La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai (Nord) examine mercredi l'appel du renvoi en correctionnelle interjeté par cinq des quatorze mis en examen dans l'affaire de proxénétisme dite du Carlton de Lille, dans laquelle est poursuivie Dominique Strauss-Kahn.
Lors de cette audience à huis clos, en chambre du conseil, les avocats de la plupart des appelants vont plaider pour que le dossier du Carlton, ouvert sur une qualification criminelle de "proxénétisme aggravé en bande organisée", soit jugé devant une cour d'assises, pour que "le peuple" tranche.
Après l'annonce de leur renvoi devant un tribunal correctionnel pour "proxénétisme aggravé en réunion", cinq mis en cause - Dominique Alderweireld, alias "Dodo la saumure", un tenancier français de salons de massage en Belgique, sa compagne Béatrice Legrain, René Kojfer, l'ancien chargé des relations publiques du Carlton, David Roquet, ex-directeur d'une filiale du groupe de BTP Eiffage, et Emmanuel Riglaire, un avocat du barreau lillois - avaient décidé de faire appel de l'ordonnance signée par les juges d'instruction le 26 juillet.
Rarissime, car la peine encourue aux assises est plus lourde qu'en correctionnelle, cette démarche est prévue par l'article 186-3 du code de procédure pénale pour une personne mise en examen estimant que les faits pour lesquels elle est renvoyée constituent un crime qui aurait dû faire l'objet d'une mise en accusation devant la cour d'assises.
"Dire quelques vérités"
"Si le dossier était consistant, je ne m'amuserais pas à demander à passer aux assises. Mais on m'accuse d'avoir donné mon accord tacite pour que (René Kojfer) ramène des filles à DSK. (...) L'accord tacite, je ne l'ai jamais donné. On m'inculpe et on inculpe mon amie parce qu'elle accompagnait les filles. J'ai fait appel par dérision car c'est tellement gros leur histoire", a expliqué "Dodo la Saumure", qui sera présent mercredi.S'il "n'(attend) rien de l'audience", la chambre de l'instruction n'ayant "accédé à aucune demande qui lui a été présentée jusqu'à maintenant", l'avocat de David Roquet, Me Eric Dupond-Moretti, souhaite "dire quelques vérités" et "dénoncer cette pratique judiciaire incroyable qui est la criminalisation des affaires, qui donne beaucoup de confort aux juges d'instruction".
"En terme d'opprobre populaire, c'est quand même terrible d'être accusé d'être un proxénète, alors que cette affaire va accoucher d'une toute petite souris et
qu'en réalité il s'agit de la pénalisation des clients qui n'existe pas encore en droit français et que les juges lillois ont mis en place (...). C'est du culturisme
judiciaire, de la gonflette qui n'est pas sans impact", a-t-il estimé.
DSK veut lui se présenter devant le tribunal correctionnel
"Il faut aller au peuple. On en a peur, on veut juger ça en catimini en correctionnelle et on veut nous priver d'un débat qui est aussi un débat de société. Donc on est emprisonné dans un carcan moralisateur", a également déploré le conseil de René Kojfer, Me Hubert Delarue.
"La limite de notre action", a poursuivi l'avocat, est que "seule une partie des personnes renvoyées ont fait appel, certains ayant considéré qu'il valait mieux
aller en correctionnelle", dont l'ancien patron du FMI Dominique Strauss-Kahn, qui tout en dénonçant un "acharnement" des juges avait déclaré qu'il se présenterait "sereinement devant le tribunal" correctionnel.
La chambre de l'instruction de la cour d'appel, qui se prononcera sur la recevabilité de l'appel et dira s'il est bien ou mal fondé, devrait mettre sa décision en délibéré. Selon une source proche du dossier, l'avocat général devrait requérir "la confirmation de l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel en estimant que les critères de la bande organisée n'étaient pas réunis".
Si la chambre suivait ces réquisitions, les appelants ont toujours la possibilité de former un pourvoi en Cassation, mais celui-ci n'est pas suspensif et n'empêcherait pas un procès de se tenir, vraisemblablement courant 2014.