Confrontés à des taux de chômage de plus de 10% en France, les demandeurs d'emploi frontaliers sont de plus en plus enclins à fournir les efforts nécessaires pour trouver un emploi de l'autre côté de la frontière, dans des régions frisant le plein-emploi.
Christopher, la quarantaine, en CDD, s'est rendu fin 2012 au Forum Eurométropole, manifestation transfrontalière pour la région Lille-Courtrai-Tournai
où plus de 100 entreprises françaises, wallonnes et flamandes étaient venues recruter."Plusieurs fois, je me suis assis avec des recruteurs. Tout se passait bien jusqu'à ce que je dise que je ne parlais pas néerlandais", explique-t-il. Il est pourtant déjà trilingue, maîtrise l'anglais et l'espagnol. Il y a deux ans, il s'est lancé dans une reconversion dans le commerce.
La Flandre occidentale, province belge néerlandophone affiche un taux de chômage de 4,3%, qui peut tomber à deux et quelques pour-cents dans des villes comme Courtrai, selon les chiffres avancés par Pôle Emploi, à seulement une demi-heure de Lille, la "capitale des Flandres", territoire historique à cheval sur la France et la Belgique qui s'étend de Dunkerque à Gand.
Au 30 juin 2011, l'Inami, l'institut belge d'assurance maladie-invalidité, dénombrait 6.396 travailleurs français en Flandre occidentale, une augmentation d'un tiers depuis 2007. Le contingent hexagonal représentait ainsi environ 90% des travailleurs frontaliers entrants de la région. L'organisme Eureschannel, spécialisé dans la mobilité transfrontalière de l'emploi dans la région frontalière franco-belgo-anglaise, constatait dans un rapport qu'en 2011, pour un résident de Belgique qui passait la frontière, sept résidents de France passaient en sens inverse, contre un rapport de 1 pour 4 dix ans plus tôt. Dans ses conclusions, Eureschannel notait: "Bien qu'il soit nécessaire d'attendre que d'autres sources le confirment, il semblerait que cette croissance soit due principalement aux flux en direction de pôles d'emploi wallons".
Des formations en néerlandais
Dans le Nord/Pas-de-Calais, Pôle Emploi a donc naturellement décidé de financer des formations dans la langue de Vondel. "L'intérêt de former au néerlandais c'est que dans tous les cas, le vocabulaire de base facilite l'intégration, ce qui conduit vers l'emploi durable", explique
Bruno Maurer, chef de projet interrégional à Pôle emploi, même si les Flamands de leur côté font des efforts pour intégrer des Français qui viennent combler un manque d'effectif principalement peu qualifié.
Le syndicat patronal belge flamand Voka a pris l'initiative de créer un site internet "www.vouseteslesbienvenus.eu" pour inciter Wallons et Français à venir travailler en Flandres. Début mars, après un an d'existence, il comptait déjà 27.000 visiteurs.
Ce n'est pas un pays étranger
Dans le cours de néerlandais réservé aux demandeurs d'emploi dispensé à l'université de Lille 3. Mohammed explique que partir en Belgique est presque naturel. "On est moins dépaysé en travaillant à Gand ou à Anvers qu'en travaillant à Paris", estime cet ancien gérant de société qui se relance dans la gestion commerciale. "Ce n'est pas un pays étranger. Ce sont les Flandres".
Dans la classe de leur pétillante professeure Sarah Pekelder, la quasi totalité des élèves souhaitent poursuivre leur apprentissage en cours du soir. Vincent, technicien de traitement des eaux, 12 mois de recherche d'emploi, sait qu'il y a des pénuries dans son domaine de l'autre côté de la frontière. Idem pour Eric, 58 ans, imprimeur, à qui il manque quelques trimestres avant de partir à la retraite."C'est une preuve pour certains employeurs de la bonne volonté du candidat", souligne Sarah Pekelder. "Ils sont parfois même prêts à continuer à les former".
A la biscuiterie Popelier de Wervik en Belgique, presque la moitié des 60 employés sont français. Toutes les communications se font dans deux langues. "C'est d'abord par manque de gens d'ici qu'on prend des Français", à l'emballage et à la boulangerie, explique Griet Popelier, en charge du service du personnel et de l'administration. Actuellement à la recherche d'un technicien pour l'équipe de nuit, Popelier travaille avec une agence d'intérim... française, spécialisée en profils techniques.