Plusieurs communes de l'Aisne ont été lourdement sinistrées par les inondations survenues après le passage de la tempête Kirk. Les habitants sont inégalement aidés par leurs assurances. La préfecture de l'Aisne vient de lancer une procédure accélérée pour la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle.
Quatre jours après l'inondation qui a ravagé sa maison de Fère-en-Tardenois, dans l'Aisne, Evelyne Jean s'impatiente. "On aimerait bien rentrer chez nous, déjà avec le strict minimum, au moins pouvoir manger et dormir chez nous, soupire-t-elle. Là, on est hébergés par notre fille, mais je pense que ça pourrait s'activer un petit peu plus, quand même."
L'eau est montée jusqu'à 30 centimètres au rez-de-chaussée, sa cave a été complètement inondée, Evelyne Jean et son époux n'ont plus de chauffage et ont perdu une grande quantité de biens.
"Notre expert ne doit passer que le 23 octobre, je trouve ça inadmissible de laisser les gens comme ça... Et on nous demande les factures, malheureusement, beaucoup sont parties dans l'eau", se désole-t-elle. Elle est loin d'être seule dans cette situation.
En attendant les experts
Du côté de Coincy, Ludovic Denoyelle et son épouse ont déjà rempli le dossier de déclaration de sinistre auprès de leur assureur. Leur espace de vie a été épargné par l'eau, mais à la cave, la chaudière toute neuve a été noyée. "On n'a pas de chauffage depuis jeudi matin", résume-t-il.
Nous n'avons pas de rendez-vous avant le 18 novembre, je trouve que c'est très long
Ludovic DenoyelleSinistré par l'inondation de Coincy
La déclaration du sinistre s'avère compliquée. "On a contacté notre assurance à deux heures du matin, on a eu quelqu'un. On a dû remplir un dossier en ligne, c'est fastidieux et très long. Ensuite, on a reçu un mail, encore à remplir, vendredi soir. Puis là, on a encore rempli un truc ce matin", détaille Ludovic Denoyelle lundi 14 octobre. Il espère que son assureur pourra avancer les 4 000 euros nécessaires à la réparation de sa chaudière.
Mais lui aussi devra se montrer patient : "pour l'expert, nous n'avons pas de rendez-vous avant le 18 novembre, je trouve que c'est très long", conclut-il. Tous les assurés ne sont en effet pas égaux, les délais sont plus longs pour certains contrats que d'autres.
Thierry Hennequart, représentant sud Aisne de la Fédération des syndicats d'agents généraux d'assurance, assure pour sa part qu'il passe chez ses assurés avec un expert "le lendemain ou le surlendemain du sinistre." Depuis quelques jours, son téléphone sonne souvent.
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Que peut faire l'assureur ?
"Le passage rapide d'un expert a un gros avantage, c'est que l'expert voit sur place ce qu'il s'est passé, se faire une idée du montant global, souligne Thierry Hennequart. Ça permet aussi d'envoyer tout de suite des entreprises de nettoyage et décontamination, de trouver des solutions de remplacement, de relogement et pour les entreprises, retrouver de nouveaux locaux."
De quoi remuer le couteau dans la plaie de celles et ceux dont l'expert ne viendra qu'en novembre. Mais l'assureur peut aussi envoyer les entreprises de décontamination avant le passage de l'expert. "Ils vont noter tout ce qu'ils mettent à la benne et cela facilitera le travail de l'expert", explique Thierry Hennequart.
Malgré la dématérialisation des démarches, il conseille aux assurés d'essayer d'avoir un interlocuteur au téléphone, pour leur expliquer plus précisément à quoi s'attendre et les mesures à prendre au fur et à mesure.
Pour la question de l'évaluation des biens, à défaut de factures, des photos peuvent servir à prouver leur existence et leur valeur. Sur ce point, Thierry Hennequart se veut rassurant, "généralement, quand il y a de gros sinistres, les experts sont plutôt conciliants." Certaines assurances proposent, dans l'attente du passage des experts, des avances pour racheter des biens essentiels et des solutions de relogement : de quelques jours d'hôtel à des loyers complets si le sinistre est très conséquent.
La préfecture accélère la procédure de reconnaissance de catastrophe naturelle
Face à l'ampleur des dégâts, la préfecture de l'Aisne a décidé de mettre en place une procédure plus rapide. Cela peut être important pour certains, tout dépend de la compagnie d'assurance. "Certaines compagnies n'interviennent qu'à partir du moment où une catastrophe naturelle est décrétée", reconnaît Thierry Hennequart.
Dans le cas de la procédure classique, c'est le maire de la commune qui doit envoyer un dossier à la préfecture pour déclarer la catastrophe naturelle. La préfecture centralise ces dossiers, sollicite des rapports techniques puis les envoie à la direction générale de la sécurité civile. Cette dernière présente le dossier à une commission interministérielle qui reconnaît ou non la catastrophe naturelle, sa décision est ensuite retransmise à tous les acteurs impliqués sous forme d'arrêté interministériel. Cela peut prendre plusieurs mois.
La procédure accélérée part directement de la préfecture, qui recense les communes concernées et sollicite directement la direction générale de la sécurité civile, qui produit alors des expertises accélérées. Le dossier peut alors se retrouver sur le bureau de la commission interministérielle en quelques jours.
L'arrêté interministériel reconnaissant la catastrophe sera alors communiqué aux maires qui font le relai auprès des sinistrés, qui pourront relancer leur assurance ou déclarer le sinistre dans un délai de 30 jours. Celle-ci aura trois mois pour les indemniser. "Il faut laisser le temps au temps pour voir ce qui est abimé, faire des devis et indemniser complètement", conclut Thierry Hennequart. Mais pour celles et ceux à qui l'assurance ne propose pas de solution immédiate, ce temps peut paraître très long.
Avec Rémi Vivenot / FTV