La première mozzarella di Bufala à base de lait de bufflonne produite dans l'Aisne : "il fallait créer un troupeau et nous l'avons fait"

Une mozzarella à base de véritable lait de bufflonne produite en Thiérache, c'est le pari d'un important restaurateur lillois. Il a décidé d'installer un troupeau dans une ferme d'Any-Martin-Rieux, dans l'Aisne, et de créer une filière de production associant éleveur et laiterie. Sept génisses sont arrivées jeudi 29 juin 2023.

"L’idée, c'était de faire installer un troupeau de bufflonnes dans les Hauts-de-France parce que ça n’existe pas et que nous sommes producteurs de notre mozzarella", lance Gilberto D'Annunzio, propriétaire d'une épicerie et de restaurants à Lille. 

Le but : offrir la possibilité d'acheter une mozzarella de bufflonnes locale. Pour ce faire, "il fallait créer un troupeau et nous l'avons fait aujourd'hui". Depuis le jeudi 29 juin, les sept premières "génisses de bufflonnes pleines" sont arrivées depuis la Belgique jusqu'à Any-Martin-Rieux et "devraient, d'ici 6 à 8 semaines, augmenter le troupeau". 

Jusqu'à maintenant, la mozzarella y était uniquement produite au lait de vache. 

Un lait aux propriétés différentes de celles de la vache

Mais qu'est-ce qui fait la spécialité de ces bufflonnes et de leur mozzarella ? "Ce sont des buffles d'Asie du Sud-Est, donc des buffles d'eau, mais qui ont été depuis longtemps traits pour faire des fromages au lait de bufflonne", explique Jean Terrel, responsable de la laiterie JeanJean.

"On ne fait pas vraiment la même chose avec des vaches, mais globalement c'est un bovidé, donc ce que quand même des bovins", poursuit-il. Les bufflonnes ont une gestation plus longue que les vaches laitières, soit 10 mois et demi contre 9 mois.

Quant à la lactation, "elles vont faire du lait moins longtemps qu'une vache laitière. C'est peut-être dû à leur rusticité, au fait que ce sont des animaux rustiques". Il ajoute qu'une vache laitière "ici, va faire 6000 litres de lait par an, alors qu'une bufflonne va faire à peine 2000 litres de lait par an". 

Les bufflonnes produisent "un lait particulier qui a d'autres propriétés que le lait de vache. Il est plus gras, plus riche en minéraux, plus riche en protéines. On peut dire que c'est un lait un peu concentré".

La mozzarella tirée du lait de bufflonne "a un côté beaucoup plus tendre, beaucoup plus crémeux" et possède "un goût différent de la mozzarella au lait de vache", ajoute Gilberto D'Annunzio. "Une mozzarella de vaches est plus appropriée pour la faire cuire si on veut la faire fondre dans un plat" alors que la mozzarella di Buffala "en période estivale" prend "toute sa raison d'être" avec "un filet d'huile d'olive, une tomate". 

Pour l’éleveur, ça va être un petit peu différent. C’est surtout les passages à la traite qui sont des opérations où l’animal est un peu contraint. On les oblige un peu à rentrer dans une contention, à donner leur lait. Mais sinon globalement ça va se passer comme les vaches laitières.

Jean Terrel, responsable de laiterie

"Un projet à long terme"

Gilberto D'Annunzio précise qu'il s'agit d'un "projet à long terme" et que les bufflonnes "sont là pour des années maintenant. Je pense qu'elles seront même là après nous, ça va grandir. Le but, c'est d'en avoir 30. On a 40 hectares dans une réserve sauvegardée". 

"Ici, elles vont être heureuses, elles ont des prairies naturelles. Elles vont être nourries en foin l'hiver et vont pâturer l'été. Elles n'auront pas de maïs ou soja, elles vont vivre une vie heureuse d'herbivores", se réjouit Jean Terrel. 

De plus, la production locale devient un véritable enjeu de société et de consommation. "Les clients sont sensibles à ce qu'on fait depuis 26 ans, ils nous sont fidèles, ils nous suivent et ils vont adorer cette idée. Ils savent ce qu'ils mangent et savent d'où ça vient, ils savent qu'on ne triche pas", insiste Gilberto D'Annunzio.

"On est dans l'artisanat, on est entouré d'artisans. L'artisanat, ça demande du temps, ça demande beaucoup de patience. On était à la recherche d'un taureau qu'on a trouvé hier parce qu'évidemment, on ne fera pas d'insémination", soutient-il.  

Toute cette démarche-là est naturelle et elle nous correspond.

Gilberto D'Annunzio, propriétaire d'une épicerie et de restaurants

"L'idée n'était pas simple"

Produire de la mozzarella di Bufala locale n'était pas "une idée simple, elle était même très compliquée" et s'est faite grâce à une succession de rencontres. "Je suis arrivé dans l'Avesnois grâce à Grégory Delassus avec qui je travaille déjà depuis des années à Lille puisqu'il est mon fournisseur de viande," en plus d'être aussi éleveur en agriculture biologique "de vaches à viande, de moutons et de cochons", raconte Gilberto D'Annunzio. 

Grégory Delassus, éleveur associé au projet, a été sa "porte d'entrée dans l'Avesnois" et c'est lui qui lui a "permis de rencontrer Jean et Ludovic Lambert", qui travaille à la Ferme de la Fontaine à Any-Martin-Rieux. "J'avais fait le tour d'autres producteurs de lait qui avaient trouvé l'idée sympathique, qui étaient prêts à me suivre puis, après réflexion, m'ont dit que c'était trop compliqué".

À en croire Gilberto D'Annunzio, Ludovic Lambert "a tout de suite cru au projet : ça l'a un peu émoustillé et lui a dit : banco, on y va". C'est donc Ludovic qui "va gérer" la traite du lait "et on devient son client exclusif". "Une fois que vous avez rencontré les bonnes personnes, tapé aux bonnes portes et que vous avez un discours cohérent, ils adhèrent".

Finalement, "c’est de la collaboration. On propose un modèle positif de protection de l’environnement et de circuit court. On n'est pas des tristes, ce n’est pas de l’écolo triste, c’est de l’écolo gaie", conclut Grégory Delassus.

Les premiers essais de production devraient intervenir l’an prochain. Mais il faudra sans doute patienter quelques années avant de pouvoir déguster la première mozzarella di Buffala des Hauts-de-France.

Avec Rémi Vivenot / FTV

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