Nous sommes le 6 Septembre 1918, a victoire est proche. Abel Ferry écrit ces mots prémonitoires : « On ne respire sa joie qu’avec précaution, on a peur qu’elle ne vous brise la poitrine ». Deux jours plus tard, le député des Vosges est mortellement blessé, à Vauxaillon. Victime d’un obus, alors qu’il était venu étudier le fonctionnement d’un fusil- mitrailleur, Abel Ferry a vécu la guerre en haut et en bas, membre du gouvernement et officier dans les tranchées.
Abel est le neveu de Jules Ferry et son héritier politique. Réformé pour une tuberculose, il obtient de partir au front. De retour à Paris, il est le seul sous-secrétaire d’Etat à participer au conseil des ministres. C’est le prestige du combattant. Les balles l’ont frôlé. Il raconte les « obus bruyants et monotones... Les témoins de ce formidable duel, attendent passifs et impuissants que le hasard décide. » Les tranchées sont bâties sur des cadavres, Allemands et Français mélangés.
Abel Ferry dénonce le gaspillage terrifiant fait des vies humaines. "Égoïstes vieillards, les généraux s’offrent des holocaustes", "Le grand quartier général est trop loin et trop tyrannique à la fois". Il épingle Joseph Joffre, le plus étoilé de ces bureaucrates, et se montre sévère avec ses pairs politiques, tétanisés. « Dans la tranchée, des morts inutiles, à Paris, pas de gouvernement. »
En 1916, le député est chargé de contrôler les armées. Il quitte l’uniforme, mais parcourt le front considérant que l’expérience d’en bas doit être entendue en haut. Il obtiendra la destitution du général Duchêne, après la débâcle au chemin des Dames, mais n’assistera pas à la victoire. Vieil ennemi de sa famille, Georges Clemenceau le décore sur son lit de mort.