TÉMOIGNAGE - Alsace : journée nationale des aidants, "au quotidien, il y a beaucoup de stress"

La journée nationale des aidants est née en 2010. En France, ils seraient entre 8 et 11 millions à prendre soin, le plus souvent dans le cadre familial, d’une personne âgée, handicapée ou en perte d’autonomie. Témoignages en Alsace.

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La journée nationale des aidants, organisée le 6 octobre, existe depuis 2010. Faute d’une mobilisation internationale, elle est née à l’initiative du ministère des affaires sociales et de la santé. Dans le Bas-Rhin, un portail internet, aidants67.fr, coordonne depuis 2013 le Collectif départemental Inter Associatif d'Aide aux Aidants (CIAAF). Elle regroupe treize associations engagées auprès d’aidants de personnes âgées ou en situation de handicap. Objectif, soutenir les solidarités familiales. Parmi elles, Alsace Alzheimer 67, forte de plus de 300 familles adhérentes. Et autant d’aidants.

Un sentiment d'abandon pendant le confinement 

La plupart d'entre-eux sont à la retraite et ont entre 75 et 90 ans. Depuis une dizaine d’années, une formation aux aidants s’est mise en place. Une psychologue propose également des groupes de parole. Agnès Hassler, la présidente d’Alsace Alzheimer 67 fait aussi appel depuis trois, quatre ans à une esthéticienne et une masseuse. "C’est important de détendre les aidants. De les sortir de leur quotidien, car souvent ils s’occupent 24h sur 24 du malade, c’est presque de l’esclavage."

Deux fois par an, l’association propose un séjour de répit dans la région. Pendant cinq jours, une dizaine de familles partent avec une infirmière, des aides-soignants et des bénévoles. Des vacances pour permettre aux aidants de souffler et de créer des liens. "Cela aide énormément, explique la présidente d’Alsace Alzheimer 67, souvent les gens continuent de s’appeler après le séjour et s’inscrivent pour l’année suivante."

Sauf qu’avec la Covid-19, tout s’est arrêté net en mars dernier. Les aidants se sont sentis abandonnés. Agnès Hassler déplore qu’il n’y ait plus qu’un accueil de jour pour tout le Bas-Rhin pendant cette période. Il a fallu se démener pour  trouver des structures pour les cas les plus sérieux et soulager ainsi les familles. Les habitudes reprennent doucement. Un groupe de parole de dix personnes maximum est prévu ce mois d’octobre. Mais la situation reste compliquée pour les aidants.

Une usure psychique et des problèmes physiques

C'est le cas de Marie-France, aidante à Strasbourg. Elle soutient depuis trois ans son mari atteint de la maladie d’Alzheimer. A la retraite, elle prend le temps de s’occuper de tout. Une situation souvent difficile à vivre. "Au quotidien, il y a beaucoup de stress car il faut que je sois toujours derrière mon mari. C’est une situation qu’il accepte mal et qui donne lieu à des conflits."

Depuis le début de la crise sanitaire, l’accueil de jour est ouvert une fois par semaine, au lieu de deux précédemment. En sept mois, une usure psychique pour l’aidante : "Depuis, j’ai des problèmes de sommeil, mal à l’estomac, les problèmes s’accumulent." Marie-Claude a bien suivi la formation Alzheimer et vu la psychologue de l’association, mais aujourd’hui, elle a surtout besoin de souffler. "Je trouve qu’il manque d’accueils temporaires ou de familles d’accueil, comme cela existe dans d’autres régions, prêtes à s’occuper d’un malade quelques jours. La seule solution, ce sont les EHPAD, mais je trouve que pour mon mari ça n’est pas une réponse adaptée, car il n’est pas assez atteint pour aller en EHPAD."

Corinne, aidante à Mulhouse, se consacre depuis quatre ans, à sa mère atteinte de la maladie neuro-dégénérative à corps de Lewy. Encore en activité, elle passe voir ses parents de 16h à 21h. Son père de 92 ans, aide son épouse la journée et se couche à 18h, épuisé. Corinne prend le relais en soirée, après le travail. C’est le moment le plus difficile. "Dans ce type de maladie, les personnes commencent à s’agiter en fin d’après-midi. A partir de 16h, ma mère ne va plus bien, elle a envie de partir. Elle devient de plus en plus turbulente. Tous les soirs, je dois lui donner un somnifère pour qu’elle s’endorme. Quand je rentre chez moi, je suis épuisée. Heureusement que j’ai un compagnon compréhensif."

Le congé rémunéré, une avancée pour les aidants salariés

Corinne n’a pas envie de passer par une association d’aidants. Ce qu’elle souhaiterait, ce serait un accueil de nuit pour sa maman, au moment où la situation est la plus compliquée à gérer. Elle s’est renseignée, cela n’existe pas. En revanche, ce qui existe depuis 1er octobre, c’est un congé rémunéré pour les aidants salariés. Et cela intéresse beaucoup Corinne qui doit encore travailler un an et demi avant de prendre sa retraite.

La nouvelle est tombée le 29 septembre : la ministre déléguée à l'Autonomie, Brigitte Bourguignon, a annoncé que les aidants qui s'occupent d'un proche âgé, malade ou handicapé, pourront bénéficier d'un congé de trois mois indemnisé. Versée par les caisses d'allocations familiales ou la Mutualité sociale agricole, l'indemnité sera d'environ 44 euros par jour pour les aidants vivant en couple, et 52 euros par jour pour une personne seule. Le congé d'une durée maximale de trois mois pourra être renouvelé, jusqu'à un an sur l'ensemble de la carrière du salarié.

Corinne va se renseigner pour bénéficier de ce congé dans les mois à venir. "Ce serait top. Je pourrais aider mes parents à 100%, je pourrais enfin soulager mon père et leur concocter un programme pour la journée." Une avancée non négligeable dans la prise en compte des aidants, dix ans après le lancement de cette journée nationale des aidants.
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