La cour d'appel de Douai (Nord) se prononce mercredi sur la demande de quatre des quatorze personnes renvoyées en correctionnelle aux côtés de Dominique Strauss-Kahn dans l'affaire de proxénétisme dite du Carlton de Lille, qui souhaitent être jugées devant une cour d'assises.
La décision de la chambre de l'instruction de la cour d'appel doit être rendue dans la matinée.
Le parquet général avait requis le 16 octobre la confirmation du renvoi en correctionnelle pour "proxénétisme aggravé en réunion" des quatre appelants, Dominique Alderweireld, alias "Dodo la Saumure", un tenancier français de salons de massage en Belgique, sa compagne Béatrice Legrain, René Kojfer, l'ancien chargé des relations publiques du Carlton et David Roquet, ex-directeur d'une filiale du groupe de BTP Eiffage.
"Le parquet général, qui, comme le parquet de Lille, n'a pas interjeté appel dans cette affaire, a conclu en faveur de la confirmation de l'ordonnance entreprise", signée par les juges le 26 juillet après plus de deux ans d'instruction, avait-il indiqué dans un communiqué.
Les avocats de la défense avaient plaidé pour que la procédure du Carlton, ouverte et instruite sur une qualification criminelle de "proxénétisme aggravé en bande organisée", soit jugée devant les assises, dans "un souci de logique et de cohérence".
"C'est d'abord une question de principe", martèle Me Hubert Delarue, le conseil de René Kojfer. "Il y a une tendance aujourd'hui tout a fait critiquable qui consiste pour des raisons de commodités procédurales à criminaliser beaucoup de dossiers dont on sait au final qu'ils seront correctionnalisés", souligne l'avocat.
Une démarche rarissime
"La procédure était soi-disant criminelle, il faut assumer, il faut juger l'affaire devant une cour d'assises, avec un retentissement plus important sur le plan judiciaire et qu'on se laisse plus le temps d'examiner l'affaire que devant un tribunal correctionnel", soutient Me Sorin Margulis, qui défend "Dodo la Saumure".Cette affaire concerne "un débat de société. Il faut du temps, la cour d'assises permet d'en avoir davantage qu'une juridiction correctionnelle", explique également Me Delarue.
Demander à être renvoyé devant une cour d'assises, prévu par l'article 186-3 du code de procédure pénale, est rarissime, car la peine encourue y est plus lourde qu'en correctionnelle. Ainsi, l'infraction de "proxénétisme aggravé en bande organisée" est passible de vingt ans de prison et trois millions d'euros d'amende, tandis que le délit de "proxénétisme aggravé en réunion" est passible, lui, de dix ans de prison et 1,5 million d'euros d'amende.
La démarche a, de l'avis même des avocats de la défense, peu de chances d'aboutir, les autres mis en examen - dont l'ancien patron du FMI Dominique Strauss-Kahn - n'ayant pas souhaité se joindre à cet appel collectif.
Un cinquième, Emmanuel Riglaire, avocat du barreau lillois, avait interjeté appel avant de se désister à deux jours de l'audience. La chambre de l'instruction n'a d'autre part jusqu'à présent accédé à aucune demande présentée par la défense.
Elle avait notamment rejeté le 19 décembre 2012 la demande d'annulation de la mise en examen de DSK et les requêtes en nullité déposées par plusieurs avocats de mis en examen.
Si elle accédait à la demande des appelants, il y aurait "deux procès", estime Me Margulis, "l'ordonnance de renvoi étant définitive pour tous ceux qui n'ont pas fait appel, il y aura un procès correctionnel pour tous ceux qui n'ont pas fait appel".
"En tout état de cause, on serait les seuls à passer aux assises, ce qui serait incongru", a-t-il ajouté. En cas de rejet de leur requête par la chambre de l'instruction, les avocats de la défense auraient toujours la possibilité de former un pourvoi en cassation.