Dix jours après la découverte du corps de la fillette retrouvée morte à Berck, sa mère est passée aux aveux. Voici la chronologie complète de cette affaire qui a mobilisé 80 enquêteurs. La petite fille a désormais un nom, elle s'appelait Adélaïde et était âgée de 15 mois.
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Mardi 19 novembre, gare du Nord
Mardi 19 novembre, en fin de matinée, les caméras de vidéosurveillance de la gare du Nord saisissent des images d'une femme avec une poussette. Dans la poussette, une petite fille d'un an habillée d'une combinaison.
La femme de type africain/antillais porte des lunettes, a les "cheveux noirs lisses, tirés en arrière et plaqués. Elle est vêtue d'un manteau noir descendant jusqu'au-dessus du genou et d'un pantalon foncé." Elle est âgée d'une trentaine d'années. Détail important : elle porte un sac de couleur camel.
Ce jour-là, elle prend le train pour Rang du Fliers.
Mardi 19 novembre, gare de Rang-du-Fliers
La femme et l'enfant débarquent en début d'après-midi en gare de Rang du Fliers après 2h45 de voyage en train.
Mardi 19 novembre, trajet en bus entre Rang-du-Fliers et Berck-sur-mer
La femme et l'enfant prennent le bus à Rang du Fliers pour Berck à 14h50. Selon les enquêteurs, au cours du trajet, "elle a parlé avec une femme âgée d'au moins quarante ans à laquelle elle aurait donné le prénom de l'enfant. " Ce témoin s'est manifesté mais selon Europe 1, son témoignage n'a pas permis d'identifier la mère et l'enfant.
Un chauffeur de ce bus a indiqué sur BFM TV avoir été interrogé par la Police Judiciaire et confirmé qu'il avait vu la femme et l'enfant : "Cette personne me dit quelque chose...".
Mardi 19 novembre, hôtel Le Littoral à Berck
Dans les rues de Berck, vers 17h30, la "femme à la poussette" cherche un hôtel. Selon un témoin, elle se renseigne alors sur les horaires des marées : "Elle m'a interpellé dans la rue avec la poussette et le bébé qui pleurait. (...) Elle était un peu paumée, elle marchait à grandes enjambées. Elle m'a demandé où était la plage et la mer, et elle cherchait un hôtel". Il décrit "une femme mûre, relativement coquette" et avec "une certaine distinction".
On sait aussi que la femme (qui ne donne pas son vrai nom à la réception) et l'enfant auraient séjourné ce mardi à l'hôtel "Le littoral" à Berck, un hôtel proche de la plage. C'est là que les policiers ont pu recueillir l'ADN de cette femme et le comparer à celui de la fillette. Il est désormais établi que la femme est la mère de l'enfant.
Elle aurait quitté l'hôtel vers 9h15 sans l'enfant. L'hôtelier raconte : "Sur le moment, j'ai trouvé ça suspect. Il n'y avait plus la poussette et l'enfant. Elle m'a dit qu'un parent devait venir chercher l'enfant dans la soirée. Cela m'a intrigué, mais comme on a tellement de passages dans l'hôtellerie, on ne va pas surveiller tout le monde."
Mercredi 20 novembre, 8h30, sur la plage de Berck-sur-mer
Un pêcheur découvre le corps d'un enfant de 12 mois. "Je pense qu''il n'était pas dans l'eau depuis très longtemps, témoigne-t-il sur TF1. Il y avait encore du sang frais sur son visage."
Mercredi 20 novembre, gare du Nord
La femme est repérée par les caméras de vidéosurveillance de la gare du Nord. Sans la poussette. Sans sa fille. Elle revient de la gare du Rang du Fliers. Les policiers perdent sa trace à cet endroit, sur le quai en direction du RER B. "Ce qui nous trouble, c'est qu'elle reparte sereinement", indique une source policière syndicale à Libération.
Ils pensent donc qu'elle séjourne peut-être actuellement en région parisienne. Et espèrent qu'un témoin ou parent pourra donner des indications pour l'interpeller. Selon la fiche interne de la police, elle est recherchée pour "homicide volontaire".
Jeudi 21 novembre
Grâce à l'autopsie et aux constatations sur place, les enquêteurs vont rapidement en savoir plus sur la fillette : "L'enfant avait la peau claire, les yeux bleus, des cheveux chatains ondulés. Elle portait une combinaison intégrale foncée de marque "Cyrillus"à capuche avec une bordure en fourrure, des moufles assorties ainsi que des chaussures de marque "Bout'chou" et une couche de marque "Baby Care".
Les policiers ont trouvé à proximité une poussette de marque "Trottine", à la toile grise, la même que celle des images de vidéosurveillance.
L'autopsie pratiquée sur le corps de la petite fille a permis d'établir qu'elle était morte d'un oedème pulmonaire, vraisemblablement consécutif à une noyade. Les analyses toxicologiques devront confirmer ces constatations et peut-être permettre de dater plus précisément le décès. L'hypothèse selon laquelle l'enfant aurait pu être noyé dans une baignoire n'est pas écartée.
Vendredi 22 novembre
Un appel à témoins est lancé pour aider à avancer dans l'enquête. La PJ de Lille, aidée de l'ensemble des polices judiciaires de France et particulièrement de l'Office central de répression des violences aux personnes, s'attelle à trier et exploiter les appels téléphoniques reçus.
Toute personne permettant d'identifier l'enfant et son accompagnatrice est prié de joindre la police judiciaire au numéro vert suivant: 0 800 35 83 35.
Mercredi 27 novembre
Une semaine après le début de l'affaire, l'enquête qui, selon le procureur, "est au point mort" , s'oriente vers la région parisienne. Un appel à témoins a été diffusé dans le métro parisien et le RER sous forme d'affichettes comportant trois photos de la mère, dont une nouvelle photo de face, visibles "sur les points de vente, à chaque station" à la demande de la préfecture de police de Paris.Elles signalent une "femme de type africain antillais, de taille 1 mètre 63, de corpulence mince, âgée de 30 ans maximum, cheveux noirs lisses, tirés en arrière et plaqués, pommettes légèrement saillantes, s'exprimant en français avec un léger accent indéterminé" et vêtue d'"un manteau noir descendant jusqu'au dessous des genoux et pantalon foncé, porteuse d'un sac a main".
Des enquêteurs étaient présents ce mercredi sur les quais de la gare du Nord, "pour voir des gens, poser des questions, montrer des photos" de cette jeune femme "susceptible de séjourner en Ile-de-France".
Jeudi 28 novembre
Une information judiciaire pour meurtre sur mineur de 15 ans est ouverte, permettant d'élargir le champ des recherches policières alors que sa mère reste inconnue et a fortiori introuvable. "La peine encourue est la perpétuité", déclare Jean-Pierre Valensi, le procureur de Boulogne-sur-Mer.La préméditation n'a pas été retenue. Selon une source proche du dossier, l'ouverture d'une information judiciaire permettra notamment d'essayer de géolocaliser un éventuel téléphone que la suspecte aurait pu avoir en sa possession, et de là remonter vers son utilisatrice.
Vendredi 29 novembre
La mère de la fillette retrouvée morte sur la plage de Berck-sur-Mer est arrêtée vendredi en début de soirée, à Saint-Mandé (Val-de-Marne), en banlieue parisienne. Agée de 36 ans, elle est hébergée par son compagnon, un homme de 63 ans. Dans un premier temps, elle explique aux enquêteurs être la mère d'une fille née en août 2012, mais assure que sa propre mère avait emmené la fillette au Sénégal.Ce vendredi soir, des policiers ont longuement inspecté son appartement de la rue Jeanne-d'Arc, à Saint-Mandé, à la recherche d'indices, en présence de la suspecte qui est ensuite sortie sous escorte et emmenée dans une voiture de police. A 18 heures, elle est placée en garde à vue. Des analyses ADN sont diligentées pour confirmer qu'il s'agit bien de la personne recherchée.
Des voisins interrogés décrivent une femme "discrète et avenante".
Samedi 30 novembre
La femme de 36 ans, française d'origine sénégalaise, est transférée en fin de matinée vers la Police judiciaire de Coquelles, chargée de l'enquête.Selon le commandant Patrick Dancre, directeur de l'enquête, l'arrestation de la mère de la fillette, est le fruit du travail minutieux des enquêteurs, mobilisés sur le littoral et en région parisienne. "Même si les appels à témoins ont permis de recueillir quelques éléments, ce sont d'autres éléments de l'enquête qui ont permis la localisation et l'arrestation de la mère. Des éléments que nous avions rassemblés avant l'ouverture de l'information judiciaire.", a-t-il affirmé.
Les enquêteurs l'ont-ils pistée grâce aux images de vidéosurveillance du RER B (entre les stations Gare du Nord et Châtelet) puis de la ligne 1 du métro parisien (entre les stations Châtelet et Saint-Mandé) ? Sont-ils parvenus à la géolocaliser par le biais de son téléphone portable ? Pour le moment, ils ne souhaitent pas entrer dans les détails de l'investigation. L'appel à témoins sous forme d'affichettes placardées dans le métro parisien, n'aurait pas été déterminant.
A 14h15, la femme est conduite au Tribunal de Boulogne-sur-Mer pour être présentée devant un juge d'instruction. Son avocate, Maître Fabienne Roy-Nansion, arrive un quart d'heure plus tard, pour l'assister.
Vers 15h, le Parquet du tribunal de Boulogne-sur-Mer publie un communiqué. Fabienne Kabou est passée aux aveux, et a produit aux enquêteurs le récit circonstancié de son acte. Elle s'est rendue à Berck-sur-Mer le 19 novembre dans le but de mettre fin aux jours de son enfant. sa fille s'appelait Adélaïde, elle était âgée de 15 mois.
Elle l’a déposée vivante sur la plage alors que la marée montait. Elle ne s’était jamais rendue dans cette ville, dont seul le nom a retenu son attention. Elle a ensuite regagné dès le 20 novembre 2013 son domicile, qu’elle n’a plus quitté selon ses dires. Elle n’a ni vu, ni entendu le moindre appel à témoins, toujours selon ce communiqué.
La jeune femme a déclaré se consacrer à des études de philosophie à l'université Paris 8 (elle a retranscrit notamment des textes de Gilles Deleuze). Elle est sans travail et sans ressources. Elle vit avec un compagnon âgé de soixante-trois ans, auquel elle a expliqué à son retour qu’elle avait remis l’enfant à sa propre mère afin qu’elle soit prise en charge au Sénégal, dans sa famille maternelle. Lui aussi affirme qu’il n’a eu aucun écho de la disparition de l’enfant.
A 17h30, Fabienne Kabou s'est vue signifier sa mise en examen, et son placement en détention provisoire.
Selon son avocate Me Fabienne Roy-Nansion, elle "réalise ce qu'elle a fait" et exprime des remords"devant le tribunal de Boulogne-sur-Mer.
"Elle ne cherche pas à se trouver des excuses. Au contraire, elle dit n'être pas défendable", a ajouté l'avocate.