Remis de son coup de fatigue de la veille, René Kojfer, personnage central de l'affaire de proxénétisme dite du Carlton, a de nouveau été sommé mercredi matin de s'expliquer sur les jeunes filles qu'il "présentait" à des amis.
Vous pouvez suivre le procès Carlton-DSK en direct minute par minute sur notre site ici."Quand je l'ai vue j'ai eu un coup au coeur", raconte René Kojfer, à propos d'une jeune fille de 18 ans rencontrée dans la rue. "Je l'ai draguée, elle était très
jolie. Je suis tombé amoureux", ajoute-t-il au 3e jour de ce procès impliquant quatorze prévenus, dont l'ancien directeur du FMI, Dominique Strauss-Kahn.
"Vous tombez souvent amoureux", note le président du tribunal Bernard Lemaire, et René Kojfer acquiesce. "Bah, c'est pas interdit", soupire M. Lemaire.
L'intensité des débats mardi avait infligé un gros coup de fatigue à l'ancien chargé de relations publiques à l'hôtel Carlton, âgé de 74 ans, ce qui avait poussé le président du tribunal à lever l'audience plus d'une heure avant l'horaire prévu. Il est de retour, peut-être un peu moins patient que la veille. L'un des avocats de la partie civile, qui représente une association luttant contre le proxénétisme, l'agace particulièrement. C'est une longue liste que les "dossiers" de René Kojfer, ces jeunes filles qu'il "présentait" à ses amis.
"Ils voulaient avoir une prestation sexuelle tarifée ?"
Le président rejoue des conversations entre lui et ses contacts, largement retranscrites dans le dossier de l'accusation. Des écoutes où il semble apparaître comme un proxénète au sens juridique, mettant en relation des femmes avec ses connaissances. Là encore, René Kojfer joue de sa litote préférée: "Toutes ces personnes sont tombées amoureux... enfin amoureux façon de parler". "Ils voulaient avoir une prestation sexuelle tarifée?", s'enquiert le président."Certainement", répond René Kojfer.
Tout cela, "par amitié". Ses amis policiers l'avaient pourtant prévenu que ces pratiques le mèneraient en prison. "Je l'ai pris sur le ton de la plaisanterie",
dit René Kojfer, premier degré tout au long de son audition.
"Elle était déjà dans le système"
Entendu par les policiers, il avait eu ces mots: "Elle voulait de l'argent. Donc moi j'ai joué les intermédiaires entre elle et eux. C'est vrai qu'au terme de laloi, je suis proxénète". A la barre, il balaie ces déclarations. "En garde à vue je me suis rendu compte que j'avais signé n'importe quoi", regrette-t-il.
Il drague, René. Il tombe amoureux. Les magistrats sont plus prosaïques. Le procureur de la République Frédéric Fèvre va droit au but: "Est-ce que vous
êtes en repérage pour trouver des jeunes filles et en faire des prostituées ?", demande-t-il. René Kojfer ne comprend pas, il reformule sa question. "Non, non, non", nie le prévenu.
Son avocat, Me Hubert Delarue, s'emporte un peu, accuse le procureur de venir jouer sur le terrain de la morale. "Vous draguez, à votre âge vous n'avez plus le droit de faire ça", lance-t-il à son client. Selon l'avocat des parties civiles, la jeune fille de 18 ans s'est retrouvée dans la prostitution à cause de René Kojfer. "Elle était déjà dans le système !", rétorque-t-il.
Plus tard dans la journée, doivent être entendus, pour la première fois, des policiers, dont Joël Specque, ancien commissaire de la PJ de Lille, qui s'est retrouvé en début de semaine au coeur d'une requête en nullité soutenue par plusieurs avocats de la défense.
Ces derniers s'appuient en effet sur son livre de souvenirs, dans lequel un chapitre est consacré à l'affaire dite du Carlton. L'ancien commissaire y raconte avoir reçu des informations sur certains protagonistes bien avant le début de l'enquête préliminaire en février 2011.