En 2015, on commémorera deux des plus cuisantes défaites de l'histoire de France, Azincourt (1415) et Waterloo (1815), ainsi que des épisodes douloureux des deux guerres mondiales. Nos voisins anglais, quant à eux, réinhumeront un de leurs souverains, le controversé Richard III.
Azincourt, 25 octobre 1415
En 2014, on célébrait dans le Nord les 800 ans de la bataille de Bouvines, victoire glorieuse du roi Philippe-Auguste face à une coalition germano-anglo-flamande. En 2015, une autre grande bataille médiévale se rappellera à notre (mauvais) souvenir... celle d'Azincourt, dans le Pas-de-Calais, l'une des plus humiliantes défaites de notre histoire militaire : le 25 octobre 1415, en pleine Guerre de Cent Ans, la fine fleur de la chevalerie française avait été décimée en quelques heures par les archers anglais conduits par le redoutable roi Henry V qui revendiquait alors la couronne de France. On dénombra 6000 morts, dans les combats ou exécutés après la bataille. Les Français étaient pourtant en surnombre.Cet épisode mythique pour les Anglais, magnifié par William Shakespeare dans sa pièce de théâtre Henry V, sera commémoré aussi en France. A Azincourt, le Centre Historique Médiéval, installé à deux pas du champ de bataille, prévoit un programme très riche. Tout commencera en mars, avec une exposition sur Azincourt et ses environs pendant la Première Guerre Mondiale. Deux autres sont annoncées en avril et en mai : la première portera sur les costumes et l'habillement au Moyen-Âge, la seconde reconstituera la bataille d'Azincourt avec des figurines Playmobil sur plus de 80 m2 . Il y aura aussi en mai un grand concours de tir à l'arc avec les fameux "longbows" qui ont permis aux Anglais de remporter la victoire. Une reconstitution grandeur nature, en chair et en os, aura également lieu du 23 au 26 juillet, avec plus de 800 participants attendus de part et d'autre de la Manche. Après un concert de chants médiévaux prévu en septembre, des commémorations sont enfin prévues le jour des 600 ans, le 25 octobre. La Gendarmerie Nationale sera fortement associée à l'événement, puisque le premier gendarme mort au combat, le Prévôt des Maréchaux Gallois de Fougières, est tombé à Azincourt en 1415. Un monument sera érigé en son honneur. Des médailles militaires seront remises à cette occasion, avec défilé de troupes, de véhicules de combat et de la garde républicaine à cheval, et sauts en parachute du GIGN sur le champ de bataille.
Waterloo, 18 juin 1815
Outre Azincourt, il sera question cette année d'une autre grande défaite militaire française : la bataille de Waterloo, le 18 juin 1815, qui marqua la chute finale de Napoléon et du 1er Empire face à une alliance anglo-germano-néerlandaise. La "Morne Plaine", décrite par Victor Hugo, se situe sur les communes de Lasne, Braine-l'Alleud et de Genappe, en Belgique, à une centaine de kilomètres de Lille. Un monument - la Butte du Lion - y a été érigé en 1826 par le roi Guillaume Ier des Pays-Bas pour "éterniser la gloire nationale".
Pour son bicentenaire, une gigantesque reconstitution est prévue sur les lieux de la bataille du 17 au 21 juin. On annonce 5 000 figurants, 300 chevaux et 100 canons. Du jamais vu en Europe pour une commémoration historique ! Un régiment de cavalerie britannique, les Royal Scots Greys, est même attendu pour l'occasion. Le spectacle de reconstitution se divisera en deux tableaux : "L'Attaque Française" et "La Riposte Alliée". Un film en 4D, "Au Coeur de la Bataille", sera projeté sur un écran de 25m de long, dans le nouveau mémorial qui ouvrira ses portes en mai prochain, près de la Butte du Lion. A Boulogne-sur-Mer, où Napoléon avait rassemblé ses troupes de 1802 à 1805 en vue d'un débarquement en Angleterre, la défaite de Waterloo sera également commémorée. A partir du mois de mars, l'association la Grande Armée ouvrira une fois par mois la petite maison de la Poudrière, l'un des rares vestiges du "camp de Boulogne". Une exposition permanente sera proposée avec une grande maquette de la bataille de Waterloo.
Richard III, mort en 1485, réenterré en 2015
Chez nos voisins d'outre-Manche, l'un des événements de l'année sera les funérailles du roi Richard III en la cathédrale Saint-Martin de Leicester le 26 mars 2015. Ce souverain anglais, dernier représentant de la dynastie des Plantagenêt (d'origine française, angevine plus précisément), est pourtant mort il y a presque 530 ans, le 22 août 1485, lors de la bataille de Bosworth, qui permit à Henry Tudor, comte de Richmond de conquérir le trône sous le nom d'Henry VII. Enterré à la va-vite par des moines franciscains dans une abbaye aujourd'hui détruite, son squelette n'a été retrouvé qu'en août 2012, sous le bitume du parking d'un centre social de Leicester, par une équipe de l'université locale. Le lieu de la découverte, sa scoliose (certains le disaient bossu), ses blessures de combat et des analyses ADN pratiquées sur les descendants d'une de ses soeurs ont permis de l'identifier, réveillant au passage quelques doutes sur la lignée royale britannique.
La "Richard III Society", qui a financé les fouilles, s'était engagée, dès le départ, à lui donner une véritable sépulture, digne de son rang. Les villes de Leicester et de York - son ancien fief - se sont longtemps chamaillées pour l'accueillir, mais la Haute Cour de Londres a finalement tranché en faveur de la première. 13 500 personnes ont déjà réservé leurs places sur internet pour assister à ce "réenterrement", le 26 mars, qui sera diffusé en direct sur la chaîne privée Channel 4. Richard III reste pourtant un monarque extrêmement controversé, accusé d'avoir usurpé le trône à la mort de son frère, Edouard IV, en 1483 (l'un des rares témoignages directs de son coup d'état, rédigé par le moine italien Domenico Mancini, est conservé à la Bibliothèque Municipale de Lille). Il est surtout soupçonné d'avoir fait froidement assassiner à la Tour de Londres ses deux jeunes neveux, héritiers de la couronne, les princes Edouard, 12 ans, et Richard, 10 ans. Un siècle plus tard, le dramaturge William Shakespeare en fit l'archétype du tyran démoniaque, sa déchéance lors de la bataille de Bosworth lui inspirant cette célèbre tirade : "Mon royaume pour un cheval !".
1915, la Grande Guerre (suite)
Après les nombreuses commémorations, l'an dernier, du centenaire du déclenchement de la Première Guerre Mondiale, la "Grande Guerre" ne disparaît pas pour autant des agendas en 2015. Dans le Nord Pas-de-Calais, on se souviendra par exemple de l'héroïque et vaine percée de Vimy, le 9 mars 1915, par les soldats de la Division Marocaine qui furent contraints de se replier le soir-même faute d'un appui suffisant de l'artillerie. Aujourd'hui, un monument aux morts rend hommage à ces tirailleurs africains, à proximité du Mémorial dédié aux Canadiens qui réussirent à prendre définitivement la crête aux Allemands en 1917. En septembre et en octobre prochains, des soldats et des élèves britanniques viendront aussi commémorer la meurtrière Bataille de Loos qui se déroula du 25 au 28 septembre 1915. 50 000 hommes furent tués côté britannique, parmi lesquels John Kipling, fils de l'écrivain Rudyard Kipling, et Fergus Bowes-Lyon, le frère d'Elizabeth Bowes-Lyon (la "reine-mère" d'Elizabeth II). Les Allemands, eux, perdirent 25 000 soldats. Cette bataille fut également marquée par l'usage par les Britanniques de 140 tonnes de gaz moutarde.L'année 1915 a été marquée aussi par l'exécution, dans une ville de Lille occupée par les Allemands, des membres du "Comité Jacquet" : Georges Maertens, Ernest Deceuninck, Sylvère Verhulst et Eugène Jacquet Quatre hommes représentés aujourd'hui sur un imposant monument qui trône près de l'esplanade du champ de Mars, à la sortie du boulevard de la Liberté. Ils furent fusillés le 22 septembre 1915 dans les fossés de la Citadelle. En mars 1915, ils avaient porté secours à un aviateur britannique et l'avaient aidé à regagner son pays. Le pilote était ensuite revenu survoler Lille pour lancer des tracts narguant le gouverneur allemand von Heinrich. Un jeune étudiant belge de 18 ans, Léon Trulin, fut également exécuté à Lille, le 8 novembre 1915. Il avait servi d'agent de liaison et de renseignement derrière les lignes allemandes. "Je meurs pour la patrie et sans regret", avait-il écrit après sa condamnation à mort. "Simplement je suis fort triste pour ma chère mère et mes frères et sœurs qui subissent le sort sans en être coupables". Il figure lui aussi sur le monument des Fusillés lillois, couché face contre terre. Un hommage lui sera rendu cette année.
1940, Dunkerque évacuée, 1945, Dunkerque libérée
Cette année, Dunkerque célébrera un double anniversaire : les 75 ans de l'Opération Dynamo (et de la Bataille de Dunkerque) de mai-juin 1940 et les 70 ans de la libération (tardive) de la ville, tenue par les Allemands jusqu'au 9 mai 1945, au lendemain de la reddition du IIIe Reich nazi. Du 21 au 25 mai 2015, une soixantaine de "Little Ships" sont attendus dans la Cité de Jean Bart pour commémorer le premier événement. Ces bateaux ont participé à l'une des plus importantes opérations navales de l'histoire qui a permis d'évacuer vers l'Angleterre près de 340 000 soldats britanniques et français, encerclés par les troupes allemandes, entre le 26 mai et le 14 juin 1940.Au total, 1400 navires ont participé à l'Opération Dynamo. L'embarquement des troupes se fit depuis le port de Dunkerque et les plages, sous les bombardements incessants de l'aviation allemande et les sirènes assourdissantes des Stukas qui attaquaient en piqué. Le 27 mai, à peine 8 000 hommes avaient pu embarquer pour rejoindre l'Angleterre. Le 31 mai, ils furent 68 000. L’embarquement était parfois tendu et désordonné, les Britanniques privilégiant d'abord leurs propres troupes. Au total, 11 000 soldats alliés ont été tués pendant la bataille et l'évacuation de Dunkerque. Certains sont morts noyés. Aujourd'hui, encore, les archives en noir et blanc de l'évacuation ont, pour beaucoup de Français, un goût de débâcle. Mais ce n'est pas l'avis de Lucien Dayan, le président de l'association qui gère et entretient le Mémorial du Souvenir, installé dans les casemates du Bastion 32, l'ancien quartier général dunkerquois des Forces franco-alliées. "J'affirme sans complexe que les Allemands ont perdu la guerre à Dunkerque, car l'Angleterre restait une base suffisamment proche pour pouvoir revenir 4 ans plus tard, lors du débarquement allié de juin 1944", estime-t-il.