Le cinéma d’horreur en est la preuve. Mais pourquoi adorons-nous nous faire peur ? Nous avons posé la question à un pédopsychiatre et aux fans du cinéma de genre croisés au Festival international du film fantastique de Gérardmer, qui se tient jusqu’au 28 janvier 2024 dans les Vosges.
Êtes-vous plutôt clown tueur ou requin géant ? Camping entre amis qui vire au drame ou week-end en amoureux dans un manoir hanté ? Les créatures infernales et autres psychopathes nous fascinent autant qu’ils nous effraient. Alors, sommes-nous un brin masochistes ou tout bonnement tordus ? Pour comprendre cet étrange phénomène, nous avons questionné le docteur Alain Bouvarel et mené l’enquête dans les allées de Gérardmer (Vosges), pendant le Festival international du film fantastique qui se tient jusqu’au 28 janvier 2024.
L’avis des cinéphiles
À Gérardmer, chacun y va de son point de vue. “Les films d’horreur permettent d’avoir une montée d’adrénaline et d’échapper à la réalité, sans courir le moindre risque”, estime Daniel Billerach, bénévole pour le festival depuis trois ans. “Je suis très doux dans la vie, je ne cours pas après les gens dans la forêt avec une machette, mais j’adore les films d’horreur. C’est peut-être un exutoire”, s’amuse quant à lui Éric Barraud, un disquaire fan de cinéma fantastique.
Ça va chercher en nous des instincts très primaires
Jean-Paul Salomé, réalisateur de La Daronne (2019) et La Syndicaliste (2023)
Jean-Paul Salomé est l’un des membres du jury des longs métrages de la 31ᵉ édition du festival. Il a réalisé une dizaine de films, parmi lesquels La Daronne (2019) et La Syndicaliste (2023) et a aussi son avis sur la question. “On aime se faire peur. Il y a un côté art forain dans le cinéma, un côté train fantôme. Que l’on regarde un film pour rire, pleurer ou avoir peur, cela procure des émotions et c’est ce qui compte. Ça va chercher en nous des instincts très primaires, le cinéma amplifie les réactions du spectateur. Il n’y a rien de plus fort que de réussir à faire hurler de peur des gens”, insiste le cinéaste.
L’explication scientifique
Le docteur Alain Bouvarel, cofondateur du Festival Psy de Lorquin (Moselle) et pédopsychiatre à la retraite, nous explique pourquoi nous aimons tant nous faire peur : “La peur est nécessaire à notre survie. Lorsqu’on se sent menacé, notre cerveau reptilien qui gère nos fonctions vitales prend le dessus. On a différents degrés dans la peur, il y a les grands phobiques puis ceux chez qui la peur est minime et qui sont capables de sauter du deuxième étage sans la moindre angoisse. La plupart des gens se situent au milieu du curseur”.
On peut aimer une pellicule gore ou psychologiquement effrayante, alors que la même scène nous traumatiserait dans la vraie vie
Docteur Alain Bouvarel, cofondateur du Festival Psy de Lorquin (Moselle)
On remarque des comportements intéressants dès l'enfance. “Quand vient Halloween, les gamins sont ravis de voir leurs petits copains déguisés en squelette ou en monstre. Quand on lit Le Petit Chaperon rouge à un enfant, par exemple, il a peur mais il sait qu'il ne risque rien une fois le livre refermé. Les enfants éprouvent du plaisir devant des choses horribles car ils savent que c’est une fiction. C’est pareil pour les adultes et les films d’horreur. On peut aimer une pellicule gore ou psychologiquement effrayante, alors que la même scène nous traumatiserait dans la vraie vie”, tempère l'ancien pédopsychiatre.
Parfois, le fait de regarder une fiction terrible fait même catharsis. “Cela peut toucher à un point de la propre histoire d’un individu qui n’a pas été guéri. Cela relève de l'inconscient et ça peut même être réparateur”, conclut l'ancien pédopsychiatre. Ouf, nous voilà rassurés !