’un nourrisson victime lui aussi de secouements. "C’est quand même édifiant…".
"A la base, il n’y a pas d’intention d’homicide, c’est ce qui peut faire la différence" reconnaît maître Bleykasten. "De toute façon, nous, on a déjà pris la perpétuité. Axel n’est pas mort mais sa vie est détruite. On voudrait au moins comprendre ce qui s’est passé ce jour-là pour pouvoir faire notre deuil," conclut Sophie Puviland. Le délibéré n’est pas attendu avant mercredi prochain.