Un estaminet d’un autre genre s’est implanté à Marle, dans l'Aisne, depuis janvier. Restaurant, espace de jeu, salle de sport… Fruit de l’imagination d’un couple de retraités, "L’affaire Lucie K" a pour ambition de recréer du lien dans une zone rurale.
Sa devanture bleue n’est pas passée inaperçue dans ce petit village de 2 200 âmes. À Marle, dans l’Aisne, un estaminet flambant neuf a fait son apparition depuis janvier. Ici, les gérants Benoît et Isabelle Schmerber servent à boire et à manger, 7 jours sur 7. Mais ce nouveau lieu se veut aussi "solidaire et citoyen", selon la volonté de ses créateurs. Alors, certains, déjà habitués, viennent pour discuter, jouer au billard ou encore profiter de la salle de sport à l’étage.
Recréer du lien social
C’est en 2020, en pleine pandémie, que germe l’idée de l’estaminet chez ce couple de retraités. "On a vu les dégâts sociaux que créaient les confinements, et on s’est demandé : qu'est-ce qu’on peut faire ici, dans notre commune rurale, dans un territoire en perte de vitesse, pour contrer ça ?", se remémore Benoît Schmerber. Après une carrière entre le monde de l’entreprise et l’accompagnement social, le projet d’un estaminet, abordable et ouvert à tous, s’impose rapidement.
En 2021, le couple acquiert, sur ses économies personnelles, un ancien magasin délabré du centre-ville et le rénove entièrement. Un an et demi plus tard, les pierres ont retrouvé de leur superbe, sans oublier le passé : en lettres noires sur la façade, "L’affaire Lucie K" rend hommage à la figure marloise qui a tenu l’enseigne pendant presque 60 ans.
"On a des personnes en situation de précarité, de perte de repères sociaux qui viennent et au bout d’un moment commencent à parler, cherchent le contact."
Benoît Schmerber
Désormais, les trois étages de l’estaminet proposent différents espaces de détente et de partage, tous accessibles aux personnes en situation de handicap grâce à un ascenseur. Une volonté du gérant, qui se réjouit du succès de son projet : "Ça permet de redonner un souffle au village, il y a aussi du passage avec la nationale donc la clientèle est extrêmement variée. On a des gens qui viennent de très loin".
Parmi les aficionados, on compte "des agriculteurs, des touristes, des sportifs, des personnes en situation de précarité, de perte de repères sociaux qui viennent et au bout d’un moment commencent à parler, cherchent le contact, détaille Benoît Schmerber. Chacun a ses raisons de venir". Une attractivité renforcée par les tarifs appliqués : comptez dix euros pour une tarte flambée à partager, 7 euros pour une petite planche de charcuterie. D’ici peu, l’estaminet proposera également des "cafés suspendus", ces cafés prépayés ensuite offerts aux plus nécessiteux.
Faire vivre l'économie locale
Une impulsion sociale qui se retrouve aussi en coulisses. Pour contribuer à l’économie locale et faire tourner la boutique, le couple a embauché huit Marlois et Marloises, tous en CDI. Les jardiniers et agriculteurs locaux, eux, sont mis à contribution pour remplir les assiettes.
Avec leur restaurant, Isabelle et Benoît Schmerber rêvent d’intégrer la Bible des Estaminets. En attendant, leur tête fourmille de projets. Pourquoi ne pas accueillir des associations, des clubs, des évènements d’entreprises ? Autant d’idées qui confortent Benoît Schmerber dans son choix : "Je n’arrivais pas à me résoudre à la vie de vieux !", sourit-il.