Fables de La Fontaine : une œuvre s’envole aux enchères, "hors de portée" pour le Musée de Château-Thierry

Le Musée Jean de La Fontaine, dans l’Aisne, n’a pas pu se positionner sur un album "exceptionnel" d’illustrations signées Jean-Baptiste Oudry, ancien directeur de la Manufacture de Beauvais, vendu aux enchères mercredi 25 janvier à New-York pour 2,7 millions de dollars.

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Quand on veut, on ne peut pas forcément. Nicolas Rousseau, directeur des musées de Château-Thierry dans l’Aisne, "avait bien été averti de cette vente au caractère exceptionnel" : mercredi 25 janvier, la maison Christie’s de New-York mettait aux enchères ce qu’elle présente comme le "seul volume intact d’illustrations d’Oudry pour La Fontaine". Mais la ville du poète, sa maison natale devenue musée, n’en verront pas la couleur.

Le Corbeau et le Renard. La Cigale et la Fourmi. Le livre convoité contient pas moins de 138 illustrations, pour autant de Fables de La Fontaine. Des dessins du 18e siècle, au pinceau et à l’encre noire, extrêmement détaillés, encadrés de bleu, réalisés par Jean-Baptiste Oudry. Le peintre animalier est considéré comme l’un des meilleurs illustrateurs de La Fontaine : ses dessins sont encore aujourd’hui reproduits dans certaines éditions des Fables.

Le trésor avait déjà un prix : ce livre avait changé de mains en 1996, via des enchères, pour l’équivalent de 850 000 dollars. Près de trente ans plus tard, la valeur a plus que triplé : mercredi 25 janvier, le précieux a été vendu pour la modique somme de 2,7 millions de dollars (frais compris) ! Fichue inflation… 

Toutefois, ce prix "n'étonne pas" Nicolas Rousseau. Selon un média spécialisé, il serait même "très raisonnable". Non confrères reprochent d'ailleurs aux musées français, "à l'exception de deux", de n'avoir pas tenté leur chance et laissé filer l'œuvre dans les mains d'un "collectionneur new-yorkais (non-spécialisé dans les dessins)". Christie's n'a pas dévoilé l'identité de l'acheteur.

Trop tard, trop cher

À son échelle, Château-Thierry a bien suivi l’affaire, mais de loin. "Nous n’avons même pas pu nous positionner", confie le directeur des musées de la ville. Une affaire de procédure, notamment.

Quand nous avons su qu’il y avait cette vente, le Musée Jean de La Fontaine étant classé, nous devions prévenir le ministère… mais il était trop tard. Il y a bien souvent un problème de délais en vente publique. De toute façon, le caractère exceptionnel de la chose était en dehors de notre portée, hélas.

Nicolas Rousseau, directeur des musées de Château-Thierry

Le moment n’était pas le plus opportun pour envisager de débourser de telles sommes, alors que la coûteuse modernisation du musée doit débuter dans les tout prochains jours. La cité poétique, sous l’impulsion du maire Sébastien Eugène, s’engage dans un chantier d’au moins deux années (et autant de millions d'euros), subventionné à 80% par l’État et les collectivités territoriales.

Aujourd’hui, il n’y a plus rien à voir au musée : la maison est fermée depuis juillet 2022, désormais totalement vidée, les œuvres conservées en réserve.

Oudry et la Picardie

Si Château-Thierry n’accueillera pas "le fameux album d’Oudry", Nicolas Rousseau précise que la collection locale comporte tout de même quelques rééditions de l’œuvre.

Nous avons deux huiles sur toile de Jean-Baptiste Oudry représentant des fables, ainsi que des dessins de la main d’Oudry illustrant des contes comme Belfegor.

Nicolas Rousseau, directeur des musées de Château-Thierry

Ces œuvres ont une place légitime dans la maison natale de La Fontaine. Mais elles l’ont aussi du fait du parcours de leur auteur. En effet, bien qu’Oudry soit né à Paris en 1686, il est probable que ses illustrations des Fables, réalisées "entre 1729 et 1732" selon Christie’s, aient été dessinées en Picardie.

Suivant les traces de son père Jacques, Jean-Baptiste intègre plusieurs écoles de peinture et se trouve un jour chargé de suivre les parties de chasse du roi Louis XV, en forêt de Compiègne. Talentueux, il est vite propulsé à la tête de la première manufacture royale, créée à Beauvais par feu Louis XIV pour mettre des artistes en lumière et produire en France les tapisseries auparavant importées de Flandres.

En difficulté, l'institution est relevée par Oudry. Il y réalisera d’importantes tentures pour agrémenter des bâtisses du grand Est parisien et dont profitent encore aujourd’hui les propriétaires des châteaux de Réveillon et Condé-en-Brie.

Oudry dirigera la manufacture de Beauvais pendant 21 ans. À jamais reconnu comme un maître des natures mortes et, plus encore, l’un des meilleurs peintres animaliers du 18e siècle, il décèdera en 1755, à Beauvais, où il repose. 

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