Abaaoud "coordinateur sur le terrain", un "éclaireur" envoyé de Syrie dans le flux des migrants, et Abdeslam "assembleur du commando": un centre d'étude a retracé la fabrication et la trajectoire de la cellule responsable des attentats parisiens du 13 novembre.
En juin 2015, le Belge Abaaoud, considéré depuis des mois par les enquêteurs comme l'un des coordinateurs des attentats, "a confié à un jeune Algérien nommé Bilal C. la mission de cartographier la "route des Balkans" en vérifiant les contrôles aux frontières et les possibilités de s'infiltrer", alors que s'ouvraient les frontières européennes du fait de la crise migratoire, souligne ce document du Centre d'analyse du terrorisme (CAT).
Cette étude, dont l'AFP a pris connaissance, a été publiée dans la revue américaine Sentinel et évoquée samedi par Le Monde, à la veille de l'anniversaire des attentats de Paris et Saint-Denis, revendiqués par le groupe Etat islamique (EI) et qui ont fait 130 morts.
Durant la "mission de reconnaissance" qui a conduit Bilal C. de la Syrie à l'Autriche en passant par la Grèce, la Macédoine, la Serbie et la Hongrie, l'Algérien a "continuellement informé Abaaoud", qui a ensuite emprunté "la même route" pour entrer en Europe, d'après ce document. Un trajet imité ensuite par d'autres membres des commandos.
Chargé par Abaaoud de partir en reconnaissance "sur la route des Balkans", Bilal C. a été interpellé en juillet 2016 en Allemagne, avait annoncé à l'époque le parquet allemand.
Après "l'échec de Verviers" - cellule de jihadistes neutralisée en janvier 2015 en Belgique -, Abaaoud "a décidé de venir lui-même sur place" quelques mois plus tard pour être le "coordinateur sur le terrain" des futurs attentats du 13 novembre, a expliqué à l'AFP Jean-Charles Brisard, président du CAT. Il a voyagé jusqu'en Hongrie avec Ayoub El Khazzani, l'auteur de l'attentat manqué d'août 2015 dans un Thalys, les deux hommes ayant "résidé ensemble dans un même hôtel de Budapest", ce qui montre un "lien direct" entre l'assaillant du Thalys et l'EI, selon le rapport.
El Khazzani a ensuite pris le train pour Vienne, alors qu'Abaaoud est allé en voiture en Autriche, d'après la même source. Dix jihadistes, dont la plupart ont été impliqués dans les tueries parisiennes et dans les attentats du 22 mars à Bruxelles, ont été ramenés en Belgique par un ami d'enfance d'Abaaoud, Salah Abdeslam, indique encore cette étude. Ce dernier, considéré par les enquêteurs comme un des logisticiens du commando au vu notamment de ses voyages en Europe, a effectué en voiture "quatre trajets aller-retour entre Belgique et Europe centrale", selon ce
rapport.
Salah Abdeslam, l'unique membre encore vivant du commando du 13 novembre et aujourd'hui détenu en France, était ainsi "l'assembleur du commando", a estimé M. Brisard. Deux kamikazes du Stade de France, de nationalité irakienne, sont également entrés en Europe par la "route des migrants", comme l'a établi l'enquête judiciaire.