Des traces de TNT et la présence d'autres explosifs et métaux lourds ont été découverts dans les eaux du lac de Gérardmer (Vosges). Des munitions datant de la fin de la Première Guerre mondiale sont encore immergées et constituent une pollution. C'est ce que révèlent nos confrères de l'émission Vert de rage, sur France 5. Ce mercredi 13 décembre, ils sont venus présenter leurs découvertes au maire de la commune.
On savait déjà que les eaux du lac de Gérardmer présentaient un écosystème dégradé. Mais ce mercredi 13 décembre 2023, le maire de la commune a découvert une nouvelle problématique, héritée de la Première Guerre mondiale. La journaliste Manon de Couët de l'émission Vert de rage sur France 5 et Lionel Rard, président de l'association Odysseus 3.1, sont venus présenter les résultats de leurs découvertes à Stessy Speissmann-Mozas.
En explorant les fonds du lac avec des plongeurs, ils ont découvert des dizaines d'anciennes munitions, certaines intactes, d'autres explosées. Les analyses de l'eau ont montré des valeurs importantes de TNT et d'autres explosifs dont la toxicité est questionnée.
TNT à des niveaux jamais détecté…
Du TNT à des niveaux jamais détectés dans un échantillon de laboratoire… La journaliste Manon de Couët travaille depuis plus d'un an sur le sujet de l’héritage toxique des deux guerres mondiales et sur la pollution liée à l’armement. C'est dans ce cadre qu'elle s'est intéressée au lac de Gérardmer, où des munitions ont été immergées vers la fin de la Grande Guerre.
"Un échantillon d’eau du lac contenait 327 ng/L de TNT, le taux de TNT le plus élevé jamais observé dans un échantillon d’eau par l’équipe de chercheurs européens en charge des analyses, ainsi que 328 ng/L de ADNT, un dérivé provenant de la dégradation du TNT", déclare Manon de Couët.
L’équipe de plongeurs a procédé en trois étapes : d’abord une opération de repérage et par la suite deux actions de prélèvement. Ils ont trouvé essentiellement des munitions de type grenades à manche et des grenades au phosphore, la plupart très proches des bords entre 2 et 11 mètres.
Substances potentiellement cancérigènes
Les échantillons ont été analysés dans un laboratoire allemand spécialisé dans ce type de recherche, le laboratoire Geomar du centre de recherche Helmholtz de Kiel.
Tous les échantillons, sauf un de sédiments, étaient contaminés par des résidus d'explosifs, notamment un échantillon de sédiment et un autre échantillon de flore à des niveaux très élevés. TNT, DNB, DNT, DNA et ADNT, des substances qui ne sont pas réglementées en France ou en Europe mais dont la toxicité reste très préoccupante selon l’équipe du documentaire.
"Le TNT est potentiellement cancérigène… Le DNT est cancérigène, mutagène possible… Le DNB pourrait représenter un danger pour le système reproductif", ajoute la journaliste.
"Nous, on est là pour apporter de la connaissance, on a fait des études exploratoires, il va falloir pour moi réaliser des études complémentaires et accompagner les autorités… On n’en parle depuis tellement d’années. En 2024, à une période où l’eau est devenue plus précieuse que l’or, cette eau que nous voyons, c’est 0,04 % de l’eau sur terre, cette eau de surface, des lacs et des rivières. Prenons en soin et agissons maintenant", réagit Lionel Rard président de l’association Odysseus 3.1
Des eaux déjà dégradées
Depuis de nombreuses années, les eaux du lac de Gérardmer font l'objet de nombreuses études, notamment de préservation. Avec le lac de Retournemer et Longemer, celui de Gérardmer fait partie du Plan Grands Lacs, instaurée par les collectivités territoriales et le Conservatoire d’espèces naturelles de Lorraine. Le but est de préserver ces eaux et comprendre pourquoi les écosystèmes se dégradent.
Depuis 2021, de nombreuses études sont réalisées sur le lac de Gérardmer : des prélèvements, des suivis thermiques, des sondes, des périodes de brassage des eaux et une surveillance par satellite.
Mais cette nouvelle piste de pollution aux résidus d’explosifs risque de compliquer la vie des Géromois. Le lac étant un lieu touristique très prisé, il accueille de nombreuses activités nautiques.
Plus grave, en période de sécheresse, les eaux du lac alimentent 80 % du réseau de la commune de Gérardmer. L’eau a été déclarée potable en août 2022.
Il y a déjà eu des opérations de dépollution. Des munitions qui ont été retirées du lac, mais il en reste toujours.
Stessy Speissmann-Mozas, maire de Gérardmer
Le maire de Gérardmer a pris connaissance des résultats de cette enquête journalistique ce mercredi 13 décembre 2023. Il a d'abord qualifié le travail de l'association Odysseus 3.1 de "remarquable", avant d'exprimer son étonnement face au constat alarmant de cette pollution.
"L’eau du lac est régulièrement testée, mais testée dans le cadre de la réglementation. Il y a forcément certaines données que l’on n’avait pas et que l’on a découvertes aujourd’hui...On va d’abord saisir le législateur. On va saisir des instances comme l’ARS pour savoir pourquoi ces données n'ont pas été étudiées", souligne Stessy Speissmann-Mozas, maire de la commune.
Si la pollution du lac de Géradmer ne fait aucun doute, reste maintenant à connaitre la nature et le degré de cette dernière. "Ce qu'on veut montrer, c'est qu'il y a un impact. Il y a une pollution qui est là. Maintenant, il faut justement pousser les études encore plus loin, pour se rendre compte réellement de la dangerosité", précise la journaliste Manon de Couët.
L’émission Vert de rage devrait être diffusée sur France 5, au début de l’année 2024.