La mise en examen de Martine Aubry dans une des enquêtes sur le drame sanitaire de l'amiante a été annulée vendredi par la cour d'appel de Paris, a annoncé un des avocats de l'association des victimes (Andeva).
L'affaire de l'amiante a connu vendredi un nouveau rebondissement judiciaire avec l'annulation, par la cour d'appel de Paris, de plusieurs mises en examen, dont elle de Martine Aubry, dans une des principales enquêtes sur ce drame sanitaire. Mais l'Association des victimes (Andeva), qui milite depuis des années pour un "grand procès" examinant toutes les responsabilités de ce scandale, a d'emblée annoncé un pourvoi en cassation, au risque de prolonger ce feuilleton judiciaire.
L'instruction porte sur l'exposition à l'amiante - avant son interdiction en France en 1997 - des salariés de l'usine Ferodo-Valeo de Condé-sur-Noireau (Calvados), dont plus de 300 se sont vu reconnaître des maladies professionnelles. L'ancienne juge d'instruction Marie-Odile Bertella-Geffroy avait cependant élargi ses investigations à l'action des pouvoirs publics et à l'influence prêtée au Comité permanent amiante (CPA), lobby des industriels qui aurait efficacement défendu "l'usage contrôlé" de cette substance pour retarder au maximum son interdiction.
C'est dans ce cadre que la maire de Lille avait été mise en examen en novembre 2012 pour homicides et blessures involontaires pour son rôle entre 1984 et 1987 au ministère du Travail, dont elle était la directrice des relations du travail (DRT).
La chambre de l'instruction de la cour d'appel avait une première fois annulé en mai 2013 sa mise en examen, de même que celle de sept autres personnes, essentiellement des hauts fonctionnaires, des scientifiques et des industriels impliqués dans le CPA.
Saisie une première fois par l'Andeva, la Cour de cassation a cassé en décembre cet arrêt. Appelée à revoir sa copie, la cour d'appel a de nouveau prononcé vendredi l'annulation des huit mises en examen, ont indiqué aux journalistes plusieurs avocats.
Conséquence: le dossier est ramené à sa dimension locale, puisque parmi les huit personnes qui demeurent mises en examen, six sont d'anciens directeurs ou employés de l'usine de Condé-sur-Noireau.
'Tout le monde sera mort'
Interrogée vendredi, Mme Aubry a dit son "soulagement": "Je crois que tout le monde sait que je n'ai jamais fait autre chose que ce que je devais faire, en fonction des connaissances de l'époque". Elle a également fait part de sa "grande amertume" pour les victimes qui attendent "le procès des véritablesresponsables" de ce drame.
A Paris, son avocat Yves Baudelot a déploré le pourvoi annoncé par l'Andeva: "Si on multiplie les voies de recours à l'infini, le dossier ne sera jamais jugé, le procès ne pourra pas se dérouler car tout le monde sera mort."
L'Andeva n'a jamais caché son scepticisme sur le bien-fondé des poursuites visant Mme Aubry dans cette enquête ouverte en 1997, d'autant que
beaucoup de victimes voient dans la maire de Lille la ministre qui a oeuvré à la création du fonds d'indemnisation (Fiva) au tournant des années
2000.
Mais aussi longtemps que la cour d'appel rendra un arrêt commun aux différents mis en examen, le sort de la maire de Lille demeurera lié à celui des autres protagonistes du dossier. Car c'est contre cet arrêt que peut être formé le pourvoi de l'Andeva, qui refuse un procès des seules responsabilités
locales.
"Les véritables catastrophes de santé publique ne se limitent pas à des décisions de chefs d'entreprise", a estimé vendredi Michel Parigot, vice-président de l'Andeva. "Il y a eu une action de lobbying du CPA pour retarder au maximum l'interdiction de l'amiante et des décideurs publics qui n'ont pas fait leur travail", a-t-il ajouté. "Nous souhaitons qu'ils soient jugés".
En 2005, un rapport sénatorial avait accablé l'Etat pour sa "gestion défaillante" du dossier de l'amiante, un minéral jugé responsable par les autorités sanitaires de 10 à 20% des cancers du poumon et qui pourrait provoquer 100.000 décès d'ici à 2025.
On ignorait dans l'immédiat la motivation de la décision de la cour d'appel. En décembre, la Cour de cassation avait jugé que son premier arrêt d'annulation des mises en examen était empreint de contradictions.
La cour d'appel avait notamment soutenu que l'influence du CPA n'était pas démontrée. Or c'est notamment en raison d'un avis du CPA que la France s'est en 1986 et 1991 opposée à un projet d'interdiction globale de l'amiante.