11 novembre 1918 : 10 choses à savoir sur les animaux et la Grande Guerre

Les historiens s'accordent pour établir le bilan humain de la guerre 14-18 à environ vingt millions de victimes, militaires et civiles. Mais dans sa folie meurtrière, l'Homme a entraîné le sacrifice de centaines de milliers d'animaux.

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Cet intérêt que je nourris pour la Guerre 14-18 me vient de l’enfance. Un de mes deux grands-pères a combattu dans la Somme en 1918. Originaire de Nevers, il s’était engagé à 18 ans dans l’artillerie et c’est en tant que jeune aspirant qu’il participe d’abord à la bataille d’Amiens puis aux autres combats qui mènent à l’Armistice. Ayant survécu, il aura même le droit de participer à la deuxième guerre mondiale. Installé à Amiens après avoir épousé sa marraine de guerre (de la Drôme), il m’emmènera visiter tous les champs de bataille picards. Et dans les années 60, on trouvait encore quantité de matériel sans avoir à chercher. Mais ce sont surtout ses récits décrivant la douleur des Hommes qui m’ont le plus impressionné. C’est pour ce grand-père et tous ses camarades que j’ai raconté la Grande Guerre avec passion, modeste hommage mais sincère compassion. 
Jean-Paul Delance, journaliste à France 3 Picardie.



Chiens, chevaux, pigeons mais aussi renards et autres cochons. Durant la Première Guerre mondiale, les animaux ont fait partie du paysage militaire. Combattants involontaires, mascottes ou ennemis de l'intérieur, des milliers y ont laissé la vie, en rendant de vastes services aux patries des belligérants.

Voici 10 choses, insolites ou plus sérieuses, qui ont marqué l’implication des animaux dans la guerre 14/18.
 

1/ 11,5 million d’équidés morts sur le front

14/18 n’est pas encore une guerre mécanisée. Au début de la guerre, l'armée française ne compte que 170 véhicules automobiles. Mais dans ses rangs, on compte 190.000 chevaux. 90.000 font partie de la cavalerie, le reste servant au transport et aux corvées. Les chevaux ont une place cruciale dans les combats. À l’arrière comme sur le front.

Je n'ai encore jamais entendu crier les chevaux et je puis à peine le croire. C'est toute la détresse du monde. C'est la créature martyrisée, c'est une douleur sauvage et terrible qui gémit aussi. Nous sommes devenus blêmes. Detering se dresse : Nom de dieu ! achevez-les donc ! [...] Je vous le dis, que des animaux fassent la guerre, c’est la plus grande abomination qui soit.
Erich Maria Remarque, À l’Ouest, rien de nouveau.


En quatre ans, 14 millions de chevaux, ânes et autres mulets participent à la Première Guerre mondiale pour le compte de tous les belligérants. La plupart est réquisitionnée. Lors du déclenchement de la guerre, 520.000 équidés sont mobilisés en 17 jours. En août 1914, 460.000 sont mobilisés.
 


Mais au fil de l’avancée du conflit et des morts, de plus en plus d’équidés sont importés par bateau des États-Unis, de Grande-Bretagne ou d'Argentine. La France dépensera près d'un milliard pour les faire venir de l'étranger. La République manque de pattes : pour déplacer les canons les plus lourds, il faut jusqu'à 178 chevaux.
 

Près de deux millions sont incorporés à l’armée française et immatriculés. La moitié mourra entre 1914 et 1918. 130.000 pertes sont enregistrées rien que dans les trois premiers mois de combat. Ce n’est pas tant sous les bombes et autres projectiles que ces bêtes de somme meurent que de froid et d’épuisement. Beaucoup ne survivront pas à la malnutrition : en mai 1917, l'État-Major est obligé de se séparer de 100.000 chevaux à cause du manque de nourriture. D’autres finiront ensevelis vivants dans la boue des champs de bataille.
 


2/ Un hôpital pour les chevaux

En 1917, les Américains installent une immense base avancée au nord de Dijon, à Is-sur-Tille. Ils construisent à Lux, un village voisin, un dépôt de remonte. C’est dans ces centres que sont dressés les chevaux en fonction de leur future affectation. En 1915, on compte 17 dépôts de remonte en métropole :
  • Caen 
  • Saint-Lô  
  • Alençon 
  • Guingamp 
  • Fontenay-le-Comte 
  • Angers 
  • Saint-Jean-d'Angély 
  • Tarbes 
  • Agen 
  • Mérignac 
  • Aurillac 
  • Arles 
  • Paris 
  • Guéret 
  • Mâcon 
  • Favernay  
  • Suippes

À Lux, il est doublé d’un hôpital vétérinaire pour soigner leurs chevaux. C’est le plus grand hôpital vétérinaire du corps expéditionnaire américain sur le sol français.
 

Les chevaux blessés sont récupérés par des ambulances spécialisées et amenés à l’hôpital pour y être opérés. Très pragmatiques, les américains utilisent des techniques innovantes : des systèmes de toiles et de vérins pour hisser les chevaux, des tables d’opération à bascule qui facilitent le travail. Les chevaux reçoivent des traitements contre la gale et autres maladies. Ils ont droit à une convalescence attentionnée. Une machine à couper le fourrage et à moudre les céréales rend les aliments beaucoup plus digestes pour les animaux.
 
Source archives : - Collection privée Michel Valentin - Archives Municipales de Lux - Société d’Histoire Tille-Ignon ©France 3


3/ Un pigeon décoré de l'Ordre de la Nation 

Lors de la Grande Guerre, 60.000 pigeons sont utilisés par la France. 100.000 par les Britanniques. Porteurs de messages ou photographes des positions ennemies, ils sont des auxiliaires indispensables aux soldats. Beaucoup succomberont aux tirs ennemis, d'autres mourront gazés.
 
 

Pour preuve de leur importance, c'est la peine de mort qui attend, dans les territoires envahis, le civil qui omet de déclarer ses oiseaux à l'occupant.
 


Le plus célèbre volatile est Vaillant, matricule 787-15. C'est le dernier pigeon lâché du fort de Vaux assiégé par les Allemands le 4 Juillet 1916. Porteur d'un SOS pour le commandant Raynal basé à la citadelle de Verdun, gazé au cours de son vol, il meurt à son arrivée, mission accomplie. À titre posthume, il est cité à l'Ordre de la Nation.

Une plaque sera apposé en 1929 au fort de Vaux pour honorer son exploit. Sa dépouille, empaillée, est exposée au musée militaire du mont Valérien en région parisienne.
 
Source archives : - Musée d'Histoires Naturelles de Tournai - Gallica BNF - Pathé Gaumont ©France 3


4/ Un chien sergent

Les chiens sont évidemment des animaux de compagnie pour les soldats enlisés dans le conflit. Mais ils servent aussi d'agents de liaison et d'estafettes dans les tranchées.
 

Sur leur dos, on accroche des messages, des médicaments... Ou des pigeons. Ils tractent également toutes sortes de carrioles et parfois des mitrailleuses. C'est surtout dans l'armée allemande que les chiens sont utilisés dès le début de la guerre. Les forces françaises n'en comprendront l'intérêt qu'en 1915. 3.000 chiens sont alors récupérés dans les fourrières, la SPA voire réquisitionnés chez les particuliers. Parfois, il s'agit de chiens pris à l'ennemi.

Le chien de guerre possède un état-civil, un livret militaire, une plaque d’identité et un équipement. Ils sont affectés à plusieurs fonctions militaires : chiens de garde, chiens de liaison ou d’estafette transmettant les messages, chiens de trait, chiens ratiers, chiens sanitaires ou ambulanciers chargés de retrouver les blessés, sans compter les mascottes. L’armée française possède, elle, surtout des chiens sanitaires. Sur la durée du conflit, 12.000 seront utilisés par les Français.

Certains sont décorés ou obtiennent un grade, du fait de leurs faits d'armes. Ainsi, un bull terrier de l'armée américaine, Stubby, élevé au grade de sergent pour avoir, entre autre, aidé à la capture d'un espion allemand. Revenu aux États-Unis, décoré de la Purple Heart et de la médaille de Verdun, Stubby devient une célébrité. Il est présenté au général Pershing et participe à de nombreux défilés de vétérans. Mort en 1926, il est naturalisé. Son corps est exposé à la Smithsonian Institution à Washington.
  

5/ Les essentielles mascottes

Dans leur grande détresse, les Hommes recherchent de l'affection auprès des animaux. Les officiers ont droit à des chiens. Les hommes de troupe n'ont pas l'autorisation d'avoir des animaux compagnies. Mais ils apprivoisent des bêtes sauvages comme des renards, des grands ducs ou même des sangliers. Les troupes étrangères sont tout aussi imaginatives. Chaque régiment de l'armée britannique avait droit à une mascotte. Le cochon Tirpitzi était la mascotte des marins servant sur le croiseur britannique HMS Glasgow. Tandis que ceux du HMS Vindictive avaient choisi deux chats noirs.
 


6/ Des animaux exotiques dans les tranchées

Les troupes venues des pays lointains emmènent avec eux leurs animaux fétiches. Si les Australiens débarquent avec des kangourous, l'Afrique du Sud remporte sans doute la palme de l'originalité avec deux spécimens dont la notoriété a fait le tour du Monde. D'abord Nancy. Cette une jeune Springbok, une antilope emblème du pays, est affectée dans la Somme en 1916. Elle y est blessée par le souffle d'une explosion qui la projette contre un mur. Rescapée, elle restera avec sa corne gauche horizontale jusqu'à sa mort survenue quelques jours après l'armistice.

Jackie, lui, est un babouin qui suit son propriétaire, Albert, jusque sur les champs de bataille. À Longueval dans la Somme en juillet 1916, il prend soin de son maître, blessé lors de l'attaque du Bois Delville. En 1918 en Belgique, l'homme et la bête sont atteints par un éclat d'obus. Jackie est amputé de la jambe droite. Démobilisé en 1919, il meurt quelques années plus tard dans l'incendie de la ferme de son propriétaire.
 

Côté américain, l'escadrille française Lafayette au sein de l'armée de l'air a pour mascotte deux lionceaux, Whisky et Soda. 

Les Allemands ne sont pas en reste, avec la colossale Jenny, ouverte par le directeur, patriote d'un cirque et transportée dans le Nord, en forêt d’Avesnes. Monture du dernier chic, dans les parades militaires, Jenny est mise à contribution, pour charrier du bois, pousser les wagons. Immortalisée en couverture des journaux, elle donnera des idées à l’adversaire.
 

7/ 5 centimes par rat mort

Autre "animal de compagnie" dont les soldats se seraient bien passés, le rat. Surnommé Gaspard par les troupes, c'est l'"ennemi de l'Intérieur" contre lequel il n’est pas facile de lutter. On ne compte plus les récits de Poilus qui font référence à l'horreur que leur inspirent les rats. Dévoreurs de cadavres, chapardeurs de rations, ils grouillent dans les tranchées et les casemates. Leur faire la chasse devient une occupation prisée. Des chiens sont entraînés à leur capture et l'Armée rémunère 5 centimes le cadavre d'un rat.
 
Source archives : - Historial de la Grande Guerre de Péronne - Pathé Gaumont - ECPAD ©France 3


8/ Toto, le surnom des poux

La vermine est l'autre fléau des tranchées : tiques, puces, poux compliquent le quotidien des soldats. Le pou a même droit à son surnom, Toto, et à un poème : 

Aux tranchées, quand dans son trou,
Le bon poilu ne sait quoi faire,
Il s’adonne pour se distraire
À la recherche de ses poux.
On ne le voit jamais bredouille,
Car en son système pileux
Ce visiteur, peu scrupuleux, insolemment pullule et grouille ! […]
Cet animal si dégoûtant
Est bien tout le portrait du Boche :
Qu’on le pourchasse ou qu’on l’amoche,
Il y en a toujours autant !
Henri Bachelot
 

9/ Des monuments à la gloire des animaux 

Si de nombreux monuments commémoratifs utilisent l'imagerie animalière pour rendre hommage aux soldats morts au combat ou pour évoquer le sort partagé des hommes et des bêtes dans le conflit, quelques-uns sont érigés à la seule gloire des animaux. 
 
Ainsi, une colonne dédiée aux "20 000 pigeons morts pour la patrie" et aux "colombophiles fusillés pour avoir détenu des pigeons voyageurs" se dresse à l'entrée du zoo de Lille. On trouve le même genre de monument à Bruxelles, Charleroi et Berlin. À Melbourne, en Australie, c'est le cheval qui est à l'honneur. En 2004, la Grande-Bretagne a inauguré à Londres l’Animals in War Memorial qui rend hommage à la contribution des animaux dans l'ensemble des conflits du 20e siècle.
 

10/ Avoir le cafard et avoir le bourdon

La Grande Guerre a livré nombre d'expressions métaphoriques. Deux d'entre elles, issues des tranchées et liées au monde animal, ont ainsi fait leur apparition durant le conflit : "avoir le cafard" et "avoir le bourdon". Elles caractérisaient l'état de lassitude, de mal être et de mélancolie dans lequel beaucoup de combattants sombraient.

L’expression "avoir le bourdon" serait ainsi apparue en 1915. Elle proviendrait du rapprochement avec l’insecte, en référence à sa couleur sombre et au son grave qu’il émet lorsqu’il vole.


BIBLIOGRAPHIE : 
  • Les animaux dans la Grande Guerre de Jean-François Saint-Bastien/Editions Sutton. Collection Evocations;
  • Bêtes de tranchées.Des vécus oubliés  d'Eric Baratay/Editions du CNRS. Collection Biblis;
  • Bêtes de somme. Des animaux au service des hommes d'Eric Baratay/Editions du Seuil. Collection Histoire;
  • Héros oubliés : Les animaux dans la Grande Guerre de Jean-Michel Derex; préface d'Allain Bougrain-Dubourg/Pierre de Taillac Editions;
  • 14-18 : L’autre Hécatombe de Claude Milhaud/Editions Bellin. Collection Histoire et culture équestres;
  • Bêtes de guerre : 1914-1918 de Patrick Bousquet/ Editions De Borée. Collection Histoire et doc.


 
Jean-Paul Delance : 14/18 et moi

 
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