Moins de bénévoles et plus de bénéficiaires : les Restos du cœur picards s'adaptent à la crise sanitaire

Le 24 novembre s'ouvrira la 36e campagne des Restos du cœur en Picardie, comme partout en France. Dans un contexte de crise sanitaire et économique, l'association va devoir composer avec moins de bénévoles pour un nombre de bénéficiaires en augmentation.

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"Ce n'est pas une chute, c'est une avalanche", soupire Jacky Sara, animateur du centre des Restos du cœur de Laon, dans l'Aisne. À quelques jours du lancement de la 36e campagne de l'association, le responsable va devoir compter sans les deux tiers des bénévoles habituellement mobilisés auprès de la structure axonaise. De 80 l'année dernière à seulement 29 cette année.

S'adapter à la situation inédite

Entre les deux, le coronavirus est passé par là, contraignant beaucoup de volontaires - pour la majeure partie des retraités - à engager les précautions nécessaires pour se protéger et rester chez eux. "Je ne pouvais pas prendre la responsabilité de demander à ceux qui font partie des populations à risque de venir quand même", poursuit le responsable laonnois, qui compte sur les bénévoles plus jeunes, souvent recrutés parmi les bénéficiaires.

S'adapter : ce sera donc le maître mot de cette nouvelle campagne qui doit débuter mardi 24 novembre. À la baisse de bénévoles, déjà. Au protocole sanitaire, ensuite, comme depuis le début de la crise. "Nous avons été obligés d'augmenter nos plages d'ouvertures de quatre à dix demi-journées tout en divisant le nombre de passages par deux", explique Jacky Sara. Un surplus d'activité qui engendre fatigue et crispation chez ceux qui redoublent d'efforts pour tenir les promesses de l'association.
 

Il est difficile d'intégrer de nouveaux bénévoles dans des conditions d'excès de travail qui engendrent des tensions, des exigences et une perfection au niveau de l’exécution qu'un nouveau ne va pas forcément comprendre ni admettre.

Jacky Sara, animateur des Restos du cœur, Laon

Hausse de bénéficiaires

Des difficultés à recruter et garder les volontaires que les départements de l'Oise et de la Somme ressentent moins cruellement. Dans la Somme, les Restos du cœur peuvent même compter sur un vivier de volontaires en attente. "On a une trentaine de bénévoles sous le coude mais avec la distanciation sociale imposée par le gouvernement, on ne peut pas les intégrer", explique Marie Nouali, présidente des Restos du cœur de la Somme et leurs 32 centres.

Ce qui est nouveau, cette année, c'est aussi la hausse significative de bénéficiaires. Dans l'Oise, lors de la campagne d'été 2020, ce sont plus de 15% de repas supplémentaires qui ont été distribués par rapport à l'année précédente, soit environ 730 000 collations.

Une hausse qui devrait atteindre les 20% pour la campagne d'hiver. "Toutes les personnes sur le fil qui enchaînent les petits boulots, les travailleurs précaires notamment en intérim, ont été directement impactées", souligne Jean-Pierre Roda, président des Restos du cœur de l'Oise.
 

"On a crevé les plafonds"

Dans la Somme, cet été a vu une augmentation de 10% des repas distribués. Une proportion moyenne qui atteint près de 40% dans la préfecture samarienne. "À Amiens, on a crevé les plafonds cet été, et on est loin du pic de la crise sociale, décrit de son côté Marie Nouali. On a constaté en revanche que les chiffres étaient moins significatifs en milieu rural, peut-être en raison d'une plus grande solidarité."

Si, pour l'heure, l'augmentation du nombre de personnes contraintes de devoir se rendre aux Restos du cœur s'est faite de manière progressive, les responsables picards craignent l'arrivée d'une deuxième vague lorsque les travailleurs qui ont perdu leur emploi auront épuisé leurs allocations Pôle emploi. Une deuxième vague dont les effets devraient commencer à se manifester début 2021.
 

Pour l'instant, beaucoup perçoivent le chômage mais lorsqu'ils auront épuisé leurs droits, ils auront besoin de notre aide.

Jean-Pierre Roda, président des Restos du coeur de l'Oise

Dialogue entravé

En attendant, les différentes équipes mobilisées sur le territoire picard s'ajustent comme elles peuvent aux contraintes sanitaires. Au détriment du dialogue entre bénévoles et bénéficiaires, pourtant primordial pour l'association.

"C'est très frustrant, souligne le président de l'association de l'Oise, qui compte 24 centres dans le département pour quelque 600 bénévoles. D'habitude on prend le temps de recevoir les gens le temps d'un café pour discuter de leurs problèmes, mais là on ne peut pas se permettre d'avoir trop de monde devant, ni de contact."
 

Pour certains, nos bénévoles sont les seules personnes auxquelles ils adressent la parole de la semaine. Pour ceux qui sont en grandes difficultés, les effets psychologiques vont être désastreux.

Marie Nouali, présidente des Restos du coeur de la Somme

Besoin permanent de bénévoles

Parce que les Restos du cœur, ce n'est pas seulement une aide alimentaire. C'est également l'occasion d'aborder les différentes difficultés que rencontrent les bénéficiaires, et parfois d'y apporter une solution. "Nous sommes aussi en lien avec des entreprises et il nous est arrivé de remettre des gens au travail, se félicite le président de la structure isarienne, et quand on peut aider une famille, on est heureux comme tout."

Pour cette nouvelle campagne qui s'ouvre, comme depuis toujours, les Restos du coeur continuent d'en appeler aux volontaires de tous âges et de tous profils et rappellent qu'il suffit de se rapprocher de l'association la plus proche pour contribuer : à la logistique, à l'informatique ou à l'accueil. "Nous avons toujours besoin de bénévoles", conclut Jean-Pierre Roda.
 
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