Il y a deux semaines, le Musée d'Archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye lançait un appel aux dons pour acheter à un particulier un trésor gaulois découvert à Pas-en-Artois, en 2011. Mais certains soupçonnent cette personne d'avoir creusé le sol pour le dénicher. Une pratique interdite.
L'appel aux dons lancé fin septembre par le Musée d'Archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye a jeté le trouble à Pas-en-Artois comme au sein de la communauté scientifique. Beaucoup visiblement ignoraient qu'un trésor gaulois, composé d'une quarantaine d'objets en or et attribué à la tribu des Atrébates (IIe-Ier siècle avant JC), avait été découvert il y a trois ans par un particulier, dans une propriété privée située sur cette petite commune du sud du Pas-de-Calais.
La semaine dernière, La Voix du Nord révélait des photos embarrassantes, circulant sur internet. Elles ont été prises en 2011 lors de la découverte de ce trésor. Elles montrent que le sol a été creusé sur plusieurs dizaines de centimètres pour extraire les précieux objets, ce qui semblerait indiquer que cette découverte n'a pas été "fortuite" mais rendue possible grâce à l'usage de détecteurs de métaux. Ce qui est interdit en France, sauf autorisation des services de l'Etat. "Un chercheur de trésor ne peut en aucun cas découvrir un trésor, puisque par définition de la loi, depuis le Code Napoléon et même antérieurement, un trésor est un objet - ou un ensemble d'objets - découvert accidentellement", explique Etienne Louis, archéologue à la Communauté d'Agglomération du Douaisis. "Donc à partir du moment où on le cherche, ça n'est plus un trésor au sens de la loi. Que ce soit avec un détecteur de métal ou tout autre outil, une recherche archéologique est soumise à autorisation. Que ce soit chez soi ou à plus forte raison chez autrui".
Selon le comte et la comtesse de Pas, propriétaires du terrain, l'inventeur du trésor serait entré sans autorisation sur leur propriété avec un détecteur de métaux. "On suppose que la personne qui l'a trouvé cherchait plutôt des vestiges de la guerre de 14, certains cherchent des vieux obus, des casques, des choses comme ça.", estime Marie-Thérèse de Pas. "Je pense qu'il ne cherchait pas particulièrement un trésor." Ces propos ont fait bondir l'intéressé qui nous a contacté, sous couvert d'anonymat, via son compte Facebook. "Monsieur de Pas était au courant de la venue des archéologues du Nord et du Pas-de-Calais pour excaver ces objets", assure-t-il. "Encore une fois, j'ai bien trouvé une partie des objets en surface, le trou que l'on voit sur les photos et la vidéo a été effectué par la DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles NDR) de Lille, en ma présence et en présence du garde chasse du comte de Pas". "Ce n'est pas moi qui ai creusé ce trou, mais bien les archéologues du Nord, pour sauver ces objets d'un vol éventuel", avait-il déjà affirmé sur sa page Facebook. "Comme je l'ai déjà dit, j'avais trouvé en surface quelques jours plus tôt de la tôle d'or froissée. Sous ces morceaux de tôle, il y avait des joncs, des tampons de torques et les bijoux annulaires, le tout mélangé avec des silex et des racines. Lors de la découverte du torque de Mailly-le-Camp, René Jouffroy, grand archéologue, écrivait que ces dépôts avaient un point commun, c'est qu'ils se retrouvaient à la surface, au point que les scientifiques se posaient la question si les Gaulois ne les accrochaient pas aux arbres. Les pluies diluviennes de l'été 2010 a certainement joué un rôle important dans le ravinement de ce talus laissant apparaître ce trésor. Le Trésor des Atrébates est à Pas-en-Artois, ce que l'urne funéraire est a la dune du Pilat. Un jour ou l'autre, la nature rend visible ses trésors engloutis".
S'il est reconnu que la découverte du trésor gaulois de Pas-en-Artois est le fruit d'une fouille illégale, son inventeur ne touchera pas un centime (sa valeur a été estimée à environ 800 000 euros). Il pourrait même se voir infliger une peine de prison ainsi qu'une amende.