Desmoulins, Condorcet, Saint-Just : trois grandes figures picardes de la Révolution française, des vies brèves à l'empreinte définitive sur l’histoire de France. Leur point commun : tous les trois sont nés ou ont grandi dans le même département, l'Aisne.
Camille Desmoulins naît à Guise, dans l'Aisne, le 2 mars 1760. Il est le fils du lieutenant-général au bailliage de Guise. Avocat et journaliste, il est l'une des figures majeures de la Révolution française avec Marat, Danton et Robespierre. Encore un élève brillant. Au lycée Louis le Grand, où il étudie, à Paris, il est primé au concours général avec son camarade, Maximilien Robespierre. On le dit "ombrageux, autoritaire, irascible" nous explique Philippe Gallet, le président de l'Association Camille Desmoulins basée à Guise, où la maison natale de Camille Desmoulins n'existe plus. Seule une plaque marque aujourd'hui son emplacement d'origine. Ainsi qu'une sculpture, située sur la Place d'Armes à Guise.
"En créant cette association, nous voulions faire découvrir aux habitants de la commune, une figure éminente de la Révolution française, mais méconnue ici", ajoute Philippe Gallet. Camille Desmoulins, affecté par un défaut d'élocution, il bégaie, peine à gagner sa vie en tant qu'avocat, faute de clients. Mais il va réussir à transcender ce défaut.
Juillet 1789 : un discours fondateur, l'appel aux armes
Le 12 juillet 1789, Paris bruisse de la rumeur de la démission du ministre des Finances, Jacques Necker. Ce dernier est désavoué par les courtisans et le roi Louis XVI, car il souhaite que les plus riches paient une partie de la dépense publique. Camille Desmoulins, qui a quitté Guise à l'âge de 29 ans et n'y reviendra d'ailleurs plus jamais, debout sur une table, harangue la foule réunie au Palais Royal, pour l'appeler à l'insurrection. "Un discours remarquable qui met le feu aux poudres. 36 heures plus tard, c'est la prise de la Bastille" explique Philippe Gallet. C'est cet épisode qui lui vaudra d'être surnommé "l'homme du 14 juillet".
Une personnalité ambivalente, à la fois dure et romantique
En 1790, Camille Desmoulins épouse Anne-Lucile Laridon-Duplessis. Il est éperdument amoureux de la jeune femme à laquelle il écrira de nombreuses lettres passionnées. On les considère comme un symbole des amours sous la Révolution. Et c'est Maximilien Robespierre qui est leur témoin de mariage...
Dans le même temps, le journaliste pamphlétaire qu'il est devenu, écrit sans relâche. La France Libre, Discours de la Lanterne, Les Révolutions de France et de Brabant. "Pendant 5 ans, il n'arrête pas d'écrire, des milliers et des milliers de pages, des correspondances, des tribunes, des journaux, qui font à l'époque une trentaine de pages !" nous dit Philippe Gallet. Desmoulins, qui était très engagé dans la répression contre les opposants à la Révolution, et qui avait réclamé la mort du roi, prend peu à peu ses distances avec les Montagnards et la violence du régime et donc avec Robespierre, son témoin de mariage et ami.
Une volte-face qui lui vaut la mort
Il appelle à la clémence en pleine Terreur. Philippe Gallet nous livre ce chiffre, terrible : "Il faut savoir qu'entre fin 1793 et juillet 1794, il y a eu 3 000 exécutions en 6 mois à Paris". Peut-être influencé par Saint-Just, un Picard lui aussi mais brouillé avec Desmoulins, Robespierre consent à ce que son vieil ami soit arrêté. "Et ce, malgré une supplique à Robespierre, de sa femme Lucile. Mais l'homme reste inflexible" précise Philippe Gallet. À 34 ans, le 5 avril 1794, Camille Desmoulins meurt guillotiné avec Danton, pour avoir voulu se démarquer de la dérive sanguinaire. Interrogé sur son identité par le Tribunal révolutionnaire, avant d'être exécuté, il aurait eu cette réponse : "J'ai 33 ans, l'âge du sans-culotte Jésus, âge critique pour les patriotes". Sa femme Lucile n'échappe pas à la folie sanguinaire qui règne alors dans le pays. Elle sera guillotinée une semaine après son époux. Elle avait 24 ans.