La "nouvelle" Redoute, entre modernisation accélérée et départs en nombre

Six mois après la signature d'un accord sur un lourd plan social signifiant le départ de près de 1.200 personnes, arraché au terme d'un long affrontement, la
"nouvelle" Redoute tente de retrouver son équilibre, entre modernisation accélérée et départs en nombre.

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Salariées de La Redoute de mère en fille : Véronique a 66 ans, retraitée depuis bientôt une décennie après 35 années de maison. Elisa, 36 ans, est passée du catalogue au web.

L'une a connu "l'heure de gloire, les salaires avantageux, les primes". L'autre "se serre les coudes", "motivée", avec les collègues qui ont décidé de rester.

Elles sont venues ensemble à un "showroom" de la nouvelle collection, un week-end pluvieux de septembre à Lille. Illustration du changement d'image que veut se donner La Redoute : les clientes, invitées sur les réseaux sociaux, scannent des produits qui se retrouvent directement sur leur "wishlist".

"C'est une grande entreprise de vente par correspondance qui essaie de changer son message mode pour attirer une clientèle plus jeune et plus branchée", analyse Elise, une Lilloise de 23 ans avec une formation de styliste, également venue au showroom.

Depuis qu'ils ont repris les rênes de l'entreprise, Nathalie Balla et Eric Courteille ont multiplié les annonces. Moins d'un mois après la signature de l'accord, ils dévoilaient le projet de "la Nouvelle Redoute", visant un redressement à l'horizon 2017.

A leur disposition : près d'un demi-milliard d'euros mis sur la table par Kering, le groupe de François-Henri Pinault qui cherchait à se défaire du vépéciste, soit 315 millions pour la transformation et 180 millions pour le volet social. Outre la réorganisation déjà effective de certains services et le lancement d'un nouveau site internet, La Redoute ne devrait véritablement montrer son nouveau visage qu'à l'automne 2016, au travers de son nouveau site industriel.

Un bond technologique pour la logistique

Le bâtiment de 42.000 m² situé à Wattrelos, à 300 mètres du siège, sera "le plus moderne et le plus innovant d'Europe". D'un processus de traitement en 14 étapes et s'étalant sur deux jours, la préparation des colis passera à deux heures avec une livraison le jour même pour les commandes passées avant midi sur internet. Les salariés, qui peuvent actuellement parcourir à pied de 7 à 10 kilomètres par jour, bénéficieront du "meilleur des avancées mécatroniques depuis cinq ans".

C'est un bond technologique pour des salariés dont l'une des principales récriminations à l'encontre de leur ancien patron, François-Henri Pinault, est d'avoir laissé tomber La Redoute pendant deux décennies sans investissement logistique ou informatique.

"C'est un pari sur l'avenir", constate Alain Dieudonné, délégué de la CFE-CGC, syndicat qui avait signé le protocole d'accord en mars et désormais majoritaire chez le vépéciste depuis des élections en juin. "Des projets il n'y en a eu qu'un de retenu, et il faut y croire. La seule possibilité pour La Redoute de survivre, c'est d'évoluer à marche forcée pour évoluer vers un statut de e-commerce pur et dur", ajoute-t-il.

D'autres se montrent plus sceptiques. Jean-Christophe Leroy, de la CGT (non-signataire), avoue avoir "du mal à y croire""On a l'impression d'un plan d'économies plutôt que d'un plan de relance", dit-il.

Quelque 550 personnes travailleront sur le nouveau site industriel, contre 1.200 salariés qui se consacrent actuellement à la logistique"C'est une politique de réduction des coûts par les réductions d'emplois. On voit beaucoup moins la logique commerciale. Le problème de La Redoute, avant tout, c'est de vendre", observe Jean-Christophe Leroy.

"Nous, on s'inquiète de la pérennité de l'entreprise au-delà de 2017. Le business plan 2014-2017 ne repose que sur des économies. On ne fait aucune amélioration : rien pour trouver de nouveaux clients, rien pour améliorer les conditions de vente", renchérit Jean Dejonckere, secrétaire FO du CHSCT pôle industriel.

Le plan social, qui prévoit la suppression de 1.178 postes, est planifié pour s'étaler sur quatre ans, jusqu'en 2017.

"Aujourd'hui, ils sont friands de laisser partir plus de monde : ça leur fait plus d'économies", commente Jean Dejonckere. Il n'y a pas de chiffres officiels, mais une chose est sûre : il n'y aura pas de départs contraints en 2014, selon les syndicats.

FO décrit le cas d'une jeune employée, qui a préparé un projet personnel, mais s'est vu refuser un départ de son service car les quotas étaient déjà remplis jusqu'en 2017.

Des salariés qualifiés qui partent

Pour FO et la CGT, la direction ne respecte pas les engagements pris lors de la signature de l'accord. "Ce qui était prévu, c'est que chaque départ volontaire puisse permettre à des salariés de secteurs concernés par les suppressions d'emplois d'être reclassés", souligne Jean-Christophe Leroy.

Les syndicats s'inquiètent en particulier du sort des salariés de La Martinoire, l'actuel bâtiment logistique. Au moment de faire le choix d'intégrer ou non le
nouveau site, qui sera pleinement opérationnel en septembre 2016, le quota de départs pourrait déjà avoir été atteint, prévient FO.

Ceux qui partent sont plutôt qualifiés, plutôt jeunes, avec une chance de retrouver un emploi. Gestionnaires, chefs de projets informatiques, marketing ou web, mais aussi des caristes dont le niveau de qualification exigé par La Redoute les rend recherchés. Le plan de redressement de l'entreprise exclut toute surenchère salariale pour les retenir.
 
Nora Miloudi, déléguée syndicale centrale FO, voudrait pouvoir rassurer ses collègues "jusqu'en 2017 et au-delà, mais pour ça il nous faudrait tous les éléments".

Alain Dieudonné s'inquiète d'un ralentissement général du e-commerce au niveau national et international qui pourrait compliquer la tâche du vépéciste.
Tous souhaitent que la nouvelle Redoute réussisse. Mais personne n'ose affirmer que La Redoute est sauvée.
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