Après avoir frôlé la mort sur de frêles embarcations pour traverser la Méditerranée, les migrants aspirant à rejoindre le Royaume-Uni risquent une nouvelle fois leur vie cachés dans - et parfois sous - l'un des nombreux camions faisant la liaison Calais-Douvre.
En septembre, Meron, un adolescent érythréen, a attendu 15 jours dans le port français de Calais avant de faire cette périlleuse traversée. Lui et ses deux amis ont essayé jusqu'à dix fois par jour de monter sur un camion.
Lorsqu'une opportunité s'est finalement présentée, il n'y avait de la place que pour une seule personne. Ses deux amis l'ont poussé, lui le plus jeune avec ses 15 printemps, à se faufiler dans le véhicule.
Meron a dû rester immobile pendant de longues heures, coincé dans un espace exigu entre les marchandises et le plafond du camion, retenant son souffle lorsque des policiers ont inspecté le véhicule.
"J'ai cru que mon coeur allait se briser", raconte-t-il dans un café du sud de Londres, près de là où il vit dans une famille d'accueil, après s'être vu
accorder le droit d'asile.
Lorsque le camion s'est arrêté, il était à Londres. "J'ai cru renaître", se rappelle avec émotion celui qui a fui l'Érythrée devant la perspective d'un service militaire obligatoire pouvant être prolongé indéfiniment.
"Personne n'est heureux de quitter son pays"
"Si j'avais su que le trajet était si dur, je ne l'aurais pas fait", assure Meron. Lui et ses amis ont payé des passeurs pour traverser le Sahara et rejoindre laLibye, où ils ont embarqué sur un bateau plein à craquer vers l'Italie, qui a failli couler.
Meron dit avoir menti à sa mère, restée en Erythrée, sur la difficulté du voyage. "Elle en pleurerait", estime le jeune homme, qui ressemble à n'importe quel adolescent avec son jean, son tee-shirt noir et ses baskets vissées aux pieds. Mohammed, un professeur d'anglais de 33 ans originaire du nord de la Syrie, n'avait lui non plus aucune idée de ce qui l'attendait lorsqu'il a quitté son pays en juin dernier.
Après avoir traversé la Méditerranée dans un bateau surchargé, il a pris le train pour Calais où il a passé quatre mois à dormir dans la rue, essayant chaque jour de monter dans un camion. Il y a finalement réussi en se cramponnant à l'essieu des roues d'un poids lourd.
"C'était très dangereux mais c'était la seule option", raconte-t-il par téléphone depuis le centre de l'Angleterre où il vit désormais. Si sa demande d'asile
au Royaume-Uni est acceptée, il pourra de nouveau exercer son métier et fera venir sa femme, restée en Syrie.
"Personne n'est heureux de quitter sa patrie, son pays. Mais parfois, vous êtes obligé de partir", regrette-t-il.
Mort écrasé
De mars 2014 à janvier 2015, plus de 30.000 tentatives de traversées ont été enregistrées par les autorités, soit deux fois plus que l'année précédente. Une vingtaine de migrants l'ont payé de leur vie, assure l'association de défense des migrants Calais Migrant Solidarity (CMS), qui rapporte qu'en décembre un Soudanais est mort écrasé sous les roues du camion auquel il s'était accroché, sur la M25, l'autoroute encerclant Londres.Les camionneurs, qui peuvent se voir infliger une lourde amende si des passagers clandestins sont retrouvés dans leur véhicule, se plaignent de confrontations parfois violentes avec les migrants.
Ils ont "l'impression d'être des boucs émissaires dans ces situations désespérées", explique Natalie Chapman, de l'Association de transports de fret (FTA). On ne connaît pas le nombre de migrants ayant réussi à entrer illégalement au Royaume-Uni. Mais en 2013, le pays en a renvoyé 953 vers les pays de l'Union européenne (UE) où ils avaient fait leur première demande d'asile.
Cinquième pays de l'UE en nombre de requêtes d'asile, le Royaume-Uni s'est vigoureusement opposé au plan d'action présenté la semaine dernière par la Commission européenne. Londres conteste notamment l'instauration de quotas dont l'objectif serait de répartir plus équitablement les réfugiés entre les États membres.