Avec la France la Belgique est l'un des pays les plus représentés parmi les combattants étrangers de Daech.
La Belgique, peu pressée de rapatrier ses ressortissants jihadistes ayant combattu en Syrie et en Irak, concentre ses efforts sur le retour des jeunes enfants retenus dans les camps kurdes, une tâche ardue sur laquelle le gouvernement reste très discret.
Avec la France, la Belgique a été un des principaux fournisseurs de combattants étrangers dans les rangs du groupe Etat islamique (EI).
150 Belges "actifs sur place"
Les autorités ont recensé plus de 400 départs d'adultes belges depuis 2012, dont environ 150 seraient encore "actifs sur place", d'après les dernières estimations officielles.Un chiffre auquel il convient de rajouter les quelque 160 enfants et adolescents nés d'au moins un parent belge présumés encore présents en zone de guerre. Très peu de pays européens, hormis la France, font face à de tels contingents.
Mais contrairement à Paris, où des voix officielles envisagent désormais des rapatriements groupés, y compris d'adultes, le gouvernement belge se garde bien d'évoquer une telle éventualité.
"Pour l'instant on n'a pas de demande", a affirmé mercredi le ministre belge Didier Reynders (Affaires étrangères et Défense), en marge d'une réunion de l'Otan.
Il a laissé entendre que la situation pourrait évoluer si Washington précisait davantage ses recommandations sur le rapatriement des Occidentaux aujourd'hui détenus par les Forces démocratiques syriennes (FDS, majoritairement kurdes).
Car la donne a changé avec la perspective d'un retrait américain de Syrie, annoncé en décembre par le président Donald Trump. Il est susceptible de fragiliser les forces arabo-kurdes qui détiennent des prisonniers jihadistes, faisant craindre une fuite de ces derniers.
En Belgique, ce contexte a poussé la justice à ordonner fin décembre à l'Etat de rapatrier six enfants belges du camp kurde d'Al-Hol (nord de la Syrie) considérés en danger.
Mais l'Etat, menacé de pénalité financières, a fait appel du jugement, et la ligne officielle en vigueur depuis décembre 2017 n'a pas évolué.
Une exfiltration via Damas ?
La Belgique est disposée à "faciliter le retour des enfants de moins de 10 ans" localisés et dont "la filiation avec un parent belge est prouvée", fait-on valoir au gouvernement. "Mais pour les autres, c'est du cas par cas", ajoute-t-on.Le pays, frappé par plusieurs attentats, notamment le 22 mars 2016 à Bruxelles (32 morts), "ne veut pas du retour des jihadistes", titrait mardi le quotidien flamand De Standaard.
Parmi les Belges liés à l'EI encore en zone irako-syrienne, 55 sont en prison ou retenus dans les camps sous contrôle kurde, dont 17 femmes et 28 enfants. Le nombre d'enfants dans ces camps a doublé en six mois, selon certains experts.
Comment alors faciliter leur retour, jugé prioritaire? Officiellement, il n'est pas question de contacts avec les Kurdes, seulement de s'appuyer sur les organisations internationales présentes sur place, comme l'a dit le ministre de la Justice, Koen Geens.
"Il y a énormément de travail de préparation pour ces retours et des contacts avec des acteurs locaux", affirme Thomas Renard, de l'institut Egmont sur les relations internationales.
Le blocage de la Syrie
"Là où il y a blocage politique c'est sur le retour complet et organisé de ceux qui sont détenus en Syrie", ajoute ce chercheur spécialiste du jihadisme, une prudence notamment liée aux élections législatives de mai.Concernant les deux mères belges des six enfants identifiés à Al-Hol, le gouvernement a clairement dit ne pas vouloir leur retour, alors que leur emprisonnement ne fait aucun doute dès le premier pied posé en Belgique.
En mars 2018, ces deux femmes jihadistes ont été condamnées en leur absence par un tribunal belge à cinq ans de prison.
Quant aux enfants, relève le député Georges Dallemagne, qui suit de près la question, "le Comité international de la Croix-Rouge est prêt à les faire sortir vers le Liban via Damas, mais attend un mandat clair du gouvernement belge" pour agir. Selon lui, la proposition porte au total sur "une vingtaine d'enfants" des camps kurdes.
Ces derniers mois, quelques rares retours d'enfants ont été possibles depuis la Turquie, par l'intermédiaire de proches vivant en Belgique.