Procès de l'affaire Clément Méric : sept secondes de "coups mortels" et des hypothèses

Lors de la deuxième journée de procès aux assises de Paris, les enquêteurs ont relevé mercredi le paradoxe de l'affaire Méric: une rixe brève, des coups mortels dont l'auteur est connu - l'Axonnais Esteban Morillo - mais des questions difficiles à trancher quant aux responsabilités de chacun.

Ce 5 juin 2013, Clément Méric, étudiant de 18 ans et militant antifasciste, s'écroule, mortellement blessé, lors d'une bagarre entre militants d'extrême gauche et skinheads d'extrême droite, en marge d'une vente privée de vêtements de la marque Fred Perry dans le quartier parisien de Saint-Lazare.

Deux skinheads, Esteban Morillo et Samuel Dufour, sont jugés depuis mardi aux assises pour répondre de coups mortels en réunion et avec arme et encourent 20 ans de réclusion criminelle. Un troisième, Alexandre Eyraud, comparaît pour des violences aggravées et risque 5 ans de prison.

 
"Morillo a reconnu deux coups dont le coup mortel à Méric, qui le fait s'écrouler", a relevé le commandant de la brigade criminelle chargé de l'enquête. Mais au-delà de ces quelques secondes d'affrontement, tout reste à établir: "Est-ce que cette rencontre était préméditée ou fortuite?", "Est-ce qu'il y a eu des éléments extérieurs qui ont envenimé les choses?", "Est-ce qu'il y a eu usage d'un poing américain?", énumère-t-il.
 

Une rencontre fortuite pour les enquêteurs

Le capitaine en charge des débuts de l'enquête a conclu à une rencontre fortuite entre deux groupes ennemis, "dans le collimateur des services de renseignement".

Un scénario est esquissé, à l'aide des témoignages recueillis. Les jeunes se toisent, s'invectivent. "Les nazis viennent faire leurs courses", a lancé un antifa aux skins arborant tee-shirts "White power" ou "100% pure race". Clément Méric, arrivé un peu plus tard que les autres, est décrit par un agent de sécurité comme "fluet" mais "virulent".

 
Un jeune antifasciste signale à un vigile la présence de poings américains dans le sac à dos d'un skinhead. Finalement, un agent demande aux anfifas de sortir. Selon Samuel Dufour, un des camarades de Méric le prévient que les antifas "les attendent à dix dehors".

"Histoire de fierté"

Un vigile demande aux skinheads de sortir par la droite, pour éviter toute rencontre. Ils partent à gauche. "Ils ont appelé des renforts - dont Morillo -, ils ont peur de se retrouver avec dix antifas en bas", estime le commandant.

"Ils vont droit sur le groupe de Méric": pour la police, du côté des skins, la décision est prise d'aller au contact. Du côté des antifas, les motivations ne sont pas claires: "Pourquoi rester si on a peur que les autres sortent des poings américains?"

"Pour moi, ils se prémunissent, tous. Ils appellent tous des renforts, mais ceux des antifas ne sont pas arrivés", affirme l'officier. "Il y a une histoire de fierté: personne ne veut baisser la culotte", résume-t-il.
 

Usage d'un poing américain ?

Que se passe-t-il alors? Les antifas sont à 20 mètres de l'immeuble de la vente privée, contre le mur de l'église d'Antin. La rue est très passante. La vidéo issue d'une caméra de la station de RER voisin est projetée à l'audience. Le cadrage, qui ne laisse voir que les jambes des protagonistes, "ne permet pas de dire qui a frappé en premier" ni s'il a été "fait usage d'une arme", constate un expert vidéo.

Les témoins se contredisent. Plusieurs disent avoir vu Esteban Morillo enfiler un poing américain. D'autres décrivent M. Dufour comme assénant les coups mortels: "Il y a une certaine confusion", relève le commandant.

Plus tard dans la soirée, Samuel Dufour se vantera dans un SMS d'avoir utilisé "un poing américain" et "défoncé" les antifas. Mais aucune arme n'a été retrouvée. L'échange de coups "dure sept secondes", a compté l'expert. A 18h43, Clément Méric gît au sol. Quelques passants ont tourné la tête, mais le flux ne s'est jamais interrompu dans la rue.
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