Confinement oblige, le 103 ème anniversaire du début de l'offensive française de 1917 au Chemin des Dames dans l'Aisne ne sera pas commémoré. Aucune cérémonie officielle et aucun événement n'ont pu être organisés.
Le Chemin des Dames ne connaîtra pas ce 16 avril son affluence traditionnelle. Exceptionnellement, rien ne se passera sur l'ancien champ de bataille cette année pour commémorer le début de de l’offensive désastreuse lancée par l’armée française en 1917 et rendre hommage aux milliers de combattants engagés dans cette bataille.
Après un centenaire célébré en grande pompe le 16 avril 2017 en présence du président de la République d'alors, François Hollande, l'édition 2020 est donc réduite à néant par l’épidémie de Covid-19.
"Il n'y aura pas de cérémonie d’hommage et aucun déplacement du corps préfectoral. Toutes les cérémonies nationales sont annulées sauf à Paris jusqu’au 11 mai », précise la Préfecture de l’Aisne.
Le conseil départemental de l’Aisne, principal artisan de ces commémorations annuelles n'a rien pu organiser sur le site. « Le programme est entièrement annulé et reporté à l’année prochaine », explique Franck Viltard, responsable du pôle "Chemin des Dames" au conseil départemental. Initialement un important programme mémoriel était prévu pour cette journée, mais il n’a pu être maintenu. Seul un spectacle prévu à la Caverne du Dragon, le centre d'accueil du visiteur du champ de bataille, est reporté au 11 novembre prochain.
Compensation
Pour autant, le Conseil départemental propose une forme de compensation virtuelle en mettant à disposition une rétrospective sur internet des 13 dernières années d'hommages qu'il a organisés depuis la première édition en 2007. Elle sera diffusée ce 16 avril à partir de 6h, heure de l'assaut de 1917, sur ses réseaux sociaux et sur le site www.chemindesdames.fr. Les internautes sont invités à y déposer leurs souvenirs, photos, films et hommages. « Nous voulions quand même marquer le coup de manière numérique et rappeler ce qu’a été le Chemin des dames et aussi ce qui a été fait par le Département depuis 13 ans », explique Franck Viltard, lequel manifeste aussi son inquiétude quant à la reprise du tourisme mémoriel après le confinement.
Regrets
Même son de cloche au niveau du comité du Mémorial de Cerny-en-laonnois, le point central du champ de bataille. "On s’est rendu compte que rien n’était possible. Nous en avons parlé avec les membres du comité, mais nous ne pouvons rien faire, nous sommes tenus au confinement, on ne peut pas bouger. C’est un peu malheureux», déplore le Lieutenant Colonel (E.R.) Henri Caron, vice-président du Comité. La présidente Jacqueline de la Maisonneuve complète : «Dans notre coeur, la mémoire est toujours présente, mais nous ne pouvons rien réaliser. Nous devions organiser notre cérémonie le 18. Tout est tombé à l’eau. Nous ne sommes pas équipés pour faire face. Cependant, il faut savoir relativiser. »Comme à l'accoutumée, un certain nombre de visiteurs étaient attendus pour ce 16 avril sur les différents sites du champ de bataille. Là encore, tout est annulé. C'est le cas pour une professeur de français de Philadelphie qui avait préparé un séjour d'études sur place ou encore pour un groupe des Landes, qui devait se rendre sur les traces d'un soldat condamné à mort pour mutinerie dans le secteur et finalement évadé.
Cette annulation exceptionnelle attriste particulièrement Noël Genteur, l’ancien maire de Craonne, un des « gardiens » de la mémoire du Chemin des Dames. Il regrette que rien d’officiel ne soit maintenu, même un geste d'hommage très intime. Très imprégné de la mémoire des combats, l'homme se recueillera néanmoins seul ce 16 avril au matin sur un des hauts lieux des combats à deux pas de chez lui. « Je vais monter sur le Plateau de Californie. On ne peut pas oublier des choses comme ça. C’est tellement présent pour moi, ce n’est pas de l’histoire ancienne. Ce sera un moment pour faire le bilan, pour me poser des questions, même si je n’aurai pas les réponses. Pour moi ce rendez-vous est fraternel ». Noël Genteur souhaite relativiser les difficultés actuelles liées à la pandémie Covid-19 par rapport au carnage que fut la Première guerre mondiale, même s'il admet que "cette fois le choc est arrivé plus vite que lors des deux guerres mondiales ».
D'autres commémorations annulées
Au delà des commémorations du Chemin des Dames, d'autres hommages sont d'ores et déjà annulés.Ainsi, le 17 mai prochain, le président de la République devait se rendre à Montcornet dans l'Aisne pour commémorer le 80ème anniversaire des combats menés à partir du 10 mai 1940 par le colonel de Gaulle (il sera promu général le 25 mai 1940) lors de la bataille de France. Ce déplacement est annulé . Emmanuel Macron devait notamment inaugurer une oeuvre rendant hommage aux combattants de l'époque, mais le conseil départemental de l'Aisne explique que celle-ci ne pourra pas être livrée à temps, les fonderies étant à l'arrêt.
De nombreux autres événements devaient également rappeler les combats de 1940 dans l'Aisne, ils ne pourront pas se tenir. "Nous sommes très déçus aussi pour les combattants français de 40 qui devaient être honorés et qui vont être oubliés par l'Histoire pour la deuxième fois" regrette le Lieutenant-Colonel (E.R.) Henri Caron.