La Région Grand Est n'a jamais caché sa volonté de devenir un "laboratoire national" de la privatisation du réseau ferré. Ça se précise sur certaines lignes selon un syndicaliste cheminot. Selon lui, un big-bang est en route où privatisation rime avec libéralisation des TER.
Trois lignes seraient concernées par cette privatisation du réseau ferré dans la région Grand Est. C'est ce que révèle Bernard Aubin, secrétaire général de FiRST (Fédération indépendante du rail et des syndicats des transports) sur son blog. La première, c'est la Ligne 14 qui relie Nancy à Merrey, en passant par Mirecourt, Vittel et Contrexéville. En raison du manque d'investissement dans ses infrastructures, les trains sont remplacés par des bus depuis 2016.
« L'idée de la Région ? » selon le syndicaliste : « Donner suite à la proposition d'investisseurs allemands qui ont promis de la remettre en état pour 65 millions d'euros et qui l'exploiteront vraisemblablement dans la foulée. Selon quelles normes techniques ? La ligne sera-t-elle retranchée du réseau ferroviaire national, lui ôtant toute perspective d'être empruntée par des trains autres que ceux de l'opérateur privé? Cette ligne essentiellement à voie unique dessert l’itinéraire Nancy-Merrey, le plus direct pour relier Nancy au Sud de la France ».
Des projets et des questions
Autre lignes concernées par une privatisation, la Ligne 18 entre Epinal et Saint-Dié que le président de la république Emmanuel Macron, s'était engagé publiquement à ré-ouvrir. « Comment et avec qui ? » s’interroge Bernard Aubin. Dernière ligne qui pourrait changer de statut : le tronçon qui relie Saint-Dié à Molsheim (et qui se prolonge vers Strasbourg).Des projets, mais aussi beaucoup de questions pour le secrétaire général de FiRST « Les voies souffrent aussi de « ralentissements » suite aux défauts d'investissements dans l'entretien de ses infrastructures. Les TER SNCF y circulent encore... Mais pour combien de temps ? Il y a fort à craindre que les 65 millions investis par la Région pour sa remise à niveau servent à terme les intérêts d'un nouvel opérateur privé ».
Avec la privatisation, c'est toujours, au final, le contribuable qui paie la facture des « économies » a priori réalisées.
- Bernard Aubin, secrétaire général de FiRST -
Monopole de la SNCF depuis 1938, le réseau ferré doit s'ouvrir à la concurrence dès 2020. Et la région Grand Est souhaite vivement devenir un laboratoire national. "La Région assume sa volonté de faire émerger la concurrence sur son périmètre, et ce, malgré les efforts passés et à venir de la SNCF" analyse Bernard Aubin. "Cette initiative engendrera forcément des dégâts collatéraux sur l'entreprise publique : plus on lui réduit sa voilure, moins elle devient « rentable » car les coûts fixes ne se réduisent pas proportionnellement aux nombres de trains transférés au privé.
Avec la privatisation, c'est toujours, au final, le contribuable qui paie la facture des « économies » a priori réalisées. Non seulement la Région Grand Est souhaite faire appel au privé pour l'entretien des TER, pour leur exploitation mais elle l'envisage aussi pour l'entretien et des infrastructures. Elle compte faire appel à des entreprises externes pour assurer la remise à niveau et l'entretien des lignes qui deviendront donc, de fait, 100 % privatisées...
En attendant, la grogne monte chez les usagers. Les sanctions prévues à bord, la récente fermeture des guichets en gare de Pagny-sur-Moselle, les perspectives de privatisation défraient la chronique. Pour tenter de calmer le jeu, le Président de la Région Grand-Est vient d'annoncer l'organisation d'un « Grenelle des Mobilités » en Lorraine. "On ne connaît que trop le résultat de ce genre de grands-messes, maintes fois démontré par le passé. Prochaine étape, la mise en place de cahiers de doléance dans les gares TER... ? Trop tard, la Région les a presque toutes fermées ».
En février dernier, Renaud Muselier, le président de la région Paca a engagé une procédure d’appel d’offres européen pour la mise en concurrence des TER en précisant que les premiers TER ouverts à la concurrence ne circuleront pas avant 2022. Une dizaine d’opérateurs se sont déclarés intéressé, dont la SNCF.