Un médecin belge soupçonné d'avoir recouru abusivement à des sédations pour des personnes âgées en soins palliatifs a été inculpé pour neuf assassinats par un juge de Liège (est), a-t-on appris lundi auprès de deux avocats.
Les décès remontent à 2017 et 2018. L'affaire pourrait poser la question de la réglementation de ces sédations, jugée floue par certains juristes, dans un pays où à l'inverse l'euthanasie - légale depuis 2002 - est strictement encadrée.
Cette enquête judiciaire a été ouverte à la suite d'une dénonciation émanant du CHR de Huy, près de Liège, où travaillait ce médecin, qui a depuis été licencié, a expliqué à l'AFP son avocat, Me Renaud Molders-Pierre, confirmant des informations du journal Le Soir.
Les inculpations pour assassinat ont été prononcées en deux temps, selon l'avocat ; début 2019 pour quatre cas dénoncés par l'hôpital, puis en décembre pour cinq autres décès jugés suspects par les enquêteurs.
Il estime avoir toujours travaillé dans l'intérêt de ses patients
Le médecin, présenté comme "Denis D.", 62 ans, conteste les faits reprochés, a précisé Me Molders-Pierre. "Il estime avoir toujours travaillé dans l'intérêt de ses patients", et concernant ces neuf décès suspects, de personnes âgées de 85 à 95 ans, il faisait "face à une situation médicalement inextricable avec des gens qui allaient mourir à court terme", a affirmé l'avocat.
Les quatre premiers décès seraient intervenus lors du même week-end, au cours duquel Denis D. aurait pris seul la décision de la sédation, en violation de la procédure interne de l'hôpital.
La sédation "palliative" (profonde) consiste en l'administration d'un médicament visant à diminuer la conscience et à soulager la douleur des malades pour lesquels aucun autre traitement n'est efficace.
Un choix censé demeurer celui du patient ou des proches
Elle doit être a priori réservée à des malades dont la mort est jugée proche par le médecin, devant intervenir dans une à deux semaines, selon des experts. Reste à savoir dans quelle mesure la décision est concertée."Le choix doit demeurer celui du patient, ou de ses proches dans l'ordre prévu par la loi (une loi de 2002 sur les droits du patient, ndlr), et non celui du médecin", a estimé dans Le Soir Me Gilles Génicot, professeur de droit médical à l'Université de Liège.
Concernant Denis D., "la question est de savoir si le cadre légal a été respecté", a fait valoir à l'AFP un autre avocat, Me Alexandre Wilmotte. Ce dernier s'est constitué partie civile au nom de la famille d'une septuagénaire décédée en juin 2017 au CHR de Huy. Une potentielle dixième victime que la justice pourrait imputer aux agissements du médecin.
Selon Le Soir, d'autres inculpations pourraient intervenir, visant le Dr Denis D. ou d'autres employés de l'hôpital qui l'auraient laissé faire.