Le député européen Jérôme Lavrilleux, qui a perdu son immunité, est entendu par les juges d'instruction de l'Affaire Bygmalion depuis 9h30, ce lundi 15 juin. Il pourrait être mis en examen.
Jérôme Lavrilleux, personnage central de l'affaire Bygmalion et cheville ouvrière des meetings de Nicolas Sarkozy en 2012, était entendu lundi 15 juin par les juges d'instruction dans l'enquête sur des fausses factures durant la campagne présidentielle.
Celui qui a contribué à révéler le scandale, il y a un an, lors d'une mémorable confession télévisée, risque à son tour une mise en examen, comme dix autres dirigeants de la campagne, ex-cadres de l'UMP ou de Bygmalion, la société prestataire des meetings via sa filiale Event and Cie. Il peut aussi ressortir comme témoin assisté, selon une source proche du dossier.
Jérôme Lavrilleux est arrivé au pôle financier de Paris peu avant 9h30. Il n'a pas fait de déclaration.
Un an après ses révélations
Aujourd'hui député européen, dont l'immunité a été levée, l'ancien bras droit de Jean-François Copé était directeur adjoint de la campagne de Nicolas Sarkozy. Le 26 mai 2014, il était sorti de l'ombre pour révéler, à la suite de l'avocat de Bygmalion, le recours à un système de fausses factures. Mis en place dans un but : imputer des dépenses à l'UMP pour les sortir du budget officiel de la campagne, afin qu'il reste dans les limites autorisées (22,5 millions d'euros) et ne soit pas rejeté, ce qui a quand même été le cas.
Sur le plateau de BFMTV, la gorge nouée, il avait concédé "un dérapage sur le nombre" de meetings, parlant d'"un train qui filait à toute vitesse". Une confession en forme de contre-attaque, car à l'époque les regards se tournaient vers le patron de l'UMP Jean-François Copé, accusé d'avoir favorisé Bygmalion, la société de communication fondée par ses proches.
Un an plus tard, les enquêteurs ont la conviction que les fausses factures, imputées à l'UMP au titre d'événements fictifs alors qu'elles correspondaient à des meetings de la campagne, s'élèvent à la somme colossale de 18,5 millions d'euros.
Quel était le rôle de Jérôme Lavrilleux ?
S'il est le seul côté UMP à avoir reconnu une fraude, la version de Jérôme Lavrilleux ne cadre pas avec les autres. En garde à vue en juin 2014, il a réfuté le rôle de donneur d'ordre. Les fausses factures ? Il en avait été simplement informé après une réunion à l'UMP, postérieure à la défaite de Nicolas Sarkozy. Les finances de la campagne ? Ce n'était pas son rôle.
Des dirigeants de Bygmalion situent eux la prise de décision fin mars-début avril, soit plusieurs semaines avant le premier tour, et prêtent à Jérôme Lavrilleux l'un des premiers rôles. Devant les juges, Franck Attal, le patron de la filiale Event and Cie, a affirmé que c'est Jérôme Lavrilleux qui lui avait demandé, au nom du parti, de recourir aux fausses factures. De son côté, l'ex directrice des ressources de l'UMP, Fabienne Liadze, a assuré avoir validé de bonne foi ces mêmes factures, après un feu vert de Jérôme Lavrilleux, en forme de "OK (...) de manière laconique dans le couloir", selon une source proche du dossier.
Et Nicolas Sarkozy ?
Si les récits ne concordent pas, des éléments de l'enquête montrent que le risque de franchir la ligne rouge était dans les esprits. Deux notes des experts-comptables, en date des 7 mars et 26 avril, tiraient la sonnette d'alarme. La première faisait état d'un montant de dépenses "budgétées" de 23,1 millions d'euros, en se basant sur une prévision de 15 meetings seulement, loin de la quarantaine de réunions organisées.
A ce stade, Nicolas Sarkozy n'a pas été entendu. Si personne ne le met en cause, son directeur de campagne Guillaume Lambert, mis en examen, a affirmé qu'il l'avait "informé" des "contraintes budgétaires" posées par la première note de l'expert-comptable peu après la mi-mars. Ce à quoi le président-candidat aurait répondu de n'ajouter que "de petites réunions publiques".
L'enquête est ouverte pour faux, abus de confiance, escroquerie et financement illégal de campagne électoral.