Du strass, des paillettes et des baisers soufflés au jury par des reines de beauté hautes comme trois pommes : à Blendecques les parents des "mini-miss" en compétition sont scandalisés de la possible interdiction de ces concours.
Trois cents personnes étaient réunies dimanche sous le toit de tôle de la salle communale pour assister à l'élection de "Miss et Mister Sourire" à laquelle participaient plus de 80 enfants, des filles de moins de quinze ans pour la plupart: Licinia, Layna, Rose, Nelia, Athena...
"Pas de chignon, pas de maquillage, pas de talons" pour les fillettes: les règles édictées par l'organisatrice du concours de Blendecques, Isabelle Capitaine, sont strictes. Et dans une région, le Nord-Pas-de-Calais, qui concentre plus de la moitié des concours de beauté pour enfants de moins de 16 ans en France, les menaces d'interdiction qui pèsent sur ces événements populaires accusés d'"hypersexualiser" les petites filles passent mal.
Hypersexualisation ?
Le projet de loi sur l'égalité femmes-hommes, dans lequel s'intègre cette interdiction, devrait être débattu par l'Assemblée nationale en janvier. "C'est quand même abuser. Je pense qu'il y a des choses beaucoup plus importantes en France à faire passer avant les miss", lâche Céline, une grande blonde perchée sur de vertigineux talons noirs et roses, dont la fille Magdalena, 6 ans, sera nommée dans la soirée 1ère dauphine dans sa catégorie."A ce compte-là, l'hypersexualisation est partout: à la gym, à la natation, chez les majorettes", assène Marjorie, la maman de Victoria, 8 ans, "Baby miss Sourire 2012". "C'est dégoûtant", renchérit la timide Cidjie, 11 ans, dans les vestiaires. A Blendecques, les mères qui s'improvisent porte-parole de leurs filles soulignent que les concours sont un loisir comme un autre. Que celui-ci est, en outre, organisé au bénéfice d'une association pour enfants malades.
"C'est comme un jeu", souffle Léna, 7 ans, habituée des défilés depuis l'âge de deux ans. Cette fois, elle porte une imposante robe bustier satinée blanche et violette, sa large jupe maintenue par des arceaux.
"Encadrer mais pas interdire"
Comme elle, les petites, dont certaines n'ont que trois ans, voient surtout les "robes de princesse" que le concours leur permet de porter et les cadeaux qu'elles gagneront. Mais quelques très jeunes concurrentes semblent ne pas comprendre ce qu'elles font sur le podium, l'air d'un lapin dans les phares d'une voiture.D'autres, plus âgées, minaudent au contraire devant le jury chargé de noter leur tenue, leur beauté, leur sourire et leur coiffure, mains sur les hanches, strass au cou et aux oreilles, baisers soufflés et oeillades complices, au son des musiques de Titanic ou de la Belle au Bois dormant.
"Ne pas toujours gagner, ça leur apprend la défaite", sourit Isabelle, dont la fille Julie "a gagné 70 écharpes". En outre, explique-t-elle, les concours ont
épanoui sa fille Emilie qui était "fort réservée". En tenue de soirée, "les gamines restent naturelles" et le thème "Halloween" du deuxième passage "n'est pas excentrique", assure Céline, la maman de Magdalena.
De fait, les fillettes défileront ensuite en sorcières, zombies ou petits diables. Le diable, le vrai, prend deux formes à Blendecques: les mères qui "exagèrent" et les compétitions américaines, qui ternissent l'image de ces élections. "Il y a eu de l'exagération" ailleurs dans la région, concède Isabelle, organisatrice de l'élection de la ville d'Eperlecques: "Des petites qui sont beaucoup trop maquillées, c'est vulgaire (...) et certaines qui ont de faux cheveux". "Il faudrait encadrer, mais pas interdire", résume la maman.
Mais, de l'avis général, les concours organisés dans la région n'ont "rien à voir avec les Etats-Unis" où paradent des fillettes de 3 ou 4 ans, faux seins, faux bronzage et talons hauts. "Au maximum, lorsque c'est permis, on met des paillettes aux yeux et du gloss aux lèvres", raconte Peggy, la maman de Léna. "C'est vraiment pas comme les dentiers et les chignons aux Etats-Unis qu'on voit à la télé".