Depuis 15 ans, Patrick Desrat vit à Udon Thani en Thaïlande. C'est là-bas que cet ancien militaire, originaire de Villeneuve-Saint-Germain, près de Soissons dans l'Aisne, a pris sa retraite et refait sa vie.
Tous les matins, après avoir déposé sa fille de 3 ans à l’école, Patrick Desrat entame son rituel. Un café, un peu de jardinage, de ménage et puis il se met au travail devant son ordinateur pour le reste de la matinée. Ecriture, classement des photos, il peaufine son dernier reportage, une balade au temple de Wat Pha Phu Kon, dans les faubourgs d’Udon Thani, à 560 km de Bangkok, la capitale thaïlandaise.
Car Patrick Desrat, "Picard pur jus parti loin" comme il le dit lui-même, chronique quasiment tous les jours depuis 15 ans dans son blog, la vie qui s’écoule à Udon Thani, petite ville de 155 000 habitants. Avec ses 400 abonnés, son site internet est quasiment devenu une référence pour qui veut visiter cette région du Nord-est de la Thaïlande, qu’il connaît presque aussi bien que sa Picardie natale.
Une carrière dans l'infanterie
Né à Soissons en 1953, Patrick Desrat passe sa jeunesse dans l'Aisne, à Villeneuve-Saint-Germain, dans l’insouciance de la France des années 60, les glorieuses. Une autre époque, dit-il, "bercée par les péniches tirées par des chevaux sur la rivière Aisne qui passait à quelques mètres de la maison". Entre les parties de billes endiablées dans la cour de l’école primaire Jean-Macé, et une adolescence studieuse au collège Jean-Mermoz de Belleu et sportive, dans les rangs de l’UVS (le club cycliste de Soissons), sa jeunesse est celle d’un adolescent picard normal. A ses heures perdues, il est même clairon dans la fanfare de Villeneuve St Germain.
Peut-être fallait-il y voir un signe prémonitoire ? Lassé des études, il s’engage à 17 ans dans l’armée. Il fera toute sa carrière dans l’infanterie, pour finir adjudant-chef, avant de prendre sa retraite en 2005.
La France, "le pays des impôts et des taxes"
Un an avant, il avait pris ses premières vacances depuis longtemps. Il s’était mis en tête de découvrir l’Asie. Il s’est arrêté en Thaïlande, en se disant "que c’était un pays où il faisait bon vivre". A l’issue de son premier séjour, il affirme avoir "tout de suite adoré et adopté le pays, le climat, la chaleur et la gentillesse des gens".
Une fois à la retraite et en instance de divorce en France, le Picard revient au pays du sourire en octobre 2005. Après quelques mois, il jette son billet retour et décide de s’installer en Thaïlande.
Plus de 15 ans après, il ne regrette rien. Aujourd'hui marié avec Jang, une Thaïlandaise épousée en 2016 et papa d’une petite fille au prénom bien français, Mélanie, Patrick se sent ici chez lui, bien éloigné des réalités françaises. Pour l’ancien militaire, La France est devenu "le pays des interdits, des impôts et des taxes, on ne peut plus rien faire. Tout est interdit ".
Une retraite insuffisante en France
Ici, selon lui, la vie est simple. "Les supermarchés sont ouverts toute la semaine, 365 jours sur 365 jours, comme les banques et toutes les boutiques. Tous les 100 m, il y a des supérettes ouvertes 24 heures sur 24 toute l’année". Et surtout, affirme-t-il, "la vie est bien moins chère en Thaïlande, ce qui est important pour un retraité ! "
Et le Picard d’énumérer ces avantages qui feraient pâlir d’envie n’importe quel retraité français : "pas de taxe foncière, pas de taxe d’habitation, pas d’impôts locaux. Et ici l’essence est abordable, moins de 1 euro le litre !"
Le débat sur la réforme des retraites qui secoue son pays de naissance, il préfère ne pas y penser. "Tout est fait pour nous rendre de plus en plus pauvre, regrette-t-il. Si j’étais resté en France, j’aurais été un retraité malheureux. Ma retraite n’aurait pas été suffisante pour me permettre de vivre comme je vis ici."
Une centaine de Français à Udon Thani
Patrick en est persuadé, il a fait le bon choix. Tout comme ses amis français, retraités comme lui. Selon les chiffres officiels, une petite centaine de Français vivent à Udon Thani. Le Picard et sa petite bande de copains se retrouvent de temps en temps autour d’un barbecue "avec du saucisson et une bonne bouteille de vin". On ne se refait pas, même à plusieurs milliers de kilomètres de ses racines. Avec ses amis, Patrick fait connaître la culture et la langue françaises aux habitants d'Udon Thani.
"Surtout que, même aussi loin de la capitale Bangkok, on arrive à trouver ici quelques produits français". De toutes facons, Patrick a abandonné depuis longtemps la tarte au Maroilles pour "la nourriture thaïlandaise, qui est excellente".
6 ans sans revenir en France
La vie est douce et simple en Thaïlande. Mais si Patrick Desrat est parti de France "serein avec toutefois un pincement au cœur et la larme à l’œil", c’est surtout à cause de la famille. "Quitter sa famille, ses amis n’est pas chose facile", avoue-t-il.
Alors paradoxalement, un des ses meilleurs souvenirs en Thaïlande, c’est d’avoir fait découvrir son pays d’adoption à son frère, sa sœur et son fils. Une famille restée en Picardie, et qu’il ne voit pas souvent. "Cela fait même 6 ans que je ne suis pas rentré en France".
Il aimerait bien qu’ils viennent le voir plus souvent, car lui ne partira d’ici pour rien au Monde. "Pour aller où ? je n’ai plus rien en France -pas d’appartement ou de maison, pas de voiture. Ma femme, ma fille, ma vie est ici".
C’est le début d’après-midi, Patrick Desrat monte dans sa voiture pour aller à l’école chercher la petite Mélanie, qui peut-être, au fond de cette province thaïlandaise, aura un jour l’accent picard lorsqu’elle parlera français avec son papa.