Elle est bien loin la chasse aux sorcières. Les thérapies naturelles, alternatives ou complémentaires à la médecine scientifique font désormais partie des choix offerts aux patients. Les sciences se penchent sur les phénomènes jugés auparavant comme du charlatanisme et la médecine s'associe parfois à ces thérapies ancestrales. Voici quelques portraits de soignants parallèles dans un documentaire, à l'écoute apaisée "à quel soin se vouer".
Ils sont chercheur en génétique, médecin généraliste ou ingénieur en informatique. Et puis un jour, ils ont choisi de suivre un autre chemin, moins cartésien, moins "scientifiquement correct". Ils ont choisi d'exercer leurs aptitudes à soigner de manière parallèle. L'un se dit guérisseur, l'autre magnétiseuse, ou parfois utilisent-ils les termes plus ancestraux de rebouteux ou de coupeur de feu. Denis, quant à lui, exerce en tant que médecin généraliste, tout en usant de son don de sourcier.
Ces personnes, qui ont en commun le bien-être de leurs contemporains, cassent l'image mystérieuse et vaguement ésotérique des pratiques auxquelles ils se livrent. Forts de leurs parcours scientifiques et pragmatiques, ils réduisent l'écart entre les croyances et les savoirs.
Voici trois bonnes raisons de voir "à quel soin se vouer ?", un documentaire de Nadège Buhler.
À voir dès à présent en lien ici.
1. Parce que vous n'avez jamais osé franchir la porte d'un guérisseur
Par peur du qu'en-dira-t-on, ou par peur tout court. On vous a bien suggéré un nom à l'oreille ou glissé un petit bout de papier avec une adresse dans la poche, quand vous vouliez arrêter de fumer. Mais votre raison vous a guidé vers votre médecin ou votre pharmacien. Et votre raison a bien fait. Pourtant, les témoignages sont là, de votre tatie, ravie, qui s'est délestée de son addiction grâce au magnétiseur de Saint-Profond-en-Cambrousse ; ou de votre voisin dont le cousin s'est fait réduire une entorse par le rebouteux de Trifouillis-lès-Bellefontaine.
Mais il ne sera pas dit que vous, avec vos deux pieds bien sur terre, vous irez voir un charlatan, dont aucune science ne vient valider la pratique. Votre raison est ferme, mais votre bon sens sème toutefois un peu le doute. Et ne demande qu'à se laisser convaincre. Et s'ils pouvaient m'aider ? Alors pourquoi ne pas se laisser tenter ?
Ç'a beau être écrit guérisseur sur ma plaque, je ne m'appelle pas Jésus-Christ
Olivier Schmid, guérisseur
Le documentaire de Nadège Buhler vous permet de pénétrer, comme une petite souris, dans les cabinets de plusieurs de ces guérisseurs. De constater que, loin d'être des illuminés ou des hurluberlus, ils ont, eux aussi, les pieds bien ancrés et la tête bien faite. De noter qu'ils ne cherchent pas à abuser des croyances populaires, mais sont soucieux du bien-être de leurs prochains. Et connaissent leurs limites, leurs devoirs et leurs capacités. "On apprend à détecter des problèmes qui peuvent être graves. On ne s'engage pas sur des soins qui sont dangereux. On ne guérit pas ça. Les médecines traditionnelles sont là pour ça. Ça a beau être écrit guérisseur sur ma plaque, je ne m'appelle pas Jésus-Christ ; ce n'est pas Lourdes, ici, on est à Plombières-lès-Bains", affirme Olivier Schmid.
2. Parce que c'est bon de ne pas toujours pouvoir tout expliquer
Une part de mystère demeure. Et c'est ce qui fait le charme énigmatique de ces guérisseurs. Pourquoi Olivier, du haut de ses 6 ans, a-t-il manipulé la cheville de son cousin qui venait de se faire une entorse ? Quel instinct l'a guidé ? Pourquoi Denis rencontre un homme halluciné sur le chemin de Compostelle, qui lui déclare tout de go "toi, tu es sourcier" ? Quels dons, quelles énergies traversent ces personnes douées de magnétisme ou d'une disposition encore méconnue des scientifiques ? L'étrangeté nourrit la curiosité.
Il n'y a pas de réponse à ces pourquoi. Juste des constats. Denis trouve l'eau des sources souterraines à l'aide de sa baguette de sourcier et le fait bénévolement. Olivier manipule, soigne, réduit les douleurs, Bénédicte constate avec ses "patients" que lorsqu'elle n'intervient pas, la douleur est plus vive.
Et les personnes manipulées ou juste effleurées par l'apposition des mains témoignent de leurs mieux-être. Ne doit-on pas les croire ?
3. Pour s'inscrire dans le grand livre de l'histoire de la santé
La médecine conventionnelle ne sait pas expliquer scientifiquement l'apport de ces guérisseurs, mais ne rejette plus massivement le recours aux thérapies parallèles. Le temps n'est plus à la chasse aux sorciers. Et les remèdes naturels et les thérapies douces alternatives ont au contraire le vent en poupe.
Denis Piotte, médecin, évoque "ces thérapies alternatives complémentaires" auxquelles il s'est intéressé "dans l'intérêt du bien-être du patient". Comme lui, d'autres médecins suggèrent à leurs patients le recours à ces aides supplémentaires. Certains services d'hôpitaux, comme des services de grands brûlés, ou d'oncologie, le font également. Car si les bienfaits ne sont pas prouvés, les méfaits — tant que les actes ne restent qu'un complément à la médecine – ne le sont pas non plus.
Déborah Kessler-Bilthauer, anthropologue de la santé, rend compte des évolutions de perception de ces thérapies au fil de l'histoire. Des soins qui sont, au Moyen-Âge, l'apanage des femmes. Et qui deviennent au fil des siècles, et au prix d'une vaste chasse aux sorcières, ceux des hommes et de leurs Facultés, qui remettent un peu d'Ordre dans les bonnes pratiques.
Pour autant, ces pratiques empiriques continuent de se transmettre, sous le manteau. Et regagnent en popularité. En témoignent les propos de ces quelques guérisseurs, soigneurs, magnétiseurs. "J'ai choisi d'être visible de loin, d'occuper une place dans la société, parce que je ne me considère pas être un danger pour autrui. Je veux qu'on puisse faire le choix de "je vais voir Olivier, ou non, il ne me plaît pas"". Le choix, tout simplement.