L'enseigne Marie Blachère, connue pour ses prix attractifs, projette d'ouvrir une boulangerie en périphérie de Villers-Cotterêts. Alors que les boulangers traditionnels s'inquiètent pour leur avenir, l'implantation du commerce prend un tournant politique. La Région menace de suspendre une subvention à la ville si la mairie n'arrête pas le projet.
Marie Blachère aux portes du centre-ville de Villers-Cotterêts ? La commune ne mange pas de ce pain-là. L'installation de l'enseigne de boulangerie avenue de la Ferté-Milon n'est pas encore officialisée, mais elle suscite déjà une levée de boucliers. "C'est un projet qui a plus de deux ans. Quand l'ancienne scierie de Villers-Cotterêts a fermé, explique Franck Briffaut, maire RN de la commune, le terrain a été vendu à un promoteur qui a déposé un permis de construire pour trois commerces, dont Marie Balchère."
Malgré les tentatives de la mairie et de la communauté de commune pour acheter le terrain, c'est un promoteur privé situé en Moselle, R2L Constructions, qui est actuellement propriétaire de la parcelle. Dans un communiqué, la société avance le "vif intérêt" de l'enseigne de boulangerie de "s'implanter sur la ville" et vante les mérites d'une "opération immobilière attractive" avec une "vingtaine d'emplois" à la clé.
Boulangers du centre-ville en péril
Sauf que les artisans du pain déjà installés sur la commune ne l'entendent pas de cette oreille. Villers-Cotterêts compte près de 11 000 habitants et cinq boulangeries pour les contenter. Des boulangers qui font face à la hausse du prix des matières premières et de l'électricité.
Céline et Yoan Landat ont ouvert leur établissement dans le centre de la commune il y a moins de deux ans et font part de leur inquiétude. "Il faut défendre notre métier face à ces mastodontes de la boulangerie, car notre crainte, c'est que cela nuise aux boulangeries artisanales et que certaines disparaissent", explique Céline Landat, derrière la caisse.
Pour la jeune femme, cette installation "aura raison d'une, voire deux boulangeries du centre-ville" et compare la situation à "ces librairies concurrencées par les géants du e-commerce". Le discours du couple boulanger fait mouche auprès des clients : "je continuerais à acheter vos baguettes, lâche une habituée, on n'en veut pas de Marie Blachère".
Même son de cloche pour l'association Entreprendre en Retz Ensemble (ERE) qui défend les commerces du centre-ville de Villers-Cotterêts. Dans un communiqué, sa présidente, Magalie Thierry, évoque un projet qui "menace directement" les boulangers et "l'équibre du tissu commercial et artisanal de notre centre-ville". L'association rencontre régulièrement la municipalité et la Communauté de Commune Retz-Valois (CCVR) pour plaider la cause des artisans contre "cette usine à pain".
Du pain, au règlement de compte politique
L'affaire prend une tournure bien différente lorsque Christophe Coulon, vice-président Les Républicains du conseil régional, accuse la mairie de ne pas s'opposer à l'implantation de Marie Blachère sur la commune et se dit prêt à suspendre 800 000 euros de subvention. Des fonds alloués au titre d'un dispositif visant à renforcer l'attractivité du centre-ville et de ses commerces.
Dans les colonnes du journal L'Union, l'élu rappelle que le partenariat est valable à une condition : "Ne pas favoriser le développement du commerce de périphérie qui menace le commerce traditionnel de centre-ville et agir pour éviter son développement". Devant la situation, il tire ensuite la conclusion suivante, toujours par voie de presse, "ce projet de boulangerie industrielle nous oblige à suspendre le renouvellement du partenariat avec la commune de Villers-Cotterêts".
Il n'en fallait guère plus pour faire réagir Franck Briffaut, qui se défend de toutes faveurs à l'égard de Marie Blachère : "M. Coulon prend le train en marche sans interroger le conducteur et le contrôleur. Il ne comprend pas que nos marges de manœuvres sont limitées par la loi. Il y a certaines choses que nous ne pouvons pas interdire, sauf à risquer l'illégalité, explique-t-il avant de conclure, nous ne risquerons pas le tribunal contre Marie Blachère !"
Depuis l'acquisition de la parcelle, le prompoteur R2L s'est vu retoquer quatre permis de construire par la municipalité. "Il y a une terrasse dans son projet ? On le refuse, car il n'a pas le droit sur cette zone. Il ne respecte pas les règles du plan d'urbanisme ? On le refuse aussi. Je vous assure, on fait tout notre possible pour empêcher la construction, se défend le maire de la commune, on espère qu'il abandonne son projet, à la longue." Franck Briffaut le martèle, il est opposé à l'installation de l'enseigne sur la commune.
Contacté par notre rédaction après ses propos dans L'Union, Christophe Coulon a répondu "être en vacances". Du côté de l'enseigne, Marie Blachère n'a pas donné suite à nos sollicitations. Pour les boulangeries du centre-ville, la contestation n'est pas terminée : "on pense à une pétition et une action coup de poing : baisser le rideau une à deux heures en même temps."