L'histoire du dimanche - De Saint-Domingue à Villers-Cotterêts, le général Dumas, père du célèbre écrivain et héros méconnu

Né esclave sur l'île d'Haïti, Thomas Alexandre Dumas fut un commandant remarquable au service de la République, profondément humain et capable de tenir tête à Bonaparte. Il finit ses jours dans l'Aisne à Villers-Cotterêts auprès de sa femme et de son fils Alexandre, qui deviendra le célèbre auteur des Trois Mousquetaires.

"Une figure exemplaire qui parle à tous les français", dit de lui l'écrivain Claude Ribbe, auteur de l'ouvrage Le Général Dumas, aux éditions Tallandier. Il l'avoue, le père de l'un des écrivains les plus lus au monde le fascine depuis des années.

Thomas Alexandre Davy de la Pailleterie est né en 1762 sur l'île d'Haïti, qu'on appelait alors Saint-Domingue. Il est le fruit des amours d'un noble Normand, le marquis Alexandre Antoine Davy de La Pailleterie de sa domestique Marie-Cessette Dumas. Esclave de par sa naissance, il est racheté enfant par son père après avoir quitté l'île. En 1776, il est placé en pension à Paris, à l’académie du maître d’armes du roi, Nicolas Texier de La Boëssière, où il reçoit une éducation de jeune noble destiné à une carrière d'officier. 

Adulte, Thomas Alexandre est un colosse, et dans la capitale la prestance du jeune métis lui vaut déjà un commencement de notoriété. Engagé dans les Dragons de la reine comme cavalier en 1786, la tourmente révolutionnaire emporte le jeune insulaire vers les sommets. Il devient à 31 ans, le premier général afro-antillais de l’armée française, sous le nom de sa mère : Dumas.

Un héros de cape et d'épée

Thomas Alexandre vit alors une ascension fulgurante et des états de service exceptionnels au service d'une jeune République qui doit faire face à l'Europe coalisée. Si la truculence du héros fait penser à Porthos, sa bravoure ne cède rien à D'Artagnan. L'armée des Alpes, dont il prend le commandement en 1793, se heurte aux forces piémontaises. Au prix de quelques morts, il réussit le tour de force de s'emparer du Mont-Cenis, faisant au passage 1700 prisonniers.

Pendant la campagne d'Italie, il fera l'admiration de son chef le général Bonaparte. Face aux troupes autrichiennes numériquement supérieures, le général Dumas s'illustrera lors du siège de Mantoue et livrera personnellement un combat épique au pont de Klausen pour couper la retraite de ses adversaires.

Mais l'officier de cavalerie fera aussi preuve d'une grandeur d'âme, dans une période où les droits humains n'étaient pas érigés en valeur cardinale. Il est nommé à la tête de l'armée de l'ouest à Nantes, port dont la traite négrière a fait la fortune. La convention attend, sans le dire, de ce chef militaire une répression tous azimuts à l'encontre d'une population suspectée de sympathies monarchistes. Le général Dumas y laissera le souvenir d'un homme d'une grande humanité. Son biographe Claude Ribbe, admiratif, rapporte que lorsque son aide de camp lui demande si les autorités ne veulent pas l'extermination des Vendéens, le général lui répond : "si un tel ordre m'était donné, je me brûlerais immédiatement la cervelle." Des convictions qui lui vaudront le surnom ironique de "Monsieur de l’Humanité."

Villers-Cotterets son refuge, son tombeau

En 1798, le général Dumas est de l'expédition d'Égypte. Il commande la cavalerie et a parmi ses subordonnés un certain Murat. Cette campagne sera sa dernière. Soucieux du bien être des hommes, il s'oppose frontalement à Bonaparte, qui ne lui pardonnera jamais cet affront. 

Capturé par le royaume de Naples à son retour, il restera prisonnier en Italie jusqu'en 1800. Amoindri physiquement par sa captivité, il se refugie chez lui à Villers-Cotterêts. C'est dans cette ville, qu'il a rencontré la fille d'un aubergiste en 1789, Marie Labouret, devenue sa femme.

À Paris, le premier consul prend son envol : ceux qui contestent son autorité sont écartés. En 1802, le général Dumas est démis de ses fonctions et licencié de l'armée. Cette même année, comme un ultime camouflet pour l'enfant de Saint-Domingue, le premier consul rétablit l'esclavage. À Villers-Cotterets, l'ancien commandant de cavalerie vivra chichement, privé d'une partie de ses émoluments. Il meurt le 26 février 1806. Son fils Alexandre Dumas, a alors trois ans. Il lui vouera pour toujours une admiration sans borne.

Aujourd'hui, demeurent dans la cité du Valois quelques plaques évoquant le souvenir de l'homme qui tint tête à Bonaparte, mais aussi sa tombe peu visitée. Son fils, Alexandre, a quitté ce cimetière pour rejoindre le Panthéon en 2002. Claude Ribbe aimerait voir ce sanctuaire de la nation reconnaissante accueillir un jour le père mais aussi la mère de l'écrivain.

En attendant, la mémoire de Thomas Alexandre Dumas sera à nouveau célébrée dans la capitale puisque la statue du général, détruite en 1942 pendant l'occupation, sera érigée à nouveau place du général Catroux dans le 17ème arrondissement. 

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