La course de lévriers, une discipline peu connue, parfois décriée

Ce dimanche de Pâques, quand certains chassaient les œufs en chocolat dans le jardin, d’autres couraient après le lapin au cynodrome de Soissons… Une cinquantaine de lévriers ont participé à un grand prix. Alors, quésaco ?

277 mètres en 17 secondes : Quality Top peut marcher le museau haut. Le regard sérieux, la cuisse affûtée, ce lévrier vient de s'imposer au grand prix de Soissons, catégorie whippet. Ce dimanche 21 avril 2019, ils sont 49 compétiteurs à s'affronter sur la piste. Des chiens picards mais pas que. "J'ai fait 3 heures [de voiture] samedi pour venir jusqu'ici, et lundi, je vais courir en Hollande, à 400 kilomètres", confie Joël Bosny. Passionné ? Le mot est faible pour ce propriétaire de lévriers. "C'est toute ma vie." Alors, en quoi consiste ces courses canines ? 
 

Chasseurs avant d'être coureurs 

Il y a des siècles de cela, les lévriers accompagnaient les chasseurs dans leur traque au gibier. L'animal longiline, taillé comme un athlète, avance alors bien plus vite que sa cible. Bref, ce n'est pas vraiment du jeu. Fin de course en 1844, la pratique devient interdite. Déçue mais pas abbatue, la Grande-Bretagne décide de mettre à profit la rapidité de l'animal en créant des courses de lévriers en 1926. Dix ans plus tard, c'est au tour de la France de s'y mettre. Objectif pour les athlètes : faire un tour de piste, et attraper le premier un faux lapin (entre 277 et 345 mètres pour un Whippet ; entre 277 et 480 mètres pour le Greyhound. Le whippet courra à 60 km/h en moyenne, contre 65 km/h pour un Greyhound). Pour le spectateur, oeil aiguisé oblige, la course dure une vingtaine de secondes en moyenne. En noir et blanc, cela donne ça : 
  

Près de 600 adeptes français 

La discipline connaîtra son apogée en 1986, lorsque les sociétés de course totalisent 10 millions de francs de mise. Aujourd'hui, la Fédération française des courses de lévriers estime à 600 le nombre d'adeptes de la discipline, pour 1 350 coureurs. Modeste, mais motivés. Ces propriétaires canins se réunissent plusieurs fois par an dans les 11 cynodromes encore existants. Encore, car plusieurs pistes ont disparu en quelques années. Chez nos voisins anglais, où la discipline est populaire, même phénomène. En 2017, la dernière piste de Londres a disparu
  
A Soissons, seul cynodrome des Hauts-de-France, les résultats sont là, mais les fidèles se raréfient. Jacky Follet a dû annuler la course du 5 mai. "J'avais six chiens inscrits, il en faut une quarantaine dans l'idéal", détaille le président de la Société des courses de lévriers dans l'Aisne. "Avant, j'organisais neuf à dix réunions par an, maintenant, j'ai du mal à en faire trois à quatre."  N'est pas entraîneur de lévrier qui veut. Il faut pouvoir aussi. Entre les déplacements, les cotisations, le vétérinaire, Jacky compte 1 500 à 2 000 euros de dépenses annuelles. "C'est moins connu qu'avant, et puis les gens étaint plus prêts à payer...", confie l'Axonais. "On a un cheptel qui diminue d'année en année", abonde son fils, Yannick Follet. D'autant que l'investissement a peu de chance d'être rentabilisé. Les paris ne volent pas haut dans le milieu, ce n'est pas le but. La mise, "c'est en option", explique Jacky. "Le premier arrivé va gagner huit euros...", ironise Michel Geromet, heureux propriétaire de sept lévriers. De quoi balayer les critiques d'un loisir mercantile. 

Et pourtant, les adeptes ne sont pax exempts de commentaires. "Comment peut-on se réjouir de regarder des animaux contraints à courir à perdre haleine pour attraper un bout de chiffon. Je ne vois vraiment pas le plaisir..!!!" ; "Des barbares" ; "Je n'aime pas cette course avec les lévriers" : voici un florilège des réactions sur le lien de notre reportage au grand prix de Soissons, en avril 2019.
 
Les courses de lévriers ont mauvaise presse auprès du grand public. Lassé, le cynodrome de Soissons tente de rassurer sur le traitement des animaux en communiquant. 
 
 

On nous assimile à des pratiques que nous ne connaissons pas 


"Le monde de la course est extrêmement cruel !", s'insurge Catherine Madry. Il y a 19 ans, cette habitante de la Nièvre découvre ce chien à l'allure féline, et avec, la maltraitance dont il peut faire l'objet en Irlande, en Afrique du Sud ou en Espagne. "La compassion n'a pas de frontière", explique celle qui va se battre pour sauver les chiens de course en fin de carrière, prêts à être euthanasiés notamment. Au Royaume-Uni, deux associations collaborent avec elle pour faire adopter les chiens menacés de morts. En Espagne, la présidente de l'association Lévriers en Détresse lutte pour les chiens de chasse, encore autorisés là-bas. L'un de ses derniers combats l'a emmené en Chine, où un cynodrome a fermé ses portes pour mauvais traitements. Bien loin de Soissons donc.
Si certaines associations pointent du doigt les fédérations françaises de courses de lévriers, Catherine Madry rassure. "En France, c'est amateur. Il n'y a pas d'enjeu financier." Et donc pas de pression sur l'animal a priori. Pourtant, ces cas défavorisent le développement de la discipline en France. "Comment voulez-vous forcer un chien à courir ?", interroge le président du cynodrome soissonais. "On nous assimile à des pratiques que nous ne connaissons pas, abonde Michel Géromet, propriétaire de lévriers et membre du club de l'Aisne. Ce sont nos bébés (...) A la maison, le plus âgé a 16 ans, le plus jeune a 7 mois" La fédération française interdit d'ailleurs la poursuite de la compétition après les huit ans de l'animal. Ce passionné, depuis 25 ans, regrette que la maltraitance contribue à la mauvais image des courses en France. "On n'arrive pas à être reconnus à cause de ces gens." Aux sceptiques, Michel demande d'assister à des après-midis de championnat. "On a déjà eu des menaces !, continue Jacky Follet. A ce moment-là, pour les chevaux c'est pire. Le jockey les force à courir..." 


 
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