Lutter contre le harcèlement scolaire pour que les affaires Lucas ou Dinah ne se reproduisent pas

Lucas, 13 ans, victime de harcèlement scolaire, a mis fin à ses jours le 7 janvier 2023.
Lucas, 13 ans, a été harcelé par quatre élèves de son collège à Golbey dans les Vosges. ©FTV / Yade French Connection

Il s'appelait Lucas. Il avait 13 ans. Elle s'appelait Dinah, elle en avait 14. Les prénoms de ces deux adolescents ont résonné tristement dans le flux des actualités. Leurs suicides, à l'âge où la vie s'ouvre devant eux, ont bouleversé la France entière, mettant en lumière des faits de harcèlement scolaire. Que ces faits soient avérés ou ressentis, ils n'en demeurent pas moins insupportables. "Mourir à 13 ans", un documentaire d'Eric Ellena donne la parole aux familles, aux victimes et aux encadrants. Pour sortir du cercle infernal des brimades et des humiliations.

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C'est peut-être l'un des derniers tabous qui est en train de tomber. Le harcèlement scolaire est encore parfois sous-estimé, suscitant des réactions telles que  : "c'est de l'humour, c'est bon !", "ça renforce le caractère". Non. Trois fois non. La répétition de brimades et d'humiliations, doublée d'un phénomène de groupe, mène les victimes à des traumatismes plus ou moins profonds, si aucun coup d'arrêt n'est mis aux actes de harcèlement. Lucas, 13 ans, et Dinah, 14 ans, malgré tout l'amour de leurs familles, n'ont pas trouvé d'autre issue que celle du suicide. 

À la lumière de ces tristes "faits-divers", le réalisateur Eric Ellena donne la parole aux familles de Lucas et Dinah, mais aussi à d'autres jeunes victimes, qui ont pu bénéficier de l'aide de l'institution scolaire ou d'associations. Pour comprendre les mécanismes du phénomène et les solutions qui y peuvent être apportées. 

Voici trois bonnes raisons de regarder "mourir à 13 ans", un documentaire bouleversant d'Eric Ellena.

1. Pour écouter la douleur des mères et d'un frère

Samira est la mère de Dinah. Rayan est le grand frère de Dinah. Séverine est la mère de Lucas.

Le réalisateur a recueilli leurs témoignages, emprunts de douleur et de dignité. À travers leurs paroles, les étapes de fragilisation des deux adolescents apparaissent. Les mots qu'ils ont entendus, les brimades qu'ils ont subies, les humiliations répétées, dans leurs établissements et sur les réseaux sociaux, qui ont mené ces deux jeunes êtres vers l'irrévocable, le suicide. Des premières déclarations des enfants à la tragique découverte de leurs corps, ils racontent tout. Le flot de leurs douleurs l'a emporté sur tout le reste.

Le réalisateur ne cherche pas à désigner un coupable. Il écoute. Il ne mène pas d'enquête et ne cherche pas à déterminer les responsabilités. Ce n'est pas l'objet de son documentaire. D'autant que la famille de Dinah est encore en plein combat judiciaire pour faire reconnaître les faits de harcèlement (*). Avec les familles, il constate le drame pour mieux le révéler et évoquer les solutions qui existent.

2. Parce que tous les actes de harcèlement ne mènent heureusement pas toujours suicide

Puisque le harcèlement se nourrit de la moindre différence, chaque élève peut être amené au cours de sa scolarité à être sous le feu des quolibets de ses camarades. Qui, comme il est trop petit, qui, car il a une bosse sur le nez, qui, parce que, garçon, il préfère les garçons,  ou fille, elle craque pour ses congénères. Ou l'inverse. La suite dépend de tant de paramètres que chaque cas est différent. Mêmes départs, fins diverses.

Alors, il s'agit bien de s'attaquer aux causes de départ. À ces petites remarques, jugées parfois bien anodines par les adultes, mais qui affectent la confiance en soi des adolescents. Nicole Catheline (pédopsychiatre, Société française, enfance et adolescence) nous éclaire : "cette idée d'être exclu d'une relation avec l'autre, c'est absolument terrible. Ça génère une honte épouvantable. Et petit à petit, avec la loi du nombre [l'enfant se dit] puisque tout le monde le dit, c'est que ce doit être vrai. Et ce sentiment d'exclusion, de honte, [leur fait penser] je n'ai plus de raison de vivre et parfois ça les mène au suicide". Parfois. 

Pour un suicide, combien de cas de harcèlement ordinaire, passés sous silence ? Des études estiment qu'un élève sur dix est victime de harcèlement, soit 700.000 enfants. Deux à trois enfants par classe.

Jean-Pierre Bellon (directeur général du centre ReSiS) se désole : "comment a-t-on pu, dans certains établissements scolaires, banaliser les insultes, les moqueries, les mises à l'écart ? On revient de loin en France. Il y a eu une époque où on considérait que tout ça c'était formateur. Bien sûr que c'est pas formateur. Ces insultes à répétitions sont dévastatrices."

3. Parce que des adultes prennent le problème à bras-le-corps 

C'est un défi en trois temps : prévention des actes, écoute et accompagnement précoce des victimes et aide psychologique lorsque le mal est fait.

Les élus ont bâti un arsenal législatif. Une loi a été votée en mars 2022, cinq mois après le suicide de Dinah. L'article L.111-6 stipule qu'"aucun élève ou étudiant ne doit subir de faits de harcèlement résultant de propos ou comportements, commis au sein de l'établissement d'enseignement ou en marge de la vie scolaire ou universitaire et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de dégrader ses conditions d'apprentissage. Ces faits peuvent être constitutifs du délit de harcèlement scolaire prévu à l'article 222-33-2-3 du code pénal".

Le ministère de l'Éducation nationale et de la Jeunesse, ensuite, qui a renforcé les mesures contre le harcèlement à l'école lors de la rentrée 2023. Il a fait de la lutte contre le harcèlement une de ses priorités. Ainsi est né le programme pHARe. Qui comprend d'une part des outils et des méthodes pour aider les équipes enseignantes à repérer et à lutter contre les cas de harcèlement. Mais aussi d'autre part une plateforme d'écoute, le 3018

Au collège de Wintzenheim dans le Haut-Rhin, le proviseur, Philippe Weiss, s'est emparé du programme pHARe et a mis en place avec l'équipe encadrante et enseignante un plan de lutte. Il s'agit dans un premier temps de recueillir les témoignages des enfants qui se sentent harcelés, soit directement auprès des enseignants, soit auprès d'un groupe d'élèves référents. Et de ne surtout pas de les remettre en cause. Puis l'objectif est de faire prendre conscience aux élèves harceleurs de leurs actes, sans les mettre en accusation. Un véritable changement de paradigme qui nécessite la formation des professeurs. Et qui fait ses preuves.

Ewan et Maël racontent, avec encore beaucoup d'émotion, le processus d'accompagnement dont ils ont bénéficié. Et le retour à une situation normale.

Et dès l'école primaire, comme à l'école Gambetta de Sèvres dans les Hauts-de-Seine, d'autres méthodes peuvent s'appliquer, qui passent par l'écoute et le respect des émotions de chacun et l'apprentissage de l'empathie. 

Enfin, quand la prévention n'a pas suffi, il existe des associations comme l'Association Mosellane d'Action Éducative et Sociale en Milieu Ouvert (AAESEMO), qui peuvent aussi apporter leur aide psychologique aux petites victimes.  

"Mourir à 13 ans", un documentaire d'Éric Ellena à voir dans son intégralité ici.

(*) La plainte a été classée sans suite, faute d'élément pour corroborer la thèse du harcèlement scolaire, selon le Parquet de Mulhouse. L'enquête a été rouverte et est toujours en cours suite à une plainte avec constitution de partie civile déposée par la famille en novembre 2022.

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