Ce samedi 3 juin, 1500 personnes ont marché à Soissons contre l'implantation de l'usine de laine de roche du géant danois Rockwool dans la commune voisine de Courmelles (Aisne). Ils dénoncent, entre autres, des problèmes environnementaux et de santé publique.
Les opposants au projet Rockwool sont de plus en plus nombreux, de mieux en mieux organisés, et plus déterminés que jamais.
Ce samedi 3 juin 2023, plus de 1500 personnes ont manifesté à Soissons, selon les organisateurs et la préfecture, pour faire entendre leur opposition à l'implantation controversée de l'usine de laine de roche dans la commune voisine de Courmelles.
Pour rappel, lors de la manifestation d'octobre 2022, ils étaient 600.
Les partisans du projet mettent en avant, de leur côté, la création de 130 emplois directs et indirects dans le Soissonnais. Cette nouvelle usine pourrait produire 80 000 tonnes de laine de roche chaque année. Mais ces arguments n'ont pas convaincu la grande partie des habitants qui craignent pour leur santé et leur environnement.
"C'est un problème de santé publique"
C'est Maryse Vasseur, médecin généraliste de la ville, qui a lancé l'alerte et a fait signer une tribune en octobre 2020 à 30 médecins. "C'est quelque chose qui nous préoccupe et cette usine est extrêmement polluante", explique-t-elle.
La principale inquiétude réside dans la composition des fumées qui seront rejetées. En effet, la médecin explique que l'usine "produit du phénol, de l'ammoniac, des perturbateurs endocriniens. C'est un gros problèmes parce qu'il n'y a pas de législation de dosage pour les perturbateurs endocriniens". Ceux-ci sont à des "doses infinitésimales, quelques molécules suffisent pour entraîner des conséquences chez le foetus et chez la femme enceinte en particulier. Donc c'est extrêmement dangereux".
Pour elle et ses confrères, les conséquences sont nombreuses. "Ça perturbe tout le système de santé parce que les hormones vont dans tout le corps, elles interviennent, sur la fertilité, sur les maladies métaboliques, sur les hormones thyroïdiennes, sur les maladies neuordégénératives, les cancers, ça touche tous les organes", détaille Maryse Vasseur.
La laine de roche, un produit "obsolète"
Le volet environnemental de ce projet pose aussi de nombreux problèmes pour les opposants au projet Rockwool. Nicole Gastel, présidente de l'association qualit'Aisne pointe du doigt les 814 tonnes de rejets atmosphériques considérables chaque année. "Vous imaginez ? Avec cette cuvette de Soissons qui récupère !", s'indigne-t-elle.
Autre point évoqué, "le phénomène de l'énergie". Car pour rendre un produit fibreux, il faut "fondre de la roche à 1500 degrés, c'est de l'énergie".
La question des ressources en eau se pose aussi. "Je vous rappelle que le 31 mars, monsieur le préfet disait qu'en 2022, on a frôlé l'interruption de captage en eau potable sur le territoire du Soissonnais, c'est sans Rockwool ! Avec Rockwool, en temps de sécheresse, c'est 15 à 30% prélevés sur le réseau d'eau potable", avance la présidente de l'association.
Tous ces éléments "font qu'on ne peut pas supporter ce projet", d'autant plus que "ce projet n'est pas un projet d'abord local. Bien sûr, ses inconvénients sont locaux, mais c'est un projet qui a pour but d'inonder le marché avec des produits que sont la laine de roche". Mais selon Nicole Gastel, ce produit est obsolète.
"Laisser quelque chose de vivable à ses enfants"
Arnaud Svrcek, maire (SE) de Courmelles où est censé s'implanter l'usine Rockwool, est totalement contre ce projet. Il est d'ailleurs à l'origine de cette manifestation de samedi.
Néanmoins, il a été contraint de signer le permis de construire. En effet, le tribunal administratif d'Amiens a cassé son refus d'implanter l'usine de laine de roche, à cheval sur sa commune et un village voisin, jugeant qu'il n'avait pas respecté "le principe d'impartalité" dans ce dossier. L'édile a fait appel.
Outre cet appel, des opposants ont déposé des recours contre l'autorisation d'exploiter accordée par la préfecture qui doivent être examinés le 22 juin.
En attendant, Arnaud Svrcek, se dit "plus que jamais" déterminé à mener le combat jusqu'au bout et la rue "lui donne raison. On avait comme objectif 1000 personnes, je pense qu'il est plus largement atteint". Il se dit aussi "content de savoir qu'il y a des gens intelligents à Soissons, des gens soucieux de leur environnement, qui ont compris qu'il allait falloir laisser quelque chose de vivable à ses enfants".
J’en ai marre qu’on soit écoutés, j’aimerais qu’on soit surtout entendus. Au nom de la réindustrialisation de type plan quinquennal, ma population et la population du bassin soissonnais ne sont pas une variable d’ajustement.
Arnaud Svrcek, maire (SE) de Courmelles
Ce qui le fait tenir, c'est le nombre de témoignages qu'il reçoit "en nombre" de personnes qui l'informent d'actions mises en place, de leur opposition au projet, des alertes émises aux autorités. "Ça me prouve que nous sommes dans le vrai", insiste-t-il.
Il rappelle qu'une enquête publique a été faite. Le commissaire-enquêteur a d'ailleurs émis un avis défavorable, "ce qui n'est le cas que dans 4% des enquêtes publiques", avant d'ajouter qu'on leur "dit que le travail du commissaire enquêteur a été bâclé" alors "qu'il a été nommé par les services de l'Etat et je trouve ça injuste pour ce haut militaire de carrière en retraite".
Malgré tout, l'espoir perdure. "Vous pensez que je serais venu, que j'aurais mobilisé des gens pour leur vendre un faux espoir ? J'ai vraiment confiance et je me bats, je me battrai encore, on est nombreux et on ne lâchera rien". D'autant plus, que pour lui, "l'avenir n'est pas écrit".
"De toute façon, le projet est déjà tué dans l'oeuf, vous avez vu la rue. Vous pensez réellement qu'un industriel peut s'installer sur une ville sans l'approbation des populations ? Moi j'en doute", conclut-il.
Par ailleurs, une réunion d'information est organisée le 17 juin concernant les impacts sur la ressource en eau. De son côté, le maire de Courmelles organise le 11 juin une consultation citoyenne.
Avec Camille Di Crescenzo / FTV